Dans Car tous les chemins y mènent, un jeune violoniste moustachu en costume s’apprête à rendre hommage à l’opéra de Bizet : drôlissime et virtuose.
Tous les airs de Carmen en cinquante minutes et par un violoniste ? Oui, c’est possible. Mais il faut le talent et l’humour de Basile Forest, circassien pluridisciplinaire, pour y parvenir sans dénaturer l’oeuvre et ne pas en rester à un prétexte.
L’artiste, qui s’est produit au festival Le Mans fait son cirque, joue du violon de toutes les manières possibles : la tête en bas, en le tenant dans son dos, sur sa tête, avec ou sans archet. Le violon n’est plus seulement ici un instrument, il se fait agrès (oui, on peut tenir accroupi dessus) mais aussi et peut-être surtout partenaire. S’échangeant tour à tour les rôles d’Auguste et de clown blanc, ces deux-là nous font vivre toute la palette d’émotions que nous offre cet opéra mythique. Tout, absolument tout y est : la séduction amusée et amusante de la belle cigarettière, son pouvoir terrible sur les autres, la violence insupportable des hommes qui l’entourent, l’envie de se balader librement sur les remparts de Séville… C’est dynamique, enjoué, rythmé.
Sous ses airs de clown faussement maladroit, ces deux-là parviennent aussi à nous mener au bord de larmes. Vers la fin du spectacle, le violon rangé dans sa boîte continue de jouer, comme par magie. Mais ce qui pourrait paraître merveilleux aux oreilles des mélomanes excède l’interprète. Cette Carmen l’obsède, et comme Don José, sa passion l’emmène à l’irréparable. Il faut accepter de tuer l’objet de cette affection (dans tous les sens du terme) dans un moment d’une force rare.
On reconnaît un chef-d’oeuvre à sa capacité à susciter des interprétations diverses. C’est le cas ici, le jeune artiste s’est approprié la partition de Bizet et les personnages de Mérimée en nous offrant une version inédite aussi surprenante que juste.
Crédit photo : Aude Petiard