En direct du festival Le temps d’aimer la danse, à Biarritz, cette année encore, Rémi Rivière partage ses coups de cœur.
Le jeune homme passe, nonchalant, en grand jeté sur la jetée, comme on se promène sur la promenade. Le jeté est un peu désinvolte, avec les jambes repliées, mais il n’empêche que l’affiche de cette 35ᵉ édition du Temps d’Aimer incarne tellement le festival de Biarritz et son tourbillon de danse au ras des flots, qu’on en oublierait ce danseur qui le survole d’un bond.
L’impassible s’appelle Arthur Wille et fait partie des 14 danseurs du London City Ballet.
Du haut de son piédestal, il illustre parfaitement la fine fleur des danseurs britanniques qui compose ce nouveau groupe et son ambition de rendre populaire des pièces peu connues du répertoire néo-classique. En commençant par le début, puisqu’une pièce de George Balanchine ouvrira ce soir le bal d’un engageant pas de deux.
À Biarritz, le London City Ballet est à la fois une évidence et une innovation. Il s’inscrit dans cette veine néo-classique qui est depuis toujours une ligne de force du festival. Il en a d’ailleurs déjà fait l’affiche au début des années 1990. Avant de se dissoudre en 1996, perclus de dettes. Le haut marrainage de la princesse Lady Di n’y put rien changer et rien ne laissait présager que l’héritage, certes déficitaire, mais hautement prestigieux, de la compagnie, serait réclamé en 2023, qui plus est dans un temps de disette économique.
L’initiative privée, regonflée par du mécénat, a été taillée pour l’aventure. Pas question de se casser les noisettes avec le répertoire, mais plutôt d’aller chercher des perles, généralement des formes courtes, pour les faire briller le plus loin possible. Cette cavalerie légère, sous la direction de Christopher Marney, qui fit un bref passage de danseur au Malandain Ballet Biarritz, agglomère ainsi chaque année quelques virtuoses de la danse autour d’une poignée de chorégraphes emblématiques qui composent le répertoire de la saison. La Française Constance Devernay-Laurence, ancienne première danseuse du Scottish ballet, fait partie de la promotion de cette année, après avoir participé à la série Étoile sur Prime Vidéo. Elle se réjouit de ce « petit groupe qui danse beaucoup », des vastes tournées qui «portent la danse dans des secteurs où elle n’a pas accès » et de pièces « inédites au Royaume-Uni ». Et ailleurs.
Pour sa première dans l’Hexagone, le London City Ballet proposera ce soir l’illustration parfaite de cette parade de références. Georges Balanchine pour commencer, donc, avec Haieff Divertimento, gourmandise rare du fondateur du New York City Ballet, qui affirme son style balanchinien, virtuose fluide et épuré, à la baguette du compositeur Alexei Haieff. En noir et blanc pour ne pas oublier qu’elle fut créée en 1947. Derrière, les contemporains se bousculent. Kenneth Mac-Millan pour son fameux Concerto pas de deux inspiré par l’échauffement à la barre d’une ballerine et par l’effervescent second
Concerto pour piano de Chostakovitch. Liam Scarlett, l’ancien danseur et chorégraphe du Royal Ballet de Londres, dans un Consolation & Liebestraum de Liszt aussi fulgurant que sa vie, qui met en scène le cycle d’une relation amoureuse sur une touche plus dramatique.
« Trois pièces pour un public qui connaît la danse », prévient Constance Devernay-Laurence, réjouie de retrouver Biarritz où elle participait, il y a 17 ans et à la moitié de sa vie, à un stage de danse. Avant de faire toute sa carrière au Royaume-Uni. Trois pièces rares ou jamais produites en Europe, d’une grande virtuosité et d’une profonde émotion.
Le bouquet final de ses trois pièces sans décor est confié au chorégraphe Alexei Ratmansky, genre de liftier de l’ascenseur émotionnel qui, sous les projections des peintures de Kandinsky, nous en fait voir de toutes les couleurs. Cette pièce, créée pour le New York City Ballet, permet de se familiariser avec cet ancien directeur du Bolchoï, peu présent sous nos latitudes. En leur confiant les clés de sa pièce, il adoube la jeune troupe du London City Ballet. Le miracle de la résurrection londonienne s’opère dans les plus belles écritures néo-classiques.
Et dans sa propre mythologie. Cette promesse n’aurait pas déplu à Jakes Abeberry, fondateur du Temps d’Aimer et adepte des ballets. Cette soirée lui sera dédiée.
Le festival Le temps d’aimer la danse se tient jusqu’au 15 septembre à Biarritz.
Programme, informations et réservations
Visuel : © Laurent Philippe