Avec « Pierre feuille pistolet », Maciek Hamela nous embarque dans un shifumi tragique

Filmer l’exode

C’est, on l’aura compris, une nouvelle version de shifumi qui donne son titre au film : Sofia, cinq ans, est l’une des passagères du van de Maciek Hamela, qui emmène en Pologne des Ukrainiens et Ukrainiennes fuyant la guerre et ses horreurs. La petite fille, qui, comme, tou.tes les enfants de son âge, aime jouer, a inventé un nouvel objet à shifumi : le pistolet. Lequel détruit les ciseaux, mais pas la pierre. Cette règle est forte en signification : le pistolet n’est pas tout-puissant.

Si le van du réalisateur sillonne l’Ukraine, ce n’est pas pour une visite des ruines de ce pays. Cela, d’autres documentaires s’en chargent. Le but de Maciek Hamela est tout autre : aider les Ukrainien.nes à s’échapper et rendre compte, par le pouvoir de la caméra, des rencontres et discussions permises par ce havre roulant.

Cette caméra, située à la place du mort, filme davantage l’intérieur du véhicule que les paysages qui défilent. Lorsqu’elle se tourne vers des chars ou des convois militaires, c’est toujours en réponse à une remarque d’un passager qui a noté leur présence : c’est bien dans l’habitacle du van que se trouvent les stigmates de la guerre.

Silences et retenue

Les quelques échanges font place à de longs silences, à l’image de cette petite fille, mutique depuis des bombardements. A d’autres moments, des adultes évoquent une vache ou un chat, craignant autant pour leurs animaux que pour eux.

Pierre feuille pistolet n’est donc pas un énième témoignage sur la guerre en Ukraine. La singularité de son dispositif délaisse un temps les décombres pour nous montrer, avec pudeur et retenue, cette humanité jetée sur les routes. Nous avons là un film fort, qui refuse de sacrifier au sensationnalisme et au pathos pour nous montrer les conséquences ordinaires de la guerre.

Pierre feuille pistolet a reçu le Grand Prix du Jury au festival War on Screen. Il a été présenté à l’ACID au festival de Cannes.