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Athénée : une soirée exceptionnelle autour des « Canticles » de Benjamin Britten

par Helene Adam
28.02.2024

Recueillement et émotions fortes pour ce lundi musical consacré aux Canticles de Benjamin Britten brillamment interprétés par celui qui a été un inoubliable Peter Grimes récemment à l’opéra Garnier, le ténor britannique Allan Clayton. Il s’était entouré de partenaires de très grande qualité à commencer par le pianiste Julius Drake.

Profanes ou sacrés

Benjamin Britten a composé ces cinq Canticles à différentes époques et en des circonstances variées, puisant son inspiration dans certains écrits de la Bible, mais aussi de poèmes évoquant l’amour ou la mort. Cette variété – voire cet éclectisme – confère une incontestable richesse des mots et des notes à cet ensemble auquel le ténor Allan Clayton, familier du répertoire, donne du sens et de la profondeur, contribuant à capter l’auditoire et à lui faire découvrir la richesse de cette composition.

Car ces Canticles ne sont pas familiers aux oreilles non britanniques. Rarement donnés, parfois enregistrés, ces petits oratorios mobilisent surtout les chanteurs appartenant aux meilleures références de la langue et du style lyrique britannique. Cyrille Dubois avait d’ailleurs surpris ses admirateurs en les gravant chez NomadMusic en décembre 2020 et si sa voix de ténor léger est assez différente de celle d’un Allan Clayton, le style était respecté.

Il n’en reste pas moins que ce n’est pas l’œuvre la plus connue de Benjamin Britten et qu’elle ne pouvait qu’être admirablement bien servie par le ténor spécialiste incontesté des grandes pages du compositeur.

Et ce fut, sans aucun doute, une (re)découverte que ce partage d’un soir, offert par des artistes en phase totale avec l’art de la poésie comme des émouvantes mises en musique de Benjamin Britten, premier compositeur de pages lyriques britannique de renom depuis l’époque baroque.

Jeu d’ombres et de lumières

Une mise en espace très efficace plongeait la scène dans une sorte de pénombre trouée d’éclairages ciblés, créant une impression un peu mystérieuse, propice à ces récits poétiques parfois fantasques, dont Harriet Walter, nous donnait lecture avant la version chantée. L’excellent sens de la narration et la diction parfaite de l’actrice permettent une immersion réussie dans cette atmosphère si particulière créée par la beauté de la langue anglaise et son adéquation à la meilleure poésie. Cette grande tragédienne shakespearienne met son talent au service de ces courts récits qui racontent de petites histoires ou ont été écrits pour rendre hommage à des grandes figures disparues.

Nous sommes déjà sous le charme quand Allan Clayton entonne le superbe « My beloved is mine and I am his » (« Mon bien-Aimé est mien ») , le Canticle I composé en 1947 pour un concert en hommage à Dick Sheppard, charismatique figure de l’Église anglicane, chrétien pacifiste qui publia en 1935 « We say no » et fonda alors le PPU (Peace Pledge Union).

Les paroles sont du poète Francis Quarles (mort en 1644) qui écrivit ce poème d’amour à partir d’extraits du Cantique des Cantiques avec ce subtil retournement final « That I my best-beloved’s am; that he is mine. » Le ténor maitrise parfaitement les couleurs de Britten, et nous donne une interprétation riche et remplie de nuances, de profondeur, plongeant le public dans cette ambiance presque mystique qui dominera la soirée. Le timbre est magnifique, la voix puissante, et les accélérations accompagnées de crescendo sur « Nor Time, nor Place, nor Chance, nor Death can bow/My least desires unto the least remove » permettent au ténor un jeu sur les consonnes particulièrement envoûtant.

Julius Drake, au piano, accomplit lui aussi des miracles en véritable partenaire à part entière du ténor, jouant une partition complexe et montrant, comme toujours, sa technique irréprochable accompagnée d’une grande sensibilité personnelle.

L’élégance de la harpe

Et l’on est déjà totalement conquis par la qualité de l’interprétation, le jeu des lumières sur scène et l’ambiance recueillie du concert, quand arrive directement le Canticle V « The Death of Saint Narcissus », composé en 1974.

Allan Clayton et son équipe ont manifestement décidé de bousculer l’ordre des opus, pour proposer à nouveau un hommage émouvant, cette fois à l’écrivain et poète sud-africain progressiste, William Plomer. Ce Canticle avait été créé par Peter Pears lui-même, ténor et compagnon de Benjamin Britten, accompagné par la harpe du compositeur gallois Osian Ellis. Hier soir, c’était la belle harpe d’Olivia Jageurs qui assurait ce duo entre voix et cordes. Outre la beauté de l’œuvre musicale dont la composition est particulièrement touchante, nous avions là deux interprètes exceptionnels sachant valoriser tout à la fois les accents musicaux et les paroles du poème. Et pourtant le chant n’est pas facile, tout en nuances, nécessitant maitrise du legato et des sauts de notes hors tonalité, tandis que les arpèges de la harpe s’enroulent autour de ces éternelles métamorphoses de Narcisse et de la nature, de l’impossibilité de « vivre comme les hommes » pour celui qui « devint danseur devant dieu ».

À trois voix

« The Journey of the Magi » (« Le Voyage des Mages ») qui suit, Canticle IV composé en 1971, est un merveilleux chant choral à trois voix, trois timbres masculins – baryton, ténor, contre-ténor – à l’unisson ou en alternance, usant de toutes les possibilités qu’offre un tel trio, notamment le canon et les ensembles où chacun chante sa propre partition. Outre l’extrême virtuosité demandée aux artistes, il faut aussi raconter cette véritable épopée, ce voyage qui « fut une froide équipée, la pire saison de l’année ». Le temps glacial et pluvieux sur Paris semblait d’ailleurs de circonstance, et il était bon se réchauffer à ces voix superbes, se mariant admirablement, pour évoquer les Rois Mages à la manière du poète américano-britannique, T.S Eliot. Allan Clayton s’était entouré de deux autres artistes anglophones tout aussi rompus aux difficultés propres à la musique complexe de Britten, le baryton George Humphreys et le contre-ténor Christopher Lowrey, pour une performance sous le signe de la perfection. Quel plaisir d’entendre ces trois timbres bien distincts et pourtant si fusionnés !

Et la puissance du cor

Le Canticle III « Still falls the rain » (« Encore tombe la pluie ») est également de circonstance ! La cantate a été composée en 1954 à la mémoire du pianiste australien Noel Mewton-Wood, se présente un peu comme un douloureux exercice de mémoire face au deuil, et évoque le martyr du Christ. Allan Clayton chante presque a capella, de sa voix puissante et très bien timbrée, les premiers vers du texte inspiré du poème de d’Edith Sitwell « The Canticle of the Rose. ». Seuls quelques accords au piano ponctuent ses premières phrases « Encore tombe la pluie/sombre comme le monde des Hommes/Noire comme notre perte ». Des sonorités de jazz issues du cor de Richard Watkins viendront régulièrement interrompre cette psalmodie pour animer l’ensemble des protagonistes, le ténor comme le pianiste pour des parties beaucoup plus enlevées avant le retour aux sombres lamentations. C’est sans doute la plus aboutie et la plus émouvante interprétation donnée lors de cette soirée littéralement envoûtante.

Un duo poignant

Avec le Canticle II, « Isaac and Abraham » qui conclut le concert, l’on atteint une sorte de plénitude des voix et des thèmes abordés par Benjamin Britten. Composé en 1952 et créé par Peter Pears et l’extraordinaire contralto Kahtleen Ferrier, ce poème inspiré du récit biblique et poignant « le sacrifice d’Isaac », était interprété, à nouveau dans une rare communion des voix (et du pianiste) par ténor et contre-ténor. Dans une petite mise en scène, les deux artistes s’affrontent dans ce douloureux dialogue. Quand Dieu parle, ordonnant le sacrifice de ce qu’il a de plus cher à Abraham, Allan Clayton reste dans l’ombre au fond de la scène, avant d’apparaître en pleine lumière pour chanter le rôle du patriarche tandis que Christopher Lowrey incarne Isaac. Colère, résignation, supplication, douleur extrême, les deux artistes nous font vivre cet épisode tragique avec la conviction de vrais acteurs. Et le chant se colore, varie, se nuance sans cesse pour exprimer la palette de sentiments contradictoires qui traversent alors les deux hommes jusqu’à ce que Dieu fasse grâce de son atroce supplice et retire son ordre.

On ne pouvait rêver final plus émouvant et plus juste.

Et c’est une véritable ovation qui accueille ensuite tous les artistes qui nous ont interprété ces Canticles à la manière d’un opéra, nous plongeant littéralement au cœur de l’œuvre qu’ils magnifient en lui rendant tout son sens.

Et bravo à l’Athénée Théâtre Louis-Jouvet d’avoir proposé un tel programme avec ces interprètes pour un lundi musical très réussi même si la salle n’était pas totalement remplie.

Les Lundis Musicaux, le 26 février, les Canticles de Benjamin Britten ; une production @LeBalcon

Nous en profitons pour signaler que d’autres « lundis » intéressants auront lieu les prochains mois. On pourra, par exemple, retrouver le pianiste Julius Drake accompagnant le ténor Mark Padmore dans un programme de Lieder, Schumann, Mahler, Brahms le 6 mai prochain.

Photo : © Athénée