À partir des témoignages inattendus de cinq jeunes femmes, Marie Mahé déplie les nouvelles formes de la virilité. Sa pièce transcende intelligemment la bipolarisation homme-femme. Parce que c’est un docu-fiction tendre et non un manifeste néo-conformiste, la force du propos saisit le public. Un grand coup de cœur.
Au fond, une fresque est dessinée, une personne lascive peinte de dos et un mot graffé, VIRIL ES. Assise face à nous, une jeune femme en sweat gris, fume, graffe, esquisse quelques pas de danse. Une deuxième la rejoint. «Bonjour, je m’appelle Capucine, j’ai 25 ans, je suis joueuse de tennis professionnelle.»
La pièce chorale trace le portrait de cinq femmes, chacune différente, chacune singulière et chacune sacrément attachante. Face aux standards classiques, elles ont créé naturellement, presque malgré elles, des nouvelles normes, les bientôt poncifs d’aujourd’hui. Capucine, Garance, Justine, Mégane et Sofia inventent. Elles parlent de notre époque, en relatant leur vie, de leur rapport aux hommes, aux parents, aux autres. Elles racontent leurs peurs :
je n’ai pas peur des autres, j’ai peur de moi.
Elles parlent de ce qu’elles sont : des adultes en devenir, des ados qui veulent comprendre de quoi il s’agit lorsqu’on utilise les mots féminité, virilité, couple. La pièce est forte et riche de sens, car si l’air du temps prescrit la déconstruction, ces futures femmes construisent, sans tabou, sans dettes, sans gommer une histoire qui les a précédées. Dés-Identification plutôt que déconstruction. Dans leur monde à venir, la virilité échappe à l’apanage du mâle. Chacune à sa manière, avec ses doutes, ses qualités, ses points faibles, fouille son rapport à la séduction hors des sentiers battus. Leur parcours, tel un noviciat, les fera éclore.
Les interprètes sont formidables, attachantes, bouleversantes parfois. Elles épousent le biais du texte. Le texte de Marie Mahé est surprenant de sensibilité, de justesse et de liberté. Sur scène, les comédiennes jamais n’exigent, ne réclament, ne vitupèrent cependant qu’elles sont à fleur de peau. Marie Mahé est une grande plume ; elle écrit sans pathos. Et ces mots, faussement innocents, possèdent une puissance digne d’une grande dramaturge.
Aux applaudissements spontanément, la salle était debout pour une longue ovation.
Durée : 1h15
Texte : Marie Mahé
Avec : Déborah Dozoul (vu avec Marie Mahé), Mégane Ferrat, Capucine Gourmelon, Ilyes Hammadi Chassin, Sofia Harmoumi
Mise en scène : Marie Mahé
visuel Affiche