Un spectacle où la place du théâtre dans nos vies est au cœur du parcours de Redwane Rajel, ex-détenu de prison qui, par la grâce des rencontres et du théâtre, va se rencontrer et s’émanciper. Le choix de la vie, et surtout, de l’existence mais aussi une question : qui a le droit d’avoir un rêve et qui l’accompagnera dans sa réalisation ?
La scénographie, signée Enzo Verdet, minimaliste et efficace, se compose d’un miroir à deux pans, d’un banc rouge et d’un réverbère. Le miroir représente les murs de la prison, une cellule de 9 m² où il n’est pas possible d’exercer son humanité : rire, aimer, partager, jouer… rêver.
Pourtant, Redwane va s’évader en nous racontant son histoire, qui commence par les murs de la cité, ceux du ring aussi (il a une carrière de boxeur derrière lui), puis ceux de la prison et enfin viendra le temps de la libération avec et par le théâtre, monde sans murs pour l’homme qui brûle d’une passion intacte – le jeu de Redwane est d’une générosité flamboyante : il vibre avec l’énergie d’un homme qui na pas cédé sur son désir de liberté. L’acteur est dans le texte, parfois peut-être pas assez désidentifié du personnage qu’il est ?
Le spectacle « À l’ombre du réverbère » s’inscrit ici dans le genre du théâtre-témoignage sans nous cantonner à l’histoire d’un seul être, là est la force du texte (Bertrand Kaczmarek, Enzo Verdet), qui ne se privera pas de nous rappeler la responsabilité de l’Etat français dans les crimes de torture perpétrés pendant la Guerre d’Algérie.
Car des Redwane qui rêvent de vivre une vie digne par-delà les stigmatisations – les murs que forment les discours haineux et étriqués qui n’aiment pas l’humanité – il y en a plein. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter ce récit intime et politique qui se révèle être un éloge percutant des pouvoirs émancipateurs et humanistes du théâtre. Le spectacle rendra hommage aux hommes de théâtre – Enzo Verdet, Olivier Py et Joël Pommerat – qui ont rendu possible ce chemin.
La mise en scène (Enzo Verdet) et les lumières sensibles (Arnaud Barré) choisissent de nous offrir un Redwane profondément humain et pas seulement héroïque – même si, de fait, il a triomphé de nombre d’adversités et d’injustices – en ce sens quelle laisse la place à la foule qui peuple le cœur de cet homme : le gardien de prison, la mère, le tortionnaire, le camarade de cellule russe, les juges… Cette foule en un homme, c’est précisément ça, l’humanité.
Avec Foucault et celles et ceux qui s’en inspirent pour œuvrer, rappelons que la prison, système disciplinaire, fabrique cela même quelle condamne. Que ses murs s’ouvrent peu à peu ou que le Cheval de Troie du Théâtre y entre comme par effraction, et voilà la machine piégée, et l’homme, rendu à son humanité.
Spectacle vu au Théâtre Paris Villette
En tournée
Visuel : © Claire Gaby