Elle s’appelle Alice et sa vie est celle banale de sa génération. À l’Odéon, théâtre de l’Europe, dans le cadre du Festival d’Automne 2023, Alexander Zeldin, artiste associé, raconte dans son dernier opus les chroniques d’une génération. Son hyperréalisme nous abandonne sur le chemin de nos envies de théâtre.
L’histoire commence à Kiama, une petite ville australienne, dans un milieu modeste. Elle continue à Sydney, puis, à travers l’exil, à Londres. C’est celle d’Alice, née en 1943, que The Confessions vont accompagner de sa naissance à sa mort. Sur ce chemin de vie, nous ferons connaissance d’un père pudique, d’une mère maladroite, d’une hippie militante féministe radicale abandonnée par son fils, d’un professeur de fac violeur ou encore d’une copine de collège, fausse, naïve, rebelle, mais désemparée. Tous ces personnages nous paraissent proches et familiers, car nous avons sûrement, chacun de nous, rencontré dans nos propres vies leurs avatars.
Alexandre Zeldin, et c’est son biais, nous livre sur le plateau de l’Odéon, par un solide dispositif scénique, une histoire simple qui s’auto-proclame vraie. Il assène, (avec raison !), que la seule biographie qui vaut est celle que nous nous racontons dans l’après-coup ; et que notre histoire toujours fictionnée devient pour nous-mêmes la réalité. Et les confessions servent de souvenirs. Il cite dans la pièce la phrase assez convenue de Simone de Beauvoir :
«Ma vie serait une belle histoire qui deviendrait vraie au fur et à mesure que je me la raconterais.»
Le spectateur ne se projette sur aucun personnage tant ils semblent trop réels. Le public, éclairé plein feu durant toute la représentation, ne se projetterait que sur lui-même. Notre plaisir tient à cette auto-projection, sa limite également. L’ensemble de la mise en scène est très efficace ; les comédiens formidables. Cependant, toute émotion est coupée à la racine par l’hyperréalisme froid. Et si nous avons appris de cette pièce, nous le savions déjà. Désolation, The Confessions enseigne que la transmission entre générations tient du fantasme, que le pardon (on le savait depuis Derrida) tient d’une impuissance. Et que l’histoire ne se répare jamais.
Certains adoreront ce colloque. Beaucoup passeront leur tour.
The Confessions – texte et mise en scène Alexander Zeldin (artiste associé
dans le cadre du Festival d’Automne 2023)
En anglais, surtitré en français – durée 2h10 – Du 29 septembre au 14 octobre
Avec Joe Bannister, Amelda Brown, Jerry Killick, Lilit Lesser, Brian Lipson, Eryn Jean Norvill, Pamela Rabe, Gabrielle Scawthorn, Yasser Zadeh.
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage