A la Mousson d’été, Mona El Yafi frappe fort avec un texte en cours d’écriture

Un festival incontournable

Fondée en 1995 par Michel Didym, La Mousson d’été constitue l’un des événements européens majeurs pour la découverte de nouvelles écritures dramatiques. Pendant sept jours, au cœur de la Lorraine, l’Abbaye des Prémontrés accueille auteurs et autrices dramatiques, metteurs et metteuses en scène, universitaires, comédien.e.s. La Mousson d’été se propose de dénicher des textes forts, de découvrir de nouveaux auteurs et de nouvelles autrices, de dévoiler des écritures émergentes accueillies par un comité de lecture animé par Véronique Bellegarde.  L’événement s’articule principalement autour de la mise en espace de lectures de textes inédits ou traduits pour la première fois en français, interprétés, manuscrits en main, par une équipe de comédien.e.s. Des spectacles, des ateliers, des conférences et des conversations complètent la programmation.

Fabulamundi

La mousson, c’est aussi une Université d’été et un partenariat contributif avec Fabulamundi, l’Erasmus européen de la création théâtrale. Fabulamundi. Playwriting Europe est un projet de coopération entre théâtres, festivals et instituts culturels de toute l’Europe, visant à créer une plate-forme de soutien à la dramaturgie contemporaine : renforcer les pratiques professionnelles, fournir aux auteurs des opportunités de création, ouvrir de nouveaux partenariats et améliorer la visibilité des écritures théâtrales

Debout à Beyrouth de Mona El Yafi

Pour sa troisième journée, au sein d’une programmation riche, le festival accueille la française de père libanais Mona El Yafi. Après une hypokhâgne et une khâgne au Lycée Henri IV, Mona El Yafi poursuit des études poussées de philosophie et se forme parallèlement à la scène. Aujourd’hui, elle est directrice artistique, dramaturge, comédienne et pédagogue.

Pour la mousson 2023, armée de son sourire, et de son talent, l’artiste propose un texte encore en cours d’écriture qu’elle dédie à son envie d’ancrage personnel dans l’arabité libanaise.

Une blague juive

Un Libanais cherche à refaire son passeport et découvre qu’il est plus facile (mais plus cher) d’obtenir son passeport à l’étranger. Comble de l’absurde, il lui serait plus commode d’obtenir une carte de séjour en France ou même un passeport français qu’un passeport de son propre pays. C’est très drôle. On croit à une blague juive et comme souvent avec une blague juive, le rire recouvre le désespoir et la peur de l’anéantissement. Dans un pays qui semble s’évaporer sous la guerre civile larvée, la corruption, la double revendication du Hezbollah iranien et de l’impérialisme syrien, Nadim (interprété par le danseur Nadim Bahsoun) et Nadia (Céline Milliat Baumgarter) racontent une situation kafkaïenne.

Dirigée par Tamara Al Saadi, la mise en espace de la lecture alterne la danse et le verbe. Nadim Bahsoun est merveilleux. Il danse et joue la comédie avec le même talent. Il est la pierre angulaire du propos, la puissance de la pièce. Il fait spectacle. Le trouble, le rire et la joie émergent par sa captivante envie de maitriser son corps alors que, dans un pays en déliquescence, les choses et le temps lui échappent. L’intelligence du texte réside dans cette confrontation entre le corps du danseur et le corps constitué (à sa façon !) de l’état libanais. Optimiste, tout finira par une danse traditionnelle. Pessimiste, Nadim renoncera à son passeport, mais pas à sa libanité.

Nadim Bahsoun

Né à Beyrouth en 1986, Nadim commence sa formation en théâtre et en danse au Liban. Arrivé en France à l’âge de 17 ans, il y poursuit ses études universitaires en Sciences économiques, avant de s’orienter vers les Arts du Spectacle à l’université de Nice UNSA. Il suit sa formation de danse à l’École Supérieure de Danse de Cannes (ESDC) Rosella Hightower et intègre la formation intensive d’été à l’école PARTS à Bruxelles. Artiste à suivre, Nadim Bahsoun sera au Festival d’Automne au mois d’octobre dans L’Homme rare de Nadia Beugré