À la mousson d’été 2023, la cinquième journée s’est achevée avec Des filles sages de Lucie Brandsma et Mélissa Irma. La pièce didactique sur la culture du viol fut accueillie chaleureusement par une salle comble et jeune.
Pendant les six jours de la Mousson d’été, l’Abbaye des Prémontrés ouvre ses portes aux écrivain.e.s, dramaturges, aux metteurs et metteuses en scène, aux universitaires, aux comédiens et comédiennes, et à un public. Ils viennent tous dans une ambiance de fête, parenthèse magique au creux des vacances, rencontrer le théâtre d’aujourd’hui. Lectures, mises en espace de textes inédits ou traduits pour la première fois en français, conversations et spectacles : son programme riche et varié offre à tout un chacun un vaste panel de découvertes autour des nouvelles écritures dramatiques. Son Université d’été offre un dispositif unique en France de formation aux écritures contemporaines, durant cinq jours d’immersion au cœur de la programmation. Dans un partenariat contributif, certains textes présentés à la Mousson d’été sont soutenus par ARTCENA.
ARTCENA, Centre national des arts du cirque, de la rue et du théâtre, est né en 2016 de l’alliance du Centre national du théâtre et du centre de ressources HorsLesMurs consacré au cirque et aux arts de la rue. Gwénola David a eu en charge la mission de concevoir le rapprochement du Centre National du Théâtre et de HorsLesMurs et assure la direction générale de la structure qui voit le jour en 2016 à l’issue de cette mission de préfiguration. Placé sous la tutelle du ministère de la Culture, ARTCENA accompagne les professionnels du spectacle vivant et le grand public. Pour être représentatif du milieu professionnel, son Conseil d’orientation regroupe différents organismes des arts de la rue, du cirque et du théâtre. Sa mission est de regrouper les connaissances concernant le théâtre, le cirque et les arts de la rue et de les mettre à la disposition de tous par le biais d’une collecte documentaire ouverte au public. C’est ARTCENA qui gère le dispositif national d’Aide à la création de textes dramatiques, le Grand Prix de Littérature dramatique et le Grand Prix de Littérature dramatique Jeunesse et qui coordonne programmes internationaux Circostrada et Contxto. Signalons enfin que ARTCENA coordonne la présence de la France à la Quadriennale de design et d’architecture théâtrale de Prague.
Pour la cinquième journée du festival, la programmation fut enthousiasmante. L’Espagnol Albert Boronat a présenté son texte : Ici ce n’est pas un endroit pour mourir, dans une traduction Marion Cousin, enregistré en public en partenariat avec France Culture. L’écriture Boronat sait enchevêtrer les temps et les récits dans cette histoire de deuil autour de la mort d’un chien qui déclenche une série de dévoilements libérateurs. Construit comme une fugue, le public chemine sous tension et avec plaisir, emmené par les voix merveilleuses de Charlie Nelson et Jacques Bonnafé soutenues par celles de Thomas Blanchard, Paul Fougère et Agnés Sourdillon.
Avec Chacun pour un, deux pour tous du camerounais Edouard Elvis Bvouma imagine un huis clos sombre entre Jean Moulin, futur résistant, et un tirailleur sénégalais dans les prisons de guerre nazi en juin 1940.
La journée se termine à l’Espace Saint-Laurent de Pont à Mousson, par Des filles sages, un spectacle de Lucie Brandsma et Mélissa Irma. La pièce qui a profité du dispositif d’aide de ARTCENA, aborde dans une fiction sur la culture du viol la question de l’empreinte psychique et de ses conséquences. Certainement, parce que le sujet est touchy, les deux co-autrices ont choisi la prudence pour appuyer leur message. Elles ont choisi des motifs dramatiques élémentaires pour être efficaces et ont opté pour des personnages caricaturés pour déréaliser et accompagner le manifeste, mais aussi pour nous faire rire.
Nora ne va pas bien. Ses nuits sont hantées par des cauchemars de poursuite où, inlassablement, le même homme la prend en chasse et la tue. Mais un jour, les actualités et un fait (dit) divers vient percuter son quotidien. Lors d’un gala de charité organisé par la société EuroIndustrie, une femme assassine au couteau Nicolas Dupieux, le PDG du groupe visé par des accusations de viol. L’affaire enflamme l’opinion publique et les médias : le féminisme serait-il allé trop loin ?
À l’issue d’une enquête policière qui rythme la pièce, nous saurons bientôt qui est cette mystérieuse meurtrière : Judith. On pense à la Judith de la bible, cette jolie veuve Juive qui sauvera son peuple et sa vertu en décapitant Holopherne, le général des assyriens. On pense aussi ben sûr à Judith Butler, la philosophe américaine qui a théorisé sur le genre et sur le consentement. Elle apparaitra comme une nouvelle Judith dans un dénouement par lequel elle deviendra le symbole d’un renversement de la peur. Le public jeune applaudit, convaincu. L’ensemble de cette première création est tout à fait prometteur.