Le phénomène de danse contemporaine (LA) Horde revient cet automne avec une nouvelle création, Age of content. Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel y dressent une critique insuffisante de la prépondérance de la virtualité dans nos vies.
Après le succès mondial du blockbuster chorégraphique rétrofuturiste Room with a view co-créé avec le compositeur de musique électronique Rone, le collectif à la tête du Ballet national de Marseille depuis 2018 revient avec une création qui concentre leur identité et questionne l’authenticité des nôtres.
Lorsque l’on pénètre dans la salle, le rideau de scène est levé. Une imposante structure métallique avec un escalier trône à gauche. De l’autre côté, on devine, sous un drap blanc, une voiture. A l’arrière, un rideau blanc s’étend sur toute la longueur. La musique tonne et il commence à vibrer. Un homme entre en scène sur la structure. Muni d’une télécommande, il anime la voiture. Dans un tonnerre, les phrases s’allument et elle prend vit. La partie démarre… Dans un premier tableau d’acrobaties et de performance, s’affrontent des avatars, deux, puis trois, quatre, dix, quinze, …
Vêtus d’un uniforme jogging complet vert pomme, ils sont masqués, impossible à identifier, à discerner. La vingtaine de danseurs et danseuses virevoltent dans un affrontement sans pitié autour de la carcasse automobile, tantôt les uns contre les autres, tantôt de concert. Ils miment avec leurs membres les kalaches des jeux vidéo guerriers. La succession des tableaux explore la puissance des images virtuelles. Les corps se meuvent de manière saccadée, mécanique, comment les silhouettes des jeux virtuels. Le rideau blanc, écran de fumée, s’ouvre et laisse apparaitre toute la complexité de l’envers des écrans, la fascination qu’ils exercent sur nous, leur violence.
Avec Age of Content, les trois artistes nous immergent dans une ère post-Room with a view. Le futur chaotique décrit dans leur précédant ballet n’est plus un horizon à éviter mais une écrasante réalité. Pendant 1h15, le collectif questionne « notre rapport corporel et émotionnel à l’abondance de contenus et de réalités simultanées ». Ils ont renoué avec leur source d’inspiration première, Internet. Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel se sont abreuvés de la représentation des corps dans les jeux vidéo et de l’expression physique à l’heure de Tik Tok pour montrer comment ces contenus modifient notre monde.
La joie de retrouver ce langage corporel si politique est immense, et pourtant, les longueurs de la chorégraphie et la répétition des mouvements provoquent de la lassitude, au point que l’on regrette par moment qu’ils ne soient pas allés plus loin encore. Pourquoi avoir repris pour un tableau la parade sexuelle de Weather is Sweet (mai 2022) ? L’harmonie des corps est sublime mais on aurait aimé voir la représentation du désir et de la sexualité revisitée, encore. Seul le tableau final, représentation de Broadway et des dérives de son influence, sur la musique tournoyante de Philip Glass, nous comble totalement. Ces tableaux purement dansés manquent.
Puisqu’Internet est le prolongement de la réalité, en utilisant ses codes, le collectif parvient à mouvoir leur message politique, mais après la prouesse réalisée avec Room with a view, on attend plus de (LA) Horde. Avec leurs formations de plasticiens et de chorégraphe, on ne peut qu’avoir envie de les voir utiliser différemment le médium vidéo, critiquer le distanciel, inventer (encore) d’autres imaginaires au désir, mettre en danse le désordre de ChatGPT, … « A l’heure du contenu, l’authenticité est une affaire de résistance » nous disent-ils, on ne peut qu’espérer que le collectif résiste à sa routine et poursuive sa quête politique d’authenticité.
(LA) Horde dans Age of content par ©Gaelle Astier Perret
Dates de la tournée