Simon Gauchet est metteur en scène et scénographe. Du 21 au 24 février, il réactive sa performance, Le Musée recopié, au Centre Pompidou pour 500 copistes.
AB : Bonjour et bienvenue dans la Discult, un podcast de cult.news. Aujourd’hui, je suis ravie de rencontrer Simon Gauchet.
SG : Bonjour.
AB : Vous êtes metteur en scène et scénographe, est-ce que je me trompe ? Entre autres.
SG : Entre autres, oui, ça dépend des projets, des fonctions, mais on peut dire ça pour commencer.
AB : Pour commencer, justement, on se rencontre parce que très bientôt, là du 21 au 24 février, vous réactivez votre performance qui s’appelle Le Musée recopié au Centre Pompidou. Je voulais revenir aux origines de ce projet qui a quasiment 10 ans si je ne me trompe pas. Je voulais savoir d’où venait cette idée de performance qui mêle copie et patrimoine.
SG : En fait, ça vient d’une expérience qu’on a tous eu l’occasion de faire au moins une fois dans sa vie. C’est qu’il y a une dizaine d’années, j’étais dans un musée et il se trouve qu’en plus, c’était au Centre Pompidou. Ce n’est même pas juste pour le storytelling, c’est la vérité. J’étais au Centre Pompidou et je voyais un jeune homme, un jeune étudiant sans doute, qui recopiait une œuvre et je voyais surtout que les visiteurs du musée étaient presque plus intéressés par l’œuvre en train d’être recopiée que par l’original, ou du moins que ça recréait un dialogue tout à fait nouveau avec l’œuvre originale. Et de là est née cette idée de se dire, mais qu’est-ce que ça donnerait d’inviter un groupe hétéroclite de copistes amateurs à recopier l’intégralité d’un musée en une ou plusieurs journées selon la taille du musée ? Qu’est-ce que ça donnerait à la fois pour les copistes qui passeraient du coup plusieurs heures devant une œuvre, alors que je crois que quand on visite un musée, on s’arrête à peu près neuf secondes devant une œuvre ? Mais qu’est-ce que ça donnerait aussi pour les visiteurs et les visiteuses du musée de voir sous leurs yeux le musée être entièrement recréé ? Et de là est née cette idée du Musée recopié, qui est une invitation à plusieurs centaines de copistes amateurs à recopier l’intégralité d’un musée pour le faire voyager ensuite.
AB : Comment se passe l’invitation ? Concrètement, je veux dire.
SG : Très concrètement, on lance un appel à participation pour créer ce groupe de copistes, sachant qu’on recrute à la fois des gens de tous âges. Il n’y a pas du tout de nécessité de savoir parfaitement dessiner. Il y a des gens qui savent dessiner et d’autres qui ne savent pas du tout dessiner. Il y a des jeunes enfants qui ont 3 ans et comme des personnes un peu plus âgées qui ont même jusqu’à 85 ans. Et on fabrique un groupe hétéroclite. Donc, ça voyage par les réseaux. Cet appel à participation, il y a un formulaire d’inscription qui est basé en grande partie sur la motivation, parce qu’il s’agit quand même de rester toute une journée dans un musée. Et donc, c’est quand même un certain engagement. Et à partir de ça, on fabrique là, en l’occurrence, un groupe de 500 copistes.
AB : C’est énorme.
SG : Mais en fait, là, on a été surpris. En trois jours, on a eu plus de 700 candidatures, parce que c’est sûr que le moment est un peu particulier. Le Centre Pompidou va fermer 15 jours plus tard. Et donc, pour beaucoup, c’est aussi une manière de dire au revoir à ce lieu et d’y faire une sorte de rituel un peu symbolique tous ensemble.
AB : Oui, c’est une question que j’allais vous poser plus tard. Mais on peut la poser dès maintenant. Justement, comment je vais la poser ? Non, je vais rester sur le fil que j’avais au départ. Parce qu’en fait, j’allais vous demander, puisque ce projet a 10 ans. Et il y a 10 ans, on était dans une autre époque. Pré-Covid, pré-MeToo, pré-guerres mondiales dans tous les sens, après beaucoup de choses. Et surtout, pré-IA.
SG : Oui, carrément.
AB : Surtout ça. Est-ce que votre projet a évolué aujourd’hui ? Comment vous voyez la copie par rapport au moment où vous avez commencé cette performance ?
SG : Le projet, il évolue évidemment. Après, c’est sûr qu’il a un sens un peu différent aujourd’hui, notamment à l’heure de l’arrivée de l’IA et de toute cette avalanche d’informations par rapport à l’IA aujourd’hui en France.C’est sûr que l’IA copie. Et ne fait que ça.
AB : Ne fait que ça.
SG : Vole du contenu pour en créer de nouveaux. Il y a par exemple un philosophe allemand qui s’appelle Walter Benjamin, qui parle de cette question, L’Œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité technique. Et on pourrait se dire qu’il a anticipé ce qui nous arrive. Il dit une chose assez belle. Il dit qu’une œuvre d’art qui est reproduite par la photographie, elle perd son aura. Et je pense qu’il y a quelque chose de ça dans les images générées par l’IA. Il y a une aura de l’œuvre ou de l’image qui n’existe plus. L’image est pauvre, l’image est sans consistance. Alors que ce qu’on voit avec Le Musée recopié, c’est que non seulement les copistes font une interprétation de l’œuvre qu’ils sont en train de voir, mais elle est chargée de personnalités extrêmement subjectives. Elle est chargée d’un temps commun vécu face à une œuvre. Et ça, on le retrouve dans chacune des copies. Pour moi, ça a créé des images aussi, par des intelligences extrêmement organiques et pas du tout artificielles, et surtout par une communauté qui s’invente autour d’un geste collectif qui, d’une certaine manière, est plus important qu’une série de gestes individuels.
AB : C’est exactement là où je vais vous emmener. Vous êtes aussi metteur en scène. Et la première fois que je vous ai découvert, c’était non pas en tant que metteur en scène, mais en tant que scénographe et regard extérieur sur Le Beau Monde, que j’ai vu au Festival d’Avignon il y a déjà quelques années, que j’avais adoré. Et j’avais adoré cette idée que, sans contexte, on pouvait perdre le sens des choses, notamment ne plus savoir quand mettre un pantalon dans le bon sens. Vous étiez amusé à tout renverser tout le temps. Et dans la copie, il y a ça. Finalement, une fois qu’on copie quelque chose, comment savoir ce qui était l’original au départ ? Est-ce que c’est quelque chose qui vous intéresse ?
SG : Je sais que, par exemple, la première fois qu’on l’a fait, cette performance, c’était au Musée des Beaux-Arts de Rennes en 2016. Et on avait créé une exposition à partir de toutes ces copies qui avaient lieu en face, dans un bâtiment autre. Et en fait, le Musée des Beaux-Arts avait été étonné de voir le nombre de personnes qui avaient visité l’exposition des copies et qui étaient ensuite venues au musée voir les originaux. Et en tout cas, ça a recréé un regard complètement nouveau sur les œuvres parce qu’on passait par un geste beaucoup plus contemporain. Et donc, ça, c’est à l’œuvre. Après, je ne sais plus quelle était la question.
AB : La question, c’était, est-ce qu’il faut connaître l’original pour comprendre la copie ?
SG : Je ne pense pas. La copie, je ne sais pas si on peut dire que c’est une œuvre. Je ne sais pas si on peut le revendiquer comme tel au sein du Centre Pompidou. Il ne s’agit pas de créer des nouvelles œuvres, c’est plutôt le fait de pouvoir traverser cette expérience qui fait œuvre, cette expérience collective. Mais une copie, en l’occurrence, telles qu’elles vont être présentées au Centre Pompidou du 22 au 24 février, il y a vraiment l’idée que…
AB : 22 au 24 ou 21 au 24 ?
SG : Alors, l’accrochage a lieu du 22 au 24, la performance du 21 au 23.
AB : D’accord (rires)
SG. : C’est très simple (rires). En fait, pendant trois jours, il y a 500 copistes qui recopient toutes les œuvres du musée et les œuvres, petit à petit, sont acheminées vers un endroit, la Galerie Ouest, un lieu d’exposition. Elles sont déposées dans des portants à dessin. Et en fait, ce sont les visiteurs qui vont eux-mêmes faire l’accrochage de toutes ces œuvres et composer leur musée imaginaire, une sorte de musée rêvé. Mais les copistes vont être aussi là pour être médiateurs de cette exposition et raconter justement leur expérience. Et ce que je trouve beau, c’est que finalement, en passant plusieurs heures devant une œuvre, ils en deviennent comme experts.En tout cas, ils voient des choses qu’on ne voit pas.
AB : Bien sûr.
SG : Et ils écrivent presque une histoire de l’art parallèle. Et je trouve que d’avoir la copie et le récit des copistes qui va avec et qui charge la copie d’une expérience, ça ne remplace pas l’œuvre, ça crée une autre expérience de l’œuvre, qui est tout aussi belle, je crois.
AB : Mais finalement, ça reste du spectacle vivant.
SG : Ah, ça c’est une bonne question.
AB : Vous êtes metteur en scène. D’ailleurs, on y reviendra après. Vous avez un spectacle qui va se jouer bientôt, la MC 93. Je spoile un peu. Elle va se rejouer, pour être plutôt précise. Dans ce que vous racontez, il y a du vivant. Les spectateurs et spectatrices vont avoir à faire dans cette exposition. Il y a du déplacement.
SG : Oui, complètement, oui.
AB : Il y a de la mise en scène.
SG : Il y a peut-être, on pourrait dire, une sorte d’expérience situationniste où là, il ne s’agit pas tant de mettre en scène l’espace, même si les cadriers…Là, on voit des plans sous les yeux. Il y a différentes zones.
AB : Je précise, pour vous qui nous écoutez là maintenant, on est face à un plan qui est le plan du musée, donc le Centre Pompidou, niveau 4, collection contemporaine des années 60 à nos jours. Et il y a des petites cases avec des couleurs.Et c’est très bien, parce que je vais pouvoir poser la question suivante qui me taraude : est-ce qu’il y a des salles imposées pour faire des copies ?
SG : Imposées, c’est-à-dire ?
AN : Imposées. Est-ce que vous dites, là je ne sais pas à quoi correspond la salle 30, par exemple, ou la salle 27, ou le carré 27 ou le carré 30, est-ce que vous guidez vos copistes, vos 500 copistes vers des salles en particulier, ou est-ce qu’ils et elles sont totalement libres de circuler dans tout le musée ? C’est à niveau 4 et niveau 5 là, pour le coup.
SG : En fait, ça n’apparaît pas sur la feuille qu’on a sous les yeux là, mais en fait, on a « zoné » le musée, c’est-à-dire on a créé plusieurs zones, ce qui fait que les copistes, quand ils arrivent, ils vont d’abord travailler dans une zone et donc ils restent tous ensemble et ça nous permet aussi de fabriquer cette petite communauté et de créer des liens entre les personnes. Et disons qu’à chaque fois qu’il y a une zone qui est quasiment terminée, ça débloque une autre zone. C’est un peu comme un jeu vidéo.
AB : J’adore.
SG : Et du coup, on progresse comme ça, progressivement dans le musée.
AB : Mais donc, le groupe progresse ensemble, les 500 ensemble. C’est Squid Game votre truc.
SG : Alors, il y en a qui disparaissent au fur et à mesure. (Rires) Ce n’est pas tout à fait vrai. En fait, les 500 copistes, c’est sur les trois jours. Il y a un petit groupe qui fait la totalité de trois jours, mais autrement, on a un groupe à peu près de 180 personnes par jour. Mais effectivement, il y a une progression collective dans les espaces, ce qui fait qu’on ne peut pas venir participer à ce projet en se disant je vais recopier le Matisse ou le Chagall parce que si ça se trouve, j’arriverai à tel jour et on sera dans la zone plutôt d’art contemporain et donc là, il faudra changer de fusil d’épaule. Mais en tout cas, les personnes sont libres de choisir les œuvres dans une certaine zone. Pour éviter les bagarres, c’est possible de recopier deux fois la même œuvre. Mais surtout, on met en place pendant toute la performance plein de protocoles de copie, c’est-à-dire de copie à plusieurs mains, de copie sur des très grands formats. Il y a un certain nombre de protocoles qu’on met en place qui permettent de fabriquer cette communauté et surtout de dessiner à plusieurs.
AB : Ah oui, c’est assez génial. Et donc, les spectateurs et spectatrices arrivent seulement le deuxième jour ?
SG : Alors, non. Pour être très clair…
AB : Moi, je vous conseille de squatter. Devant le centre Pompidou du 21 au 24, il va se passer des choses.
SG : On pourrait dire ça, oui.Les visiteurs et les visiteuses seront invités du 21 au 24 quand ils veulent venir voir la performance, sachant que l’acte de copie collective a lieu du 21 au 23. Le 23 juin au soir, on a tout recopié. Et le 24, il ne reste plus que l’exposition des copies qui est cette exposition collaborative où chacun peut faire son accrochage.
AB : Et après, que deviennent les œuvres copiées ?
SG : Ah, ça, c’est une bonne question. (Rires)
AB : Merci. (Rires)
SG : C’est un grand sujet. Parce que parfois, quand on la fait dans des musées, le musée promet en charge le voyage des copies et elles continuent justement à être exposées ailleurs. Là, ce n’est pas le cas. Le musée va fermer. Il est possible pour les copistes de récupérer leurs œuvres, leurs copies, à l’issue, quelques jours plus tard, et pouvoir récupérer une miette du centre Pompidou et l’exposer chez eux s’ils le souhaitent. Toutes les copies qui ne seront pas récupérées seront malheureusement détruites parce qu’il y a beaucoup d’œuvres en l’occurrence dans ce musée qui ne sont pas encore dans le domaine public et on ne peut pas faire n’importe quoi.
AB : On peut les copier, mais de façon éphémère.
SG : C’est ça.
AB : De façon un peu moins éphémère, je crois que vous êtes artiste associé à Malraux, la scène nationale de Chambéry. Vous l’êtes toujours ?
SG : Oui bien sur.
AB : Depuis janvier 2024. Je voulais sortir un peu de cette actualité très présente et ouvrir un petit peu. Je voulais savoir concrètement ce que ça signifiait d’être artiste associé à ce lieu. Est-ce que vous avez des obligations de création, des liens spécifiques à tisser avec le territoire, par exemple ?
SG : La question d’être artiste associé, j’ai l’impression qu’il y a autant de définitions que de lieux et d’artistes. La définition change tout le temps. C’est surtout ce qu’on en fait. J’aime bien dire qu’être artiste associé c’est à la fois être accompagné par un lieu et c’est à la fois accompagner un lieu. Ce n’est pas dans un sens unique. Très concrètement, certes, ils accompagnent les projets de création que je peux porter. C’est-à-dire accompagner en production, en résidence, ces projets-là. Mais il y a effectivement l’idée aussi pour nous d’aller travailler sur ce territoire-là, sur des dispositifs ou des projets qui ne sont pas forcément de l’ordre du spectacle ou du spectacle en salle, mais plutôt d’inventer justement des projets situés de manière très contextuelle. Là, effectivement on invente tout un projet sur le massif de Belledonne qui est ce massif montagneux qui est entre Chambéry et Grenoble. On travaille aussi avec un petit lieu qui s’appelle Seines Obliques qui gère notamment le festival de l’Arpenteur qui est basé dans la montagne et qui réfléchit beaucoup à la question de la représentation de la montagne de manière artistique et qui aussi essaie de rêver comment on peut transformer les stations de ski en résidences d’artistes. Ça pourrait être un des usages à venir étant donné que la neige va finir par manquer. Là, on mène tout un travail sur ce territoire-là aussi en lien avec Malraux et Seine-aux-Blics et puis il y a effectivement la diffusion d’un répertoire d’œuvres.Le Bon Monde jouera la saison prochaine ainsi que l’Expérience de l’Arbre. Cette année, c’est la Grande Marée qui a été accueillie. C’est un lieu compagnon
AB : Vous venez de citer l’Expérience de l’Arbre. Vous le reprenez du 10 au 12 avril 2025 à la MC 93. C’est une pièce que vous avez créée en 2018 où vous témoignez d’un lien très fort avec le Japon, avec la culture Nô. C’était il y a déjà quelques années. Vous en êtes où de cette relation avec ce type de théâtre-là ?
SG : Avec le théâtre Nô, par exemple.
AB : En particulier, même. C’est intéressant la notion de répertoire dans le théâtre contemporain. C’est que vous êtes un artiste vivant, super vivant. Vous êtes poreux à ce qui vous entoure. Est-ce que ce qui vous entoure en 2025 est la même chose que ce qui vous entoure en 2018 ?
SG : Je pense évidemment que non. Sans doute que si j’avais créé le spectacle aujourd’hui, il ne serait pas du tout le même. Je trouve ça beau aussi d’avoir accès à des pensées anciennes. Ce qui est particulièrement troublant avec le théâtre Nô, c’est que c’est une des plus vieilles formes de théâtre dont l’humanité encore joue aujourd’hui, qui se transmet justement de génération en génération par la copie.
AB : C’est vrai.
SG : Il y a un geste, en tout cas, de transmission que je trouve hyper beau et qui sans doute manque chez nous d’une certaine manière.Ce n’est pas pour rien qu’on invente ce projet, par exemple, du muséo copié.C’est que sans doute, dans l’acte de copier, il y a quelque chose de fondamental qu’on invisibilise souvent et qui est fondamental, notamment dans l’apprentissage de l’art. Et souvent, on dit que l’histoire de l’art en Occident, c’est une succession de révolutions formelles ou artistiques, mais en réalité, ce n’est pas du tout le cas. En réalité, il y a toujours eu des gens inspirés par d’autres. Il y a eu toujours des filiations plus ou moins secrètes. Et ça, c’est important de les faire voir, parce que rien ne les mène de nulle part. En tout cas, ce théâtre Nô, c’est très concret parce que ça s’incarne dans des corps, tout cet héritage et toute cette forme, tout ce répertoire qui se transmet de génération en génération. Et on le confronte effectivement avec notre histoire de l’art, avec nos mythologies à nous, autour de cette figure de l’arbre. Arbres qui étaient au Japon les premier spectateurs du théâtre Nô. Et on travaille beaucoup autour de cette histoire-là, de comment aujourd’hui on rejoue pour des arbres et quel est notre lien aussi, d’une certaine manière, au non-humain.
AB : Du point de vue non-humain peut-être. Ma dernière question : on est face à un contexte de baisse de subventions inédite, assez inhumaine pour le coup. Quelles sont les conséquences des coupes pour vous, pour votre compagnie, au sein de la scène nationale peut-être ? Et est-ce que vous avez une forme d’action limitante là-dessus ? Est-ce que vous avez pris part à des actions pour râler à minima, lutter contre ? Pardon de finir là-dessus, mais c’est vraiment l’air du temps pour le coup.
SG : Oui, c’est sûr. La manière dont nous, on est impacté, je dirais que c’est un tout petit peu tôt pour le dire, parce que c’est un effet domino. Les collectivités baissent leurs subventions au lieu, mais aux compagnies aussi. On sait très bien qu’à la fin, c’est les artistes qui vont en subir les conséquences, sur l’embauche artistique, sur le nombre de propositions, de projets qui peuvent se monter. Là, par exemple, je ne sais pas si on pourra monter la prochaine production, parce qu’on ne sait pas si on pourra trouver assez de budget de production pour pouvoir la répéter, par exemple. Après, sur la question d’être militant, je pense qu’on renvoie auprès de chacune de nos tutelles la nécessité de maintenir ce service public en France et cette expression culturelle. Je pense que pour beaucoup, ils sont les premiers à être affectés par ces coupes. En tout cas, on sent bien qu’un rituel comme peut l’être le Musée Recopier, qui est un rituel joyeux, qui fabrique du commun, qui fabrique une expérience où on peut se relier les uns aux autres, c’est primordial pour fabriquer une société, en tout cas une société souhaitable. On sent globalement qu’il est à l’œuvre derrière tout ça une idéologie qui peut sans doute être assez nauséabonde, parce que c’est une idéologie néolibérale qui…
Pour moi, ce n’est pas du tout une idéologie soit de gauche, soit de droite. C’est vraiment une autre forme d’idéologie qui est beaucoup plus pernicieuse et qui sape la capacité qu’on peut avoir de fabriquer des expériences émancipatrices. Je vois aussi que dans nos pratiques artistiques, il y a tout un champ qu’on a peut-être moins investi ces dernières décennies et que nous, on développe beaucoup au sein de l’École parallèle et imaginaire. Ce sont ces questions de projet de territoire où il s’agit justement de fabriquer de manière très située des projets, de façon contextuelle en fonction de lieux, avec des habitants et des habitantes de ce territoire. Et pour l’instant, ça, c’est des budgets qui ne sont pas trop touchés, contrairement à justement tous ces projets de production et de diffusion qui vont subir de plein fouet les baisses de dotations.
Donc, effectivement, ça met très en colère, ça a des impacts hyper concrets sur énormément de gens, ça a des impacts évidents sur plein de jeunes gens, à l’aune de la suppression du gel du pass culture. Et ça, on le voit au quotidien dans les échanges qu’on peut avoir avec les enseignants, c’est hyper préoccupant et j’espère qu’on va réussir à se mobiliser collectivement pour que ça… Qu’on n’échoue pas comme des épaves au fond de plages désertes.
AB : De façon collective, en tout cas, on va se rassembler du 21 au 24 février, plus ou moins, au Centre Pompidou pour votre musée. Ce sera, je pense, un bon acte militant. Merci beaucoup, Simon Gauchet.
SB : Merci à vous.