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07.11.2024 → 10.11.2024

Paris Photo 2024 : à couper le souffle !

par David Hanau
08.11.2024

C’est donc au tour de Paris Photo de revenir dans son berceau, et de baigner à nouveau sous la belle lumière de la verrière du Grand Palais. Pour son grand retour, la plus grande foire photographique du monde s’est donnée tous les moyens de marquer le coup et de rester gravée dans les mémoires.

Dynamique de renouvellement

Si la physionomie de cette 27e édition semblera familière aux habitués, il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour y découvrir des nouveautés très intéressantes.

Les 240 exposants, dont 147 galeries, venus de 34 pays peuvent se découvrir au gré de nouvelles sections et de plusieurs parcours.

Parmi ceux-là, citons tout d’abord le secteur Voices, où 3 commissaires internationaux ont été invités à imaginer 3 propositions collectives de grande qualité.

Le secteur Emergence, dominant la foire à l’étage supérieur, donner un bel aperçu de la nouvelle génération à travers pas moins de 27 solos shows proposés par de jeunes galeries. Parmi les œuvres de talents émergents, citons la cartographie céleste imaginée par le duo français Edouard Taufenbach & Bastien Pourtout dans l’espace de la galerie Almanaque (Mexico City). On s’arrêtera aussi sur les puissantes décolorisations paysagères de Letizia Le Fur proposées par Julie Caredda (Paris). On explorera les collages troublants de Miguel Angel Tornero chez Juan Silió (Madrid). On s’amusera des mises sous blister de Lucile Boiron chez Hors Cadre (Paris). Et on se laissera séduire par les impressions sur verre de Dorottya Vékony chez Longtermhandstand (Budapest).

Le secteur Prismes vous invite à découvrir 7 propositions hors normes, hors formats, 7 ponctuations remarquables dans le flot du secteur principal, à travers des installations interrogeant les frontières de l’art photographiques.

Quant au secteur Digital, présent pour la deuxième année consécutive, il explore l’impact des technologies sur la photographie contemporaine à travers une quinzaine de galeries des travaux d’artistes qui intègrent le digital dans leurs pratiques.

Ne manquez pas non plus de réserver une partie de votre temps de visite aux Secteur Editions où 45 maisons d’édition françaises et internationales présentent une belle diversité de livres de photographie, d’éditions limitées et de livres d’artiste, ainsi que plus de 400 séances de signatures d’artistes.

En terme de parcours, on retrouve avec vif intérêt la sélection Elles × Paris Photo, curaté cette année par Raphaëlle Stopin, qui met en lumière les femmes photographes et contribue à augmenter leur représentation à la foire, passant de 20 % en 2018 à 38 % aujourd’hui. Ce programme valorise la diversité des expressions artistiques féminines, tout en soulignant la recherche plastique et l’expérimentation de ces artistes.

Enfin, pour marquer le centenaire du Surréalisme, la foire a donné cette année carte blanche à Jim Jarmusch pour concevoir un parcours original et surprenant.

Accumulations

C’est le premier fait qu’on ne peut ignorer en arrivant sous la nef du Grand Palais : la récurrence des œuvres ou des installations qui jouent sur un effet de masse, une accumulation d’images dont la convergence crée le sens.

A commencer par l’incroyable installation de la galerie Julian Sander, qui accueille les visiteurs avec un immense mur composé des 619 portraits de August Sander, People of the 20th Century. Un emplacement d’accueil de bon augure, qui ne peut qu’inciter le regard à repérer des démarches curatoriales ou artistiques qui lui font écho.

Ainsi la série de Ulrich Wüst, Prenzlau, présentées par la galerie LOOCK (Berlin), offre une critique positive de formes bourgeoise d’architectures.

Un peu plus loin chez Binome, on s’arrêtera sur The Anonymous Project de Lee Shulman, un « Totem » composé de 1798 diapositives qui forment un objet fascinant et singulier.*

Toujours chez Binome, nous avons beaucoup aimé le travail délicat de Guénaëlle de Carbonnières. Ses empreintes mobiles obtenues par photogrammétrie interrogent l’immédiateté en capturant à jamais les fugaces images de l’actu reprises et déformées par le prisme des réseaux sociaux.

Cette dimension archiviste et compulsive se retrouve en miroir à la galerie Alarcon Criado (Sevilla), qui présente El archivo Macondo, une œuvre singulière de François Bucher composée de 380 tiges métalliques sur lesquelles de petits tirages « C » sont soigneusement épinglés.

Couleurs en aplats

L’autre leitmotiv qui nous a surpris cette année est l’incroyable représentation des œuvres plastiques abstraites, jouant sur des entrechocs colorimétriques.

On est mis sur cette piste par Mustapha Azeroual qui propose chez Binome ses Radiance, de grands dégradés imprimés sur des supports lenticulaires.

Nicolas Floc’h semble y répondre très directement à la Galerie Maubert (Paris) avec son polyptique La couleur de l’eau, formé par 10 impressions orangées et abstraites.

Chez Atlas (London), Richard Caldicott, propose ses intrigantes abstractions océaniques bleutées.

On retrouve également dans cette dynamique Julien Mignot qui présente sa série Temps Présent chez Esther Woerdehoff (Paris) : de surprenantes solarisations expérimentales aux couleurs ésotériques.

Enfin, bien que paysagère, l’œuvre de Rafael Y. Herman présentée par la Patinoire Royale (Bruxelles) propose de capturer des instants invisibles qui deviennent autant d’émois surréels.

Hors formats

C’est sans doute le marqueur le plus fort de cette édition : un grand nombre d’œuvres photographiques sortent du cadre, et nous proposent des installations qui repoussent les limites du champs photographique, aux confins des arts plastiques.

A commencer par l’immense et iconique paravent de Hiroshi Sugimoto, Mt Fuji, chez Fraenkel (San Francisco). Immanquable.

Le paravent, c’est également la forme que prend l’œuvre de Maya Inès Touam, Autel de prospérité, présenté par la galerie des Filles du calvaire (Paris), cabinet de curiosité photographique installant un univers trouble et nocturne.

A voir aussi absolument, l’Amazogramas de Roberto Huarcaya chez Rolf Art (Buenos Aires), un magistral rouleau photographique qui semble vouloir avaler le visiteur et l’embarquer dans un autre espace-temps.

A la galerie Nadja Vilenne (Liège), Aglaia Konrad propose Projekt Skulptur, des assemblages de photos totémiques qui forment des sculptures reproduisant des objets d’art primitif.

Terminons ici par le paysage quadriptyque de Joost Vandebrug chez Bildhalle (Amsterdam), composé de 360 photos recomposant une seule et unique image.

Une foire, une infini de possibilités. Cette année, à coup sûr, vous ne ressortirez pas de Paris Photo comme vous y êtes entré.

Paris Photo, jusqu’au 10 novembre au Grand Palais