« Oh, Canada » : la faute de Richard Gere en compétition au Festival de Cannes
par Yaël Hirsch18.05.2024
En compétition à Cannes, Oh, Canada marque la réapparition sur la croisette du réalisateur du Nouvel Hollywood, Paul Schrader, et de Richard Gere. Une adaptation malheureusement ampoulée du roman testamentaire du regretté Russell Banks.
Le déserteur : héros de la désobéissance civile ou grand lâche ?
Documentariste reconnu et homme de gauche, Leonard Fife a fui au Canada pour éviter la conscription pendant la guerre du Vietnam. La veille de la mort que lui promet le cancer qui le terrasse, deux anciens étudiants proposent de faire un documentaire sur lui. Il s’agirait de documenter le documentariste engagé. Il accepte, mais dans le noir complet et devant sa femme. Une fois le dispositif mis en place, le témoignage se transforme en immense aveu de culpabilité.
Noir et blanc…
Nous étions ravi.e.s de retrouver Richard Gere qui continue à bien maturer dans ce Oh, Canada qui promettait de nous parler de toute une époque dont nous sommes les héritiers. On y retrouve donc l’ancien scénariste de Brian de Palma, Paul Schrader et, en femme beaucoup plus jeune, Uma Thurman, toujours aussi sublime. Le noir et le blanc réussissent à la photo, mais pas aux messages politiques : héros ou lâche, mort ou vivant, fidèle ou traitre, nord ou sud, artiste ou bon gagneur, c’est un peu en Rocky très fatigué de n’avoir pas fait la guerre (avait-on besoin du moment d’assistance pour aller aux toilettes ?) qu’apparaît Richard Gere. Le scénario est haché pour suivre les errances d’un vieux monsieur qui souffre et délire sous morphine.
Longueurs et sclérose
Et où les acteurs à divers âges de leur vie ne sont pas crédibles. Quant au personnage, il est antipathique dès le début malgré la maladie, alors qu’il cherche à apaiser sa conscience, coûte que coûte. Oh Canada, Oh magie, Oh révélation : le héros qui a refusé la guerre du Vietnam et a traversé la frontière du Canada est un séducteur fatigué et fatigant, qui a déserté aussi son foyer et ses responsabilités – ses femmes et son fils. Les voix narratives se multiplient, les scènes de sexe triste succèdent aux échappées belles en bagnole et les images sont redondantes. Menée à grand renfort de citations surannées dans une salle de classe, la réflexion sur le rôle des images est très faible. Après la déception du Megalopolis de Francis Ford Coppola (lire notre article), Cannes continuer de nous donner à penser que les vétérans d’un Nouvel Hollywood sont capables de renouveler leur casting (ici le hit boy Jacob Elordi, d’ailleurs tellement fade en jeune Fife), ils ont néanmoins du mal à donner du mordant à leurs images.
Oh, Canada, de Paul Schrader, avec Richard Gere, Uma Thurman, Michael Imperioli, Jacob Elordi, USA, 2024, 1h35. En compétition officielle au 77e Festival de Cannes.
Visuel : (c) ARP selection
Pour retrouver nos articles sur le 77e Festival de Cannes, consultez notre dossier.
