Le 13 Septembre 2024, à la Cité de la Musique, Paris, l’Ensemble intercontemporain interprète sous la direction de Pierre Bleuse le concerto pour piano «Reflections II» de Michael Jarrell et la quatrième symphonie de Gustav Mahler, dans une version pour soprano et ensemble de Michael Jarrell.
Deux créations se succèdent lors de ce concert ! La collaboration s’est avérée fructueuse entre le
compositeur suisse Michael Jarrell et l’Ensemble intercontemporain. Cet ensemble de 31 solistes a été fondé en 1976 par Pierre Boulez. Très impliqué dans la création contemporaine, il réside à la Philharmonie de Paris et travaille avec l’Ircam sur des projets innovants. Il est dirigé depuis un an par Pierre Bleuse.
Le concerto pour piano de Michael Jarrell a été écrit en 2019. Il l’a dédié à Eric Daubresse, son professeur et son ami, récemment décédé. Le nom de «Reflections» a été choisi pour son double sens en anglais: réflexion et reflet. Nous l’écoutons ce soir dans une version inédite pour piano et ensemble avec Hidéki Nagano au piano. La quatrième symphonie de Gustav Mahler a été composée lors des étés 1899 et 1900 au bord du Wörthersee, un lac de Carinthie. Un endroit idyllique qui inspirera au compositeur une musique joyeuse, charmante, ludique. Ce soir nous l’entendons dans la version pour soprano et ensemble écrite par Michael Jarrell. Une version qui se veut fidèle à l’originale malgré le nombre plus réduit d’instruments. Le lied final «Das himmlische Leben, la vie céleste» est interprété par la soprano Elsa Benoit.
Un long fa dièse montant, dissonant inaugure le concerto. L’orchestre est vite relayé par le piano. S’installe alors une ambiance sonore captivante, le rythme évoque le jazz. Hideki Nagano aborde les grandes difficultés techniques de l’œuvre avec force et impassibilité, tel un samouraï du piano. Les cordes jouent des notes continues, à peine changeantes, évoquant le reflet d’une eau calme. La musique est très fluide, comme l’écoulement d’un flux souterrain. La fin du premier mouvement est beaucoup plus lente, se terminant comme dans un murmure poétique mettant en valeur la sensibilité, la délicatesse du pianiste. Le deuxième mouvement débute par un solo du piano. Quelques notes très simples, comme des pensées éparses, inaugurent ce monologue intérieur. Le calme, la recherche de sérénité du piano, s’opposent aux dissonances de l’orchestre, aux grondements des timbales, qui évoquent les tourments du deuil. Le troisième mouvement nous replonge dans une ambiance sonore saisissante, par son rythme, ses accents brutaux, ses ruptures. On pense à Maurice Ravel, à Gershwin aussi. La colère explose dans un certain chaos. Le concerto se termine par une longue gamme chromatique ascendante comme pour se soustraire aux émotions terrestres.
Les grelots du début l’attestent, cette symphonie N°4 de Mahler sera joyeuse et ludique. Très vite l’auditeur est séduit par le chant des violons. La mélodie est belle, chatoyante, comme une invitation à une promenade dans un paysage que l’on imagine enchanteur. L’orchestration revue par Michael Jarrell est très riche mettant en valeur successivement, les flûtes, les cors, les cordes. Malgré la réduction instrumentale l’Ensemble intercontemporain restitue toute l’ampleur, toute la puissance de cette musique symphonique. Cette ambiance festive, estivale est brièvement interrompue comme dans la Pastorale de Beethoven par un bref déchaînement orageux, des cuivres et des grelots. Le mouvement se termine par la reprise du thème interprété avec une grande douceur. Suit un scherzo remplit de surprises, de fantaisie, même si surviennent aussi des moments romantiques voire un peu mélancoliques. Le troisième mouvement «Poco Adagio». Il débute par un solo des violoncelles. La mélodie est langoureuse et apaisante. La musique enveloppe l’auditeur dans une grande douceur, un grand calme. Il se termine par un fortissimo impressionnant et dissonant: c’est l’ouverture des portes du paradis. La cantatrice Elsa Benoit arrive sur scène. Le 4ème mouvement est un lied consacré à la vie céleste. La voix de la soprano s’élève au dessus de l’orchestre, elle est suave, envoûtante, tendre, drôle. Elle chante quatre strophes entrecoupées par les grelots des intermèdes. Puis l’orchestre s’efface peu à peu et la symphonie s’achève dans une grande sérénité.
Michael Jarrell, le compositeur, était présent au concert. Son concerto est riche en contraste et en expressivité. Sa version est effectivement fidèle à la quatrième symphonie de Mahler, une œuvre riche en couleurs qui ne pourra que réjouir l’auditeur.
Visuel(c): JMC