Ce vendredi 12 décembre à l’auditorium de la Fondation Louis Vuitton, Isabelle Huppert au texte et Alice-Sara Ott au piano créent Love, Icebox, une pièce-fleuve pour piano et voix écrite par le compositeur Bryce Dessner, à partir des lettres d’amour échangées entre John Cage et Merce Cunningham. Une création irisée avec une scénographie élégante.
C’est avec à la fois beaucoup de légèreté et beaucoup de complicité que la comédienne, Isabelle Huppert, en haut à talons et costume bleu irisé oversize, et la pianiste Alice-Sara Ott sont entrées en scène devant trois claviers différents et une table de lecture années 1940. C’est à peu près à cette époque, en effet, que le compositeur John Cage et le danseur et chorégraphe Merce Cunningham entament une relation amoureuse qui a laissé 39 lettres du premier au second, dont 18 ont été sélectionnées pour former la base et la structure de la pièce fleuve pour piano composée par Bryce Dessner.
À travers la lecture de ces lettres par Isabelle Huppert, on entre dans l’intimité du compositeur, au cœur de son désir pour le jeune danseur. On découvre son manque, mais combien cette relation d’inspire ainsi que sa passion pour Erik Satie. On entendra d’ailleurs, entre certaines pièces de Cage et créations de Dessner des extraits des Gnossiennes. Avec une véritable mise en scène où les deux femmes tournoient sur scène et où Huppert se change pour passer du bleu au rouge, le tout forme un vrai ballet aux accents neo-tonaux et aux coloris nacrés.
Alors qu’elle est en résidence en même temps que le compositeur au Konzerthaus Berlin et qu’elle y a créé son premier concerto pour piano, Alice-Sara Ott, apparition blanche aux pieds nus, nous fait vivre avec beaucoup d’émotion une traversée assez narcissique et néanmoins très inspirée de ce qui aurait pu être une véritable passion.
On est tout particulièrement ému par son interprétation de « Two Valentines Out of Season » de Cage et aussi par un thème intitulé « Prince des montagnes » par Dressner, qui fait référence au moment où tout aurait pu basculer. On reconnaît le talent narratif du compositeur de The Revenant, et on ne boude pas son plaisir de voir Isabelle Huppert se risquer à donner un ton un peu gâteux à l’un des textes. Une création mondiale qui permet d’entrer dans les coulisses de la création, à revoir ce samedi 13 décembre pour une deuxième et dernière représentation à la Fondation Louis Vuitton.
Visuel (c) YH