Zaho de Sagazan, saisissant la scène

Zaho de Sagazan s’est infiltrée dans nos écouteurs il y a presque un an, fin mars 2023, avec son album La symphonie des éclairs. Son phrasé mordant, qui a rafraîchi la scène musicale française, lui vaut d’être nommée cinq fois aux Victoires de la Musique : meilleur album, révélation féminine, meilleure création audiovisuelle (pour le clip de La symphonie des éclairs réalisé par Bobby León), mais aussi révélation scène. En pleine tournée, elle se produit pour deux dates exclusives à Chaillot – Théâtre national de la Danse.

Scène psychédélique

La salle est petite, intimiste, comme elle les aime. Dans le noir, la lumière se fait sur celle qui, vêtue d’une veste de costard, nous extrait du monde pendant une heure et demie. En contre-jour, elle est une ombre, elle installe son univers. Quelques notes, des bruits de gouttes d’eau envoûtent et plongent la salle dans la « Fontaine de sang », titre exigeant qui ouvre son album et tous ses shows. « Des hommes, les hommes, ces hommes / Gastrolâtres et gourmands / Viendront dévaliser / La fontaine de sang ». Le ton est donné. La ritournelle est synthétique. Presque psychédélique.

On croit partir en voyage mais c’est une véritable expérience paranormale que l’on vit, avec sur elle, la lumière en plongée façon soucoupe volante. Elle nous chante ses « Aspirations », et c’est une réalité, nous sommes en pleine abduction extraterrestre. Hypnotisé, le public observe Zaho de Sagazan posséder les lieux. Elle s’érige en maîtresse du temps présent, déverse sa folie et défend les thèmes qui lui tiennent à cœur, des addictions au sujet des violences conjugales qu’elle évoque entre autres dans le single « Les Dormantes » qui l’a fait connaître.

Sagacité envoutante 

Plus qu’un concert, la jeune femme crée un show intime hors cadre. Tantôt elle est notre amie, elle se confie sur ses crushs, un « Inconnu » surtout. Tantôt elle est la petite voix dans notre tête, elle exorcise notre « Tristesse ». Tantôt elle est notre mentor, elle nous envoûte tel le serpent Kaa. Elle est sagace la Sagazan, et de ses mille notes traduites en mille faisceaux de lumière, elle nous tient en haleine. Elle se déchaîne, pantin dansant désarticulé. Accompagnée de ses deux musiciens, elle n’a besoin de rien d’autre que du jeu des spots lumineux pour convoquer nos imaginaires, créer des éclairs.

« Être sensible, c’est être vivant, et nous ne sommes jamais trop vivant », murmure-t-elle avant d’entonner en cœur avec la foule émue sa « symphonie des éclairs ». Sa blondeur intrigante et son teint blanc magnétise. On la croirait possédée, petit génie de la scène. Elle décroche des syllabes à la Brel ou à la Barbara, comme si elle décochait des balles qui envoient voltiger tous nos poids loin de nos épaules. Alternant ses slows piano-voix et sa pop folle zestée d’électro, elle chante l’universel personnel et immerge son public dans la transe. Elle distille des mantras avec une générosité rare. Une furieuse expérience !