La Seine Musicale propose le 28 et 29 mars 2024 un concert dédié à la musique religieuse de J.S. Bach. L’Insula Orchestra et le chœur Accentus interprètent deux Motets et deux Cantates du maître de Leipzig. Le concert est complété par la 4ème ouverture de J.S. Bach et par «Heilig ist Gott», le Motet de son fils Carl Philipp Emmanuel Bach.
Bach, de l’abîme à la lumière, tel est le beau titre de ce concert. Ce soir la musique nous emmène vers une époque, vers un monde de foi profonde, de grande spiritualité. Le génie musical de Bach nous conduit du tunnel des tourments de la vie vers la lumière, de la crainte de la mort vers l’espérance. Tel est le sens de sa musique. Nous entendrons les Motets 229 et 227 composés à Leipzig, respectivement en 1731 et 1723. Ce sont des odes à la mémoire des défunts, jouées lors de funérailles ou de commémorations. La mort y est présentée comme une délivrance. La Cantate BWV 131, «Aus der Tiefen rufe ich, Herr,zu dir» est l’une des premières, voire la première cantate écrite par Bach, à Mülhausen en 1707. Cette supplique pour le pardon des péchés est douloureuse, peut être car composée peu après l’incendie qui détruisit le centre de la ville. La deuxième cantate, BWV72 «Jesus, meine Freude» est plus tardive. Écrite pour le troisième dimanche de l’Épiphanie en 1726 elle exprime la joie du chrétien qui se soumet à la condition divine.
Le concert débute par de la musique instrumentale avec l’ouverture N°4 . Nous en entendons le premier mouvement, l’ouverture à la française. Elle débute par l’éclat des trompettes, le roulement des timbales. La musique est grandiose, majestueuse, joyeuse. L’influence de Lully est frappante. C’est une musique de cour, un divertissement, même si les trompettes pourraient aussi être celles du paradis…
Cette musique profondément religieuse, véhicule des émotions et des sentiments très variés. Les textes qui s’affichent, en français, sur l’écran sont très beaux, souvent poétiques. L’interprétation de Laurence Equilbey met en valeur les nuances, elle est toute en finesse, en précision, riche en émotions. Le chœur Accentus débute la Cantate 131 dans une interrogation douloureuse. Le duo du hautbois et de la basse, Victor Sicard est de toute beauté. Avec sa voix profonde et chaude, il apporte un début de consolation! Un apaisement qui se confirme dans le superbe récital du ténor Gwilym Bowen. Sa voix est captivante, accompagnée d’un seul violoncelle puis des chœurs en sourdine. Un moment très émouvant. La lassitude s’exprime dans Le motet «Komm, Jesus, Komm». Le mot Komm devient une supplique douloureuse. La délivrance ne peut venir que de «Lui». Dans le deuxième motet «Jesus Freude», l’acceptation de la mort s’accompagne d’un soulagement. Le mot Nichts, est posé à plusieurs reprises comme de délicats accords. Puis la musique exprime la colère et le courage dans une lutte contre le mal symbolisé par un dragon, avant l’apaisement final. Dans la cantate BWV 72 l’orchestre puis le chœur expriment l’énergie, la joie, l’optimisme. La musique devient triomphante, à la gloire de Dieu. Dans son solo, l’alto Rose Naggar-Tremblay est accompagnée de l’orgue et du luth rejoints par le violoncelle. La tristesse se mue en joie, la sérénité s’installe. Dans son aria la soprano Sheva Tehoval dialogue avec le hautbois et les cordes. Sa voix cristalline exprime l’amour, la confiance totale. Une confiance qui s’exprime aussi avec force dans le chœur final.
Une surprise attend l’auditeur. Le motet de Carl Philipp Emanuel (1714-1788) «Heilig ist Gott» a été composé en 1776 et joué pour la Saint-Michel dans les églises de Hambourg. Nous quittons la musique baroque. L’orchestration est puissante, spectaculaire, symphonique. Le compositeur fait dialoguer le peuple des croyants avec les anges. Le chant des anges est porté par deux hommes et une femme. Ils chantent à capela depuis le deuxième balcon. Leurs voix semblent descendre du ciel. Un chant lointain, presque irréel, d’une pureté céleste qui contraste avec la puissance, l’allégresse du chant des peuples. Une œuvre spectaculaire qui connut un vif succès lors de sa création.
Au fil du concert l’auditeur sera porté par la musique de J.S. Bach. Il va communier avec sa profondeur, sa beauté, sa sérénité. Une musique qui s’élève comme un parfum de transcendance. Car comme disait Goethe, «Lorsque nous écoutions la musique de Bach, nous avions l’impression d’assister à la création du monde».
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