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Une majestueuse « Symphonie n° 11 » de Chostakovitch à la Philharmonie de Paris

par Hannah Starman
07.03.2024

Après un Deuxième concerto pour le piano de Rachmaninov, interprété somnambuliquement par le jeune prodige sud-coréen Yunchan Lim, l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä, nous ont offert une Symphonie n° 11  dite « Année 1905 » expressive et grave, à la hauteur de l’histoire sanglante qu’elle évoque.

Concerto pour piano et orchestre n° 2 de Rachmaninov

 

Yunchan Lim s’avance vers le piano d’un pas rapide et lance à peine un regard furtif à la salle Pierre Boulez pleine à craquer. Mince et grand, ce jeune homme vêtu de noir et arborant une abondante chevelure noire, a été propulsé sur le devant de la scène internationale en 2022 lorsqu’il remporte le célèbre Concours Van Cliburn à seulement dix-huit ans. Depuis, le pianiste sud-coréen, qui fêtera ses vingt ans ce mois-ci, enchaîne les succès. Son interprétation du troisième concerto de Rachmaninov à la finale à Fort Worth accumule 10 millions de vues en huit mois et devient ainsi la version du Concerto n° 3 la plus vue sur YouTube. Le jeune prodige se produit dans les salles les plus prestigieuses, joue avec les plus grands orchestres et apparaît, en 2023, dans la liste Forbes 30 Under 30 Asia dans le secteur des arts. Il n’y a aucun doute que Yunchan Lim est une star internationale du piano qui a le vent en poupe et on ne peut que se réjouir de l’intérêt qu’il inspire auprès des jeunes pour la musique classique en général et le piano en particulier.

 

 

Pourtant, ce soir à la Philharmonie, Yunchan Lim ne convainc pas vraiment dans le plus célèbre des concertos pour le piano de Rachmaninov. Malgré son incontestable maîtrise technique, l’interprétation du jeune prodige est inégale et presque distraite, comme si le cœur n’y était pas, ou pas assez. Quand Rachmaninov entame l’écriture de son Deuxième concerto en 1900, il sort tout juste d’une longue dépression nerveuse, déclenchée par l’échec de sa première symphonie en 1897. Composé de trois mouvements et reconnu pour sa difficulté technique, le Deuxième concerto retrace les étapes de la guérison de son créateur ainsi que celles de sa propre genèse tourmentée. Dans Moderato, Rachmaninov rappelle son éveil progressif d’une torpeur impuissante et décrit avec minutie les circonstances qui l’ont plongé dans la crise. Libéré de ses cauchemars dès l’Adagio, le compositeur est installé dans une vie plus gaie et prêt à renouer avec l’espoir. La partie centrale du mouvement consiste en un dialogue entre le piano, la flûte et la clarinette, qui semble arrêter le temps jusqu’à amener le voyageur de l’âme à une pleine réconciliation avec son existence dans Allegro Scherzando.

 

Au lieu de nous entraîner dans les méandres de ce laborieux cheminement intérieur de l’obscurité à la lumière qu’est le Deuxième concerto de Rachmaninov, Lim donne l’impression d’un guide qui aurait délaissé sa charge, devenue trop pesante, dès sa première crise d’angoisse, pour n’y revenir que ponctuellement en cours de route avec un sommaire « ça va aller ? » qui n’appelle pas de réponse. Yuchan Lim nous propose une interprétation lisse, sans tourmente ni contraste, que l’on peine d’ailleurs à entendre car il ne tient pas non plus tête à l’orchestre, comme s’il n’arrivait pas à dégager la force requise. Quelques superbes passages solo laissent entrevoir la délicatesse et la virtuosité de son jeu, mais on regrette l’absence de flamme qui leur donnerait du sens et de la substance. Son bis, un arrangement du célèbre air de Norma « Casta Diva » aurait pu nous attendrir si les notes avaient été justes. Hélas…

 

Symphonie n° 11 « Année 1905 » de Chostakovitch

 

 

Avant de commencer la plus tragique des symphonies de Dimitri Chostakovitch, Klaus Mäkelä marque un long moment de silence qui nous transporte devant le Palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg, la capitale de l’Empire russe, où ce 9 janvier 1905, qualifié de « dimanche sanglant », 100 000 personnes s’y sont réunies pour une manifestation pacifique.

 

Menées par le très populaire pope Gapone, des familles entières en habits de dimanche convergent vers la résidence de l’empereur à qui elles viennent respectueusement présenter leurs doléances. Le tsar Nicolas II et la famille impériale avaient déjà fui la veille à Tsarskoïe Selo, mais les manifestants l’ignorent. Ils ne savent pas non plus que le « père protecteur du peuple » avait laissé tous les pouvoirs aux forces de l’ordre massées aux abords du palais. Dépassée par l’ampleur de la manifestation, la garde impériale ouvre le feu. Cette répression meurtrière d’une manifestation populaire déclenche la révolution de 1905 et s’inscrit dans la mémoire collective comme la rupture du lien sacré entre le tsar et son peuple ; elle sera commémorée dans l’Union soviétique comme l’acte fondateur de la révolution de 1917.

 

 

Le « dimanche sanglant » revêtait une importance très personnelle pour Dimitri Chostakovitch car son père, Dmitri Boleslavich Chostakovitch, figurait parmi les survivants du massacre. Évoquant sa jeunesse, le compositeur (qui naîtra le 25 septembre 1906) disait à son ami et biographe Solomon Volkov : « Notre famille parlait constamment de la révolution de 1905… Ces histoires ont eu un impact profond sur mon imagination. … Ils transportaient sur un traîneau un monceau d’enfants assassinés. … Et les enfants morts souriaient. Ils avaient été tués si subitement qu’ils n’avaient pas eu le temps d’avoir peur. » Chostakovitch reçoit la commande pour une symphonie qui commémorerait le cinquantième anniversaire des évènements de 1905, mais les décès fulgurants de son épouse Nina en décembre 1954 et celui de sa mère en novembre 1955, l’en empêchent. Selon Irina Chostakovitch, la dernière épouse du compositeur, c’était finalement la répression sanglante de la révolution hongroise de 1956 qui avait déclenché son processus créatif.

 

Le 23 octobre 1956, 200 000 manifestants se sont rassemblés devant le Parlement hongrois et une délégation étudiante a cherché à entrer dans le bâtiment de la radio nationale pour diffuser les revendications adressées au gouvernement. Les étudiants seront arrêtés et la police politique ouvrira le feu contre la foule qui exigera leur libération. Dans la nuit, les protestataires renversent les statues de Staline, incendient les voitures de police et vandalisent les symboles du régime communiste. Dépassé, le gouvernement hongrois fait appel aux troupes soviétiques qui se trouvent dans des casernes en province. Le 24 octobre à 2h du matin, 290 chars et 6000 soldats de l’Armée rouge entrent dans Budapest. Le lendemain, les manifestants, y compris femmes et enfants, investissent la place Kossuth devant le Parlement hongrois, demandent la libération de l’emprise soviétique et fraternisent avec les soldats de l’Armée rouge, jusqu’à ce que celle-ci, sous les ordres du général Ivan Serov, le chef du KGB, tire sur la foule et tue plusieurs centaines de manifestants.

 

 

Horrifié par les parallèles qu’il observe entre la répression de 1905 et celle de 1956, Chostakovitch écrit la Symphonie n° 11 autour de la répétition des barbaries perpétrées par des tyrans, tout en dissimulant sa critique du régime derrière un chapelet de chansons populaires et révolutionnaires instantanément reconnaissables par le public soviétique des années 1950. A la création de la Onzième le 30 octobre 1957, certains connaisseurs remarqueront que cette fois-ci Chostakovitch s’était « vendu au régime » et à en juger par le prix Lénine décerné au compositeur en 1958, le régime y a cru aussi. En revanche, ses proches ont su lire entre les lignes sa critique voilée. Son ami, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch, a décrit la n° 11 comme « une symphonie écrite dans le sang … Inlassablement tragique … [qui] ne parle pas tant de 1905 ou de 1956, peut-être, que de la tendance tragique persistante des événements humains. » La poétesse Anna Akhmatova a comparé l’effet des chansons citées aux « oiseaux blancs volant dans un ciel noir » et le fils du compositeur, Maxim, a demandé : « Papa, vont-ils te pendre pour cela ? ».

 

On ne peut guère imaginer un meilleur chef d’orchestre pour diriger cette symphonie éminemment cinématographique que Klaus Mäkelä et un meilleur orchestre pour la jouer, que l’Orchestre de Paris. Dès les premières notes, les spectateurs sont entraînés dans une vaste fresque historique qui se déroule en quatre tableaux sans interruption, comme un film que l’on regarderait les yeux fermés.

 

Dans La Place du Palais, un adagio où les cordes aiguës et lointaines créent une ambiance glaciale évoquant les brumes qui se lèvent sur la Neva et la neige qui craque sous les pas de la foule qui s’amasse devant le palais impérial. Les appels des vents alourdissent encore la menace qui pèse sur ces innocents qui s’avancent en hissant des portraits du tsar, brandissant des icônes et chantant Que Dieu protège le tsar. Le thème central du premier mouvement, réitéré tout le long de l’œuvre, est une vieille chanson révolutionnaire « Ecoute ! » qui comporte la ligne « Comme un acte de trahison, comme la conscience d’un tyran, la nuit est noire. » Les basses introduisent le deuxième thème, la chanson  « Prisonnier » qui compare la Russie tsariste (ou staliniste, selon la lecture choisie) à une gigantesque prison.

 

 

Concentré et efficace, Mäkelä crée une tension à peine supportable. Émanant d’une souffrance pétrie d’espoir du peuple rassemblé, elle progresse, dans le tableau intitulé le 9 janvier, vers une inéluctable trahison qui précédera une sanglante confrontation. La foule avance sur le fond des Dix poèmes pour chœur de 1951 de Chostakovitch et deux chants populaires. Le premier exprime la pétition que les manifestants veulent présenter au tsar : « Ô toi, notre Tsar, petit père regarde autour de toi. Ne vois-tu pas que la vie nous est devenue insupportable ? », tandis que le deuxième, « Découvrez-vous », naît et enfle comme une vague d’indignation populaire et finit par s’écraser contre le mur de la violence des troupes tsaristes qui arrivent à grand renfort de cuivres et de percussions. L’apocalyptique scène du massacre, sans doute la plus féroce dans la musique symphonique, commence avec la caisse claire qui imite le bruit d’une mitrailleuse, monte dans une frénésie de cordes évoquant la panique d’une foule compacte qui cherche désespérément à se disperser, et explose dans un vacarme fracassant.

 

Le néant remplace ce qui a été. D’un geste assuré, Mäkelä sculpte un silence sinistre et tellement riche en détail que l’on sent le sang refroidir dans la neige et on entend la nuit recouvrir les corps avec la douceur réservée à ceux qui n’ont plus rien à craindre. De cette dévastation se lève le sublime troisième mouvement Mémoire éternelle, un requiem pour les morts, basé sur la marche funèbre révolutionnaire « Vous êtes tombées victimes » jouée aux obsèques de Lénine. Le mouvement atteint son apogée avec le rappel du massacre du 9 janvier, comme si les morts criaient à la vengeance.

 

 

Le dernier mouvement, le Tocsin, est un appel aux armes. Il s’ouvre sur le chant révolutionnaire « Enragez, tyrans » chanté par les Polonais contre l’invasion russe de 1863. Le grand-père polonais de Chostakovitch, exilé en Sibérie pour avoir participé à cette insurrection, a peut-être inspiré ce choix. A la fois un avertissement et une expression de défiance et de fureur « Honte, honte, honte à vous, tyrans » déferlent au rythme de marche inexorable, soutenus par la célèbre « Varsovienne,» devenue l’hymne anarchiste pendant la guerre civile espagnole. Après un long gémissement plaintif du cor anglais et juste avant le son des cloches qui marque la fin de la Onzième, Chostakovitch ajoutera une série de cinq notes martelées à plusieurs reprises. Ce sont les derniers vers de « Enragez, tyrans » que le public soviétique connaissait par cœur : « Mort aux tyrans ! »

 

Le public accueillera avec une ovation debout cette remarquable performance d’une œuvre exceptionnelle et effrayante d’actualité.

 

Visuels : © Denis Allard