Dans le cadre du Week-end à l’Est, l’église de Saint-Germain-des-Prés accueille le 24 novembre 2023, pour un concert gratuit, deux grands musiciens géorgiens. La violoniste Lisa Batiashvili et le pianiste Giorgi Gigashvili interprètent, ensemble, le nocturne de Vaja Azarashvili et les sonates pour violon et piano de Felix Mendelssohn et de César Franck.
Cette année le Week-end à l’Est nous conduit en Géorgie. Imaginons la Mer Noire et les hauts sommets du Caucase, les églises, les vignobles et les déserts! Pour sa septième édition, le festival est consacré à Tbilissi la capitale géorgienne. Le Week-end à l’Est, 20 lieux de participation, essentiellement dans le 6ème arrondissement de Paris, 30 événements sur cinq jours du 22 au 27 novembre et 50 invités.
Lisa Batiashvili ,née à Tbilissi en 1979, vit à Munich et mène une carrière internationale de soliste. Elle joue sur un violon Joseph Guarneri «del Gésu» de 1739. Elle a créé une fondation qui vient en aide aux jeunes musiciens géorgiens afin de faciliter leur carrière. Giorgi Gigashvili n’a que 23 ans mais son talent de pianiste est éclatant. Ce soir, pour le concert, les géorgiens de Paris étaient majoritaires. Manifestement le festival est un événement important pour eux. La soirée débute par des poèmes en géorgien récités par leur autrice Kato Jarakhisvili. Avec le bref nocturne de Vaja Zarashvili ( né à Tbilissi en 1936) nous restons dans une atmosphère poétique. Un nocturne très mélodieux, très romantique, mis en valeur par le chant grave et envoûtant du violon de Lisa Batiashvili.
La sonate en Fa majeur pour violon et piano de Félix Mendelssohn ( 1809-1848) a été composée en 1838 mais découverte et publiée seulement en 1953. C’est une œuvre marquée par le romantisme allemand. L’allegro vivace initial est rapide, entraînant, avalanche de notes qui témoigne de la virtuosité des deux interprètes. Le mouvement est animé d’un élan, d’un souffle puissant. L’adagio débute au piano. La musique est très sereine, évoquant les Romances sans Paroles du même compositeur. Puis débute le chant du violon, une mélodie d’une grande douceur, d’une grande pureté. Le lyrisme se développe, le violon paraît voguer sur les puissantes vagues pianistiques. Le troisième mouvement est une cavalcade joyeuse, très rythmée. Énergie et bonheur se conjuguent dans cette coda exubérante.
César Frank (1822-1890) a écrit sa sonate pour violon et piano en 1886. Il existe alors en France un renouveau de la musique instrumentale, encouragé par la Société Nationale de Musique, à une époque de grande rivalité franco-allemande, même dans le domaine musical. Cette sonate est célèbre, l’œuvre la plus jouée de César Frank. Elle aurait, peut-être, inspiré Marcel Proust pour la mystérieuse sonate de Vinteuil qui hantait Swann. Après quelques graves accords du piano l’allegro initial débute par une mélodie rêveuse, nonchalante du violon. La beauté du chant du violon de Lisa Batiashvili est très émouvante. On pourrait entendre « la petite phrase qui se répète »… Puis le piano expose un thème puissant, passionné, pouvant évoquer Rachmaninov. Le piano devient orchestre, un souffle musical puissant remplit l’église. Le deuxième mouvement est encore plus passionné. La musique est fougueuse, tumultueuse, les accords tragiques frappent l’auditeur. La sensation est celle d’une « symphonie ». Le troisième mouvement est dénommé «Récitativo Fantasia». Les longues phrases rêveuses du violon évoquent une improvisation. Un dialogue intime s’instaure entre les deux instruments. Un brouillard paraît envelopper cette musique, instaurant une ambiance douce et mystérieuse. Le rondo final est plaisant, harmonieux. Les notes dessinent d’agréables arabesques. Encore une fois, on assiste à une montée en puissance. Les difficultés techniques sont frappantes, pour les deux interprètes. La sonate se termine dans une ambiance sonore captivante.
Le concert se termine par un bis avec Feuilles d’automne, une musique de film du compositeur géorgien Kancheli Gia. Un bis immédiatement reconnu, très apprécié par l’assistance.
Ce concert, en la très belle église de St-Germain-des -Prés, est un hommage à l’amitié franco-géorgienne.
Visuel(c): affiche du festival
Visuel(c): JMC