Elle chante l’amour, la honte, la dépression — mais en shatta. Theodora, nouvelle figure de la scène aux rythmes afro-caribéens, bouscule les codes avec un style musical mutant et une esthétique vintage ultracodée. Une icône aussi brillante que sentimentale. Le 30 mai, elle a sorti Méga BBL, une extension de sa première mix tape. L’occasion d’explorer une artiste qui n’a pas peur d’innover.
Lors de son discours après sa Flamme pour révélation féminine, c’est avec cette phrase que Theodora a affirmé et posé ses bases. À la fois manifeste et clin d’œil, cette déclaration dit tout : elle veut représenter celles qu’on ne représente jamais. Les excentriques, les sensibles, les trop pleines ou trop bruyantes. Celles dont on attend souvent qu’elles rentrent dans les rangs, ou qu’elles se taisent. Et dans un paysage musical encore dominé par des normes blanches et lissées, cette prise de parole, assumée, fait du bien. Theodora ne se contente pas d’exister dans la pop : elle y crée un espace pour des voix longtemps marginalisées — noires, féminines, sensibles, puissantes.
Avec BBL (pour Bad Black Lovestory), son morceau devenu viral sur TikTok, elle a imposé sa voix grave et sensuelle sur une instru entre bouyon, shatta et R’n’B glitché. Une love story toxique, mais stylée. Un spleen maquillé en perruque dorée.
Theodora ne fait pas que « de la pop ». Elle bidouille. Elle hybride. Elle ose mélanger les sons caribéens avec des nappes électroniques, des autotunes cassés, des beats house ou du zouk ralenti. Le tout avec un naturel désarmant. Une forme de bricolage maîtrisé qui rappelle l’univers BRAT de Charli XCX mais avec un côté afropop à la Aya Nakamura.
Et sous les airs rythmés se cachent aussi des thèmes plus sombres : la solitude, la santé mentale, le rejet. «Ils me rient tous au nez», interprété en live avec le pianiste Chilly Gonzales, révèle une artiste à fleur de peau, entre performance et confession, qui a su conquérir de nombreux cœurs, à tel point qu’elle l’a sorti dans son extension.
Méga BBL voit les choses en grands et ajoute de nouveaux morceaux et des collaborations inattendues à la mix tape originelle. Parmi elles : Juliette Armanet sur le très doux «Les Oiseaux sont rares», Jul et Ludji pour une incursion plus urbaine, et même BB Trickz, révélation espagnole underground. Un casting éclectique, qui reflète parfaitement la ligne artistique de Theodora : inventive et inclusive. . Theodora ose varier sa palette musicale et ça marche à chaque fois.
Mais c’est aussi par son esthétique résolument vintage — entre icônes 2000s, téléphone à clapet, bottes dorées et coiffures XXL — que Theodora rejoue la carte d’une nostalgie futuriste. Un passé détourné pour inventer un présent plus libre, plus joyeux.
Dans son clip « Fashion Designa », sorti le 6 mai sur YouTube, Theodora déploie une esthétique surréaliste : sa bouche et ses yeux se dédoublent dans un montage étrange et ludique. Le jeu d’ombres et de couleurs rappelle l’univers de Michel Ocelot, entre contes animés et références à Karaba la sorcière. Un clip à la fois onirique, rétro et plein d’audace — à l’image d’une véritable fashion designa.
Alors que les beaux jours reviennent, sa musique résonne comme une invitation au lâcher-prise : danser, pleurer, briller, s’aimer — même mal, même trop.
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