Taylor Swift, reine de l’industrie musicale moderne

Miss Americana

Taylor Swift débute en 2006 à Nashville, en s’imposant dans le milieu très masculin de la country. Elle chante ses amours de jeunesse, ses espoirs et désirs d’émancipation dans Our Song ou A Place in This World, et parvient à insuffler un nouveau souffle au genre en s’adressant aux adolescentes. À 14 ans, la jeune chanteuse — déjà autrice-compositrice — signe chez Big Machine Records. Une rencontre dont naîtront ses six premiers albums : Taylor Swift, Fearless, Speak Now, Red, 1989 ou encore Reputation, qui propulseront l’artiste au rang de star internationale et de succès commercial. Si Taylor Swift parvient à bâtir l’une des plus importantes communautés de fans (les Swifties), c’est parce qu’elle écrit et compose des chansons commerciales de qualité, au service de paroles universelles. Elle parvient à se connecter à celles et ceux qui l’écoutent grâce à un storytelling de girl next door, transformant ses chagrins d’amour en hymnes pour ses fans, comme avec All Too Well.

Au-delà des chansons d’amour — bien qu’on lui prête la réputation de n’écrire que des chansons de rupture — elle traite surtout de la peur de grandir, de se chercher, de se construire en tant que femme, d’espoirs et de déceptions.

Droits d’auteurs et Taylor’s Versions

Portée par l’une des communautés les plus importantes, c’est aussi son sens des affaires qui construit son succès incontestable, notamment en matière de droits des artistes. En 2014, elle avait déjà retiré toute sa bibliothèque de Spotify afin de protester contre les faibles redevances de la plateforme. En 2018, elle quitte Big Machine Records et perd au passage les droits sur l’ensemble des masters originaux de sa musique : son catalogue est vendu pour plus de 300 millions de dollars, l’une des plus grosses ventes de catalogue de l’histoire. L’artiste entame alors une longue bataille judiciaire pour en retrouver la propriété. Elle dénonce d’ailleurs haut et fort cette transaction, revendiquant que les artistes « méritent de posséder l’art qu’ils créent ».

Elle confie : “J’ai dû faire le choix atroce de laisser derrière moi mon passé. La musique que j’ai écrite sur le sol de ma chambre et les vidéos que j’ai imaginées et payées avec l’argent que j’ai gagné en jouant dans des bars, puis des clubs, puis des arènes, puis des stades.”

En signant plus tard chez Republic Records, elle fait le choix ambitieux de reprendre pleine possession de ses droits en réenregistrant l’intégralité de sa discographie perdue. Une entreprise monumentale, couronnée de succès. Chaque album réenregistré en version inédite (les Taylor’s Versions) est accompagné de nouveaux featurings (Phoebe Bridgers, Ed Sheeran, Hayley Williams) et de Vault Tracks, des titres coupés de la production originale qui résonnent avec l’“era” concernée. Les streams de Fearless et Red (Taylor’s Version), par exemple, dépassent en quelques mois ceux des albums originaux, grâce à la fidélité des fans, qui cessent d’écouter les versions volées au profit des réenregistrements.

Artiste et businesswoman aguerrie

En mai 2025, elle annonce finalement avoir racheté l’ensemble des droits de ses six premiers albums, notamment grâce au succès de sa tournée monumentale : The Eras Tour. Cette tournée de deux ans a d’ailleurs été la plus lucrative de l’histoire de la musique, avec 149 concerts de plus de trois heures chacun, reprenant toute sa discographie pour le plus grand plaisir de ses fans de la première heure. Un total de plus de 10 millions de billets vendus. Un coup d’éclat qui lui permet d’asseoir sa position de pouvoir dans l’industrie musicale. En possédant non seulement les réenregistrements, mais aussi les versions originales de toutes ses chansons, cette stratégie a fait d’elle la première artiste, femme ou homme confondus,  à franchir le seuil du milliard de fortune généré uniquement par les revenus de sa musique.

 

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L’artiste des superlatifs

Au-delà d’une poule aux œufs d’or incontestable, l’artiste a offert ces dernières années une discographie d’une rare richesse. Avec quatorze Grammy Awards à son compteur, elle est l’une des artistes les plus récompensées de l’histoire. Elle opère une réinvention constante : elle quitte la country de ses débuts pour un tournant pop radical avec 1989 en 2014, qui lui vaut ses premiers titres planétaires comme Shake it off ou Style  Elle poursuit ensuite avec des ballades synth-pop plus indie dans Folklore et Evermore, sortis pendant la pandémie en 2020, révélant des paroles plus personnelles et lyriques. Depuis, l’autrice-compositrice tourne à un rythme effréné, avec une productivité à la fois créative et commerciale. En comptant les albums Taylor’s Version, elle propose une sortie presque tous les six mois, même en pleine tournée de deux ans.

Taylor Swift ou la misogynie masquée du grand public

Pourtant, depuis ses débuts, elle est à la fois adorée et détestée, mais rarement reconnue à sa juste valeur. L’artiste a toujours fait l’objet d’un traitement médiatique particulièrement critique. Derrière cette désaffection généralisée se cache souvent une misogynie intériorisée. Taylor Swift s’adresse essentiellement à un public féminin, en parlant d’expériences qui résonnent profondément avec lui. Sa communauté s’est souvent construite dans une forme de honte, alimentée par des stéréotypes associés à l’idée de vibrer sur des chansons jugées trop édulcorées ou sensibles.

Or, dénigrer ce que les jeunes femmes peuvent apprécier et vivre, c’est renforcer les idées patriarcales sur ce qui serait digne d’intérêt ou non dans notre société. Cela revient aussi à dévaloriser ce qui est perçu comme “trop féminin” ou “girly”. Lorsqu’ils sont traités par Taylor Swift, des thèmes comme la rupture ou les histoires d’amour — pourtant courants chez les artistes masculins — sont immédiatement qualifiés de médiocres et futiles par les médias. Si bien que détester Taylor Swift ou mépriser sa musique est longtemps apparu comme une attitude “cool”, alors même que sa discographie a été digne d’un cours de littérature à Harvard en 2024.

Parce qu’elle réussit — mais surtout parce qu’elle est une femme qui réussit, Taylor Swift dérange, mais continue de faire battre le cœur de l’industrie musicale.