Summer Two – (No) more One more Play

1- Est-ce la plage au loin, l’humidité marine ? Le « Piano solo » de Raja, est-ce le vent bas et chargé d’eau qui arrondit et les angles et mes os ? Est-ce la ritournelle d’un mariage arrangé de belles promesses de terres et de robes perlées ? Est-ce juste le Liban en flamme des vacanciers ?

2- C’est un au revoir, entre l’adieu et le long courrier. Des lettres écrites avec Chat GPT, des impossibilités. You made your own program et vous avez bien raison (qui le fera pour vous ?). Il n’y a plus que des poussières d’images  et des souvenirs qui brûlent votre  gorge dans ce qui ressemble maintenant  à une marche funèbre (« Bye bye » – Dame).

3– Une hélice, un voyage, un transit à pas compté. Si vous vouliez totalement – comment dire- vous désarticuler, alors vous y êtes presque. Revenue à l’état initial vous décollez raide et sans doute marquée par quelques maladies douloureuses, une chose incurable du Dictaphone et de Rubin Steiner (« Piano »).

4- On vous l’avait dit peut-être, tout va recommencer. Le rythme s’accélère et puis recouvre ce qui vous reste, à mots couverts. Vous étiez debout, vous voilà les bras et les muscles tendus vers l’inconnu. À l’horizontale, « Untitled » (Kendrick Lamar)

5- Est-ce que ça va mieux maintenant ? Est-ce qu’enfin  la vieille chanson finit par se dissiper, et laisser place à votre goût pour ces petits plaisirs dans lesquels chaque jour un peu plus, vous vous réincarnez  (« Interlude », Janet Jackson) ?

6- Il vous faut encore un peu nager, vous dégager de cette emprise qui chante en vous, qui dit que vous ne devriez pas, qu’intensément vous ne voulez pas de ce crime dont vous êtes à la fois l’objet et le sujet  ((« Main Event » Lelo).

7- D’ailleurs, voyez comme tout cela se termine mi-figue mi-raisin ; les synthés en forme d’orgue et d’église lointaine, et le phrasé qui s’efface … Il faut faire un effort de joie, donner un peu d’espièglerie à la rythmique au-delà de l’attraction lyrique, et se lover dans cette flûte toute simple qui ouvre le chemin (« Something on the ground », Hila).

8- Regardez comme cela valait le coup, d’avancer un peu ; voyez au loin s’avancer l’homme à la cravate fleurie (« O hommen da Gravata Florida », Jorge Ben), l’homme à la cravache jolie, la bête sur la bête, la beauté triste du cavalier.

9- De tout cela, vous conserverez la flute, pour le côté Debussy chaloupé, charmé de découvrir le monde nouveau qui s’offre à vous, un peu mystérieux, mais pourtant mystérieusement sécurisé. Ce qui tombe sur vos cheveux maintenant, et recouvre vos yeux tristes, « votre pluie de flocon bleu ». Pour mille et une raisons, vous voilà prête et recouverte d’un manteau d’une neige tout juste tombée (« Snow dropped », Phat Dat).

10-Vous savez régurgiter ce qui se passe en français, en chœur vous l’aviez déjà dit, déjà chanté dans votre salle de bain; vous ne connaissiez pas encore, mais les paroles ça vous les connaissiez. « Tout pour plaire » (Gildaa).

11- Prenez la suite comme un interlude, une mise en jambe durant laquelle vous « pensez à autre chose », vous préparez vos bagages, vous préparez ce qui devrait advenir enfin, la suite que vous connaissez (« Process », zayALLCAPS).

12- Vous n’hésitez plus, vous allez maintenant enclencher votre chanson préférée, l’une de celle qui appartient à ce que vous chérissez. La voix, l’ambiguïté. Et cette langueur bien sûr que vous adorez lorsqu’elle se durcit dans la mélodie sans jamais renoncer à son incommensurable légèreté (« Eau claire », Gaïa Elsey)

13- Puisque vous êtes prête cette fois, on pourrait peut-être vous éduquer, vous laisser découvrir les paroles des jeunes filles d’aujourd’hui, les lunettes générationnelles dont vous parliez et que vous proposiez naguère de chausser. Vous repartez (from Coachella), arrière d’abord et puis, en avant (« True blue », Tommy Genesis).

14- Vous pouvez vous jeter dans cette eau claire, sa qualité est attestée , vous pouvez y plonger tout habillée de votre manteau d’hier, et vous souvenir de tout ce qui s’est passé, vous pouvez  pleurer par dessus ceux et celles qui pleurent des rivières, vous voguez bien au-dessus de l’histoire que sans cesse jusqu’alors, vous vous répétiez (« Cry me a river », Lesley Gore).

15- Et cette fois, tout ira bien (« Maya », Alain Péters)

16- OQAMQ, c’est une technique de modulation, c’est votre cœur des grands jours, votre cœur qui bat (d.silvestre).

17- Et c’est comme dans un rêve, vous sur une planche, vous voguez droit devant et bien étrangement, vous n’avez pas peur (« 365 », Anthony Naples).

18- Et à ce compte-là, comme vous ramez, les jambes nues, enfoncées dans l’eau, même les chansons tristes peuvent devenir entraînantes, porter le dernier baiser bien plus loin que ce que vous auriez imaginer. Mais, au fond,  qu’est-ce que vous imaginiez  ? Later’s better than never, bientôt vous en rirez  (« Summertime sadness », Lana Del Rey/ Asadinho Dub remix).

19- Et comme le chagrin est en train de passer alors peut-être que la musique du chagrin peut à nouveau vous envelopper, peupler vos rêves et vos nuits que vous dites esseulées. Le chagrin doux et humide comme vous l’aimez, celui qui vous aide à mieux comprendre de quoi vraiment vous êtes faite, de quoi vous êtes constituée (« La catedral » Augustin Barrios Mangoré).

20- On vous parle à l’oreille, on vous caresse d’un souffle lointain, c’est un peu comme au début, mais cette fois en plus doux, en plus inoffensif surtout, un vent de pierre tombale qui ne fait que vous effleurer  (« Not available scar », Danny Lee).

21- Repartez maintenant dans vos contrées, reprenez pied ; pensez bien que les romans d’amour que vous écrivez ne sont rien sans le cuir de la Chrysler, de l’autoradio qui éructe au rythme de vos amis supporters, du temps additionnel et des pénaltys, de vos maillots colorés. Attention, n’oubliez pas ce qui arrive encore, toujours et qui vous reviendra  (« La ballade de Jim », Paradis).

22– Et puis, surtout, ne vous inquiétez pas, on finira tous pareil, à ne plus pouvoir distinguer le vrai du faux, une vraie composition et quelques boucles artificielles habilement mises en ligne. Vous vous perdrez sans doute comme nous nous perdrons, mais peu importe, vous continuerez à y croire, vous continuerez à danser.

Photo : Anna Swir

https://open.spotify.com/playlist/7alSS0v6Z5rvKcVFZNdIKJ?si=BvJywbqnRZ-r_7xb8LcdcA&pi=dRAywcF-Qyusk