The Last Dinner Party propose un nouvel opus, tout aussi glam rock que leur précédent Prelude to Ecstasy. Une épopée encore plus sombre et mystique.
Formé en 2021, le groupe 100 % féminin composé d’Abigail Morris, Lizzie Mayland, Emily Roberts, Georgia Davies et Aurora Nishevci a pris le monde d’assaut avec son puissant Nothing Else Matters, hymne rock sexuellement libéré. Depuis, c’est l’ascension. Des clubs de Brixton, elles se retrouvent propulsées en tournée des festivals : Glastonbury, Coachella ou encore Primavera. Leur premier album Prelude to Ecstasy, sorti en février 2024, est largement acclamé par la critique. Décrites par Rolling Stone comme « grandiloquentes art-rock », les cinq Britanniques ont imposé un style fascinant et terriblement rafraîchissant.
Comme bon nombre d’artistes au succès inattendu et rapide, elles ont d’abord été taxées d’industry plants, artistes mises en avant par les labels et souvent façonnées selon les attentes du public. C’est sous-estimer la créativité de leur premier album : succès critique et public, qui leur permet de remporter un Brit Award en 2024. Adoubées par Florence + the Machine, Lana Del Rey ou Nick Cave, les filles électriques ravivent les grandes heures de la pop baroque.
Originaires de Londres, elles décrivent elles-mêmes leurs sonorités comme « décadentes, velours, maximalistes… ». Un style extravagant, sonorement et visuellement, mêlant robes victoriennes, coupes gothiques et un glam rock en fil d’Ariane : elles revendiquent l’importance du vêtement comme un signe de résistance et d’affirmation, à la Bowie ou Gaga.
From the Pyre, sorti le 17 octobre, s’inscrit dans la continuité du premier album : un foisonnement orchestral, mêlant compositions musicales complexes. Une ambiance parfois gothique, parfois religieuse, qui rencontre des airs de comédie musicale et une euphorie pop empruntée aux seventies. Abigail Morris, la lead singer, invoque parfois une théâtralité rock à la Kate Bush.
Les morceaux sont teintés d’une imagerie empruntée à celle de la sorcière moderne, réinterprétant les codes de la féminité et les attentes de la société. On pense parfois entendre un poème de Sylvia Plath : juste, vindicatif et sanglant. Un à-propos particulier dans le récit d’une expérience féminine torturée et comprise. Dans leur album précédent, elles abordent avec justesse la violence inhérente à la maternité dans The Feminine Urge : « Here comes the feminine urge, I know it so well / To nurture the wounds my mother held. » Thème qu’on retrouve avec sa sister song dans I Hold Your Anger : « I hold your sorrows, hold your fears / Hold your anger in my tears / Nobody asked me to / But that is what I’m meant to do. »
Dans Rifle, morceau résolument politique, elles dénoncent l’absurdité de la guerre : « Palms and fingerprints are stained all red. Red, red, red, red, red. » Entêtante rhapsody qui prend une urgence particulière. Elles questionnent : « does it feel good, spilling blood? » Mention spéciale pour Woman Is a Tree, à l’extravagance sonore et lyrique, qui nous emporte dans un autre univers. Au total, dix titres, dix histoires d’une densité vertigineuse, longs et parfois complexes, mêlant imagerie biblique, détails baroques et énergie indie cacophonique des années 2000. Un album pour se perdre et se laisser porter.
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Plus sombre que son prélude, plus sordide, mais plus grandiose encore. Le choix de Pyre — le bûcher — elles le justifient comme un « endroit de violence et de destruction, mais aussi de régénération, de passion et de lumière ». Il amène vers des univers métaphoriques et oniriques, un tourbillon épique entre rêves et cauchemars. Des textes évoquant fusils, faux, saints, cow-boys, Mère Nature, Jeanne d’Arc ou encore les enfers. « Une imagerie qui permet de donner à nos expériences le poids émotionnel qu’elles méritent », confient-elles. C’est pour cette maîtrise du mélodrame qu’on est captivé par The Last Dinner Party, c’est pour ses paroles ensorcelantes qu’on reste.
© pochette officielle de l’album From the Pyre, The Last Dinner Party, 2025