La semaine se termine, il est 17h25, Zaho de Saghazan et le vétéran Baxter Dury sont déjà passés. Alias et Giant Rock aussi. Aujourd’hui, la tranche d’âge est celle des 30-60 ans avec quelques vingtenaires un peu perdu·e·s et il est maintenant temps d’accueillir plusieurs monuments du rock…
Vestes en cuir, lunettes noires et visages impassibles : pas de doute, Ginzhu est de retour. Après leur dernier album sorti en 2009 et leur brève apparition en 2016, les voilà perchés sur la Grande Scène devant une foule bouillonnante. La voix traînante de John Stargasm, avec laquelle il n’hésite pas à jouer, se mêle aux basses qui résonnent. Le show est maîtrisé et le son sort en mode réacteur d’avion.
Parmi les monuments se glissent parfois des pépites encore peu connues. Coincés entre Zaho, Ginzhu et Roisin, les Dynamite Shakers font pogoter une petite foule de chanceux sur la scène Firestone. Alors que le chanteur vendéen informe que le concert touche à sa fin, c’est un public conquis qui pousse un cri de déception. Ainsi débute la dernière chanson, The bell behind the door, complètement garage avec en effet une touche d’Arctic Monkeys à leurs prémices – en plus trash.
Sorte de grande dame bourgeoise en haut de forme cernée par un orchestre électro, l’ancienne chanteuse de Moloko est une showoman “de qualité”. “You look gorgeous !” enflamme-t-elle le public tout en se ruant vers la fosse. Entre le costume déjanté de Roisin, les synthés et les inflexions jazz-groovy de la musique, le public est plongé dans l’univers de Murphy – ça tourneboule avec elle.
C’est au tour de la grande prêtresse du rock indé, la comtesse du Dorset, Polly Jean. Drapée dans sa longue robe blanche – décorée de dessins ajoutés au fil des concerts – et buvant du thé dans une tasse en porcelaine, elle hypnotise un public déjà conquis avec un set qui, plus qu’à son habitude, mélangeait derniers albums intimistes et hits rock’n roll bruts des débuts. Puis quand s’amorce Dress, la foule se soulève pour mieux hurler “Put in on”, heureuse de pouvoir psalmodier en coeur. Le concert trop vite fini pour être rassasié, c’est déjà avec nostalgie qu’on regarde PJ Harvey et son orchestre nous faire un salut de théâtre dans une ambiance toute victorienne.
Que dire ? Par où commencer ? Hier soir, la fosse de la scène Cascade a été envahie par des fidèles en demande. Les pelouses ont disparu sous la marée humaine venue toute entière depuis la Grande Scène pour voir un monument – pourtant arrivant tout droit du banc des remplaçants de la team The Smile. Les Pixies sont venus avec des envolées complètement expérimentales faisant grincer les guitares, trembler les caissons et vibrer les âmes. Frank Black interprête avec une voix gutturale les tant attendues Here comes your man et Where is my mind, bien sûr scandées avec lui par le public. Le monde se divise désormais en deux catégories : celleux qui ont vu le concert et celleux qui n’étaient pas là.
La soirée des orchestres donc avec cette fois LCD Soundsystem qui met en place un opéra dance-punk pour la clôture du festival. Tirant sur le rock avec des instruments organiques, ils sont huit sur scène. La fameuse boule à facettes – sans laquelle Murphy ne se déplace pas – surplombe le groupe et la scéno est savamment travaillée : réalisation affutée, animations et films psychédéliques projetés, jeux de lumières hallucinogènes. Le public de Rock en Seine est galvanisé par la journée et finit de se démener devant ce dernier show iconique d’un groupe emblématique. Pourtant, le temps n’est pas qu’à la fête. Murphy explique “We lost a friend few days ago so this show is really difficult for us. This song is for Justin.” Ainsi, LCD démontre toute la complexité de la musique électro, autant objet de défonce que de mélancolie. Sont joués les morceaux mythiques New York I love you ou Dance Yrself Clean et c’est un public en transe, extatique, qui répond en cœur et accueille avec reconnaissance ce live intense et cathartique. En bref, une nouvelle fois le festival se termine sur un triomphe.
Rock en Seine est maintenant terminé après une journée où l’orchestre semblait être l’ordre du jour. Une semaine pour tous les goûts et une dernière programmation de légende, rendez-vous l’année prochaine.
Visuels : © DR Adam Le Sommer Nick Pate Disco Ball Doolitle