Le 14 novembre 2023, à la Philharmonie de Paris, l’Orchestre de Chambre de Lausanne interprète, sous la direction de Renaud Capuçon, le 5ᵉ concerto pour violon de Wolfgang Amadeus Mozart, Métamorphoses de Richard Strauss et la 1ʳᵉ symphonie de Ludwig van Beethoven.
Ce soir le classicisme est à l’honneur. Avec le Concerto n°5 de Mozart bien sûr et la première symphonie de Beethoven. Celui qui va révolutionner l’art de la symphonie a déjà 30 ans lorsqu’il compose sa première symphonie. Elle est un hommage à ses maîtres Mozart et Haydn, mais son écriture orchestrale est déjà innovante, annonçant les bouleversements futurs. Entre ces deux œuvres classiques s’intercalent les Métamorphoses de Richard Strauss. Nous sommes en 1945, le compositeur a 80 ans. Il est bouleversé par les destructions de la guerre, de sa maison natale et du théâtre du Munich en particulier. Métamorphoses est un Requiem. Richard Strauss y pleure, comme son ami Stephan Zweig, la fin d’un monde, mais l’œuvre est aussi un adieu au classicisme.
L’Orchestre de Chambre de Lausanne a été fondé en 1942. Renaud Capuçon en est le directeur musical et artistique depuis deux ans. L’orchestre joue pour la première fois à la Philharmonie de Paris. Ce soir, Renaud Capuçon est à la fois soliste, premier violon, chef d’orchestre. Un chef qui saura communiquer au public son énergie, son dynamisme, sa joie de jouer de la musique.
Le 5ᵉ concerto pour violon de Mozart, le plus célèbre, a été composé en 1775. L’allegro aperto débute par une longue introduction de l’orchestre. L’entrée du violon est remarquable, quelques mesures lentes, expressives, avant que ne reprenne cette musique rapide, rythmée, élégante. Le jeu du soliste, Renaud Capuçon est chaleureux et délicat. Sa virtuosité éclate lors de la cadence. L’adagio est très mélodieux, rempli de douceur. Le dialogue très harmonieux s’installe entre le violon et l’orchestre. Un très beau mouvement lent, marqué par de la fantaisie, mais aussi par quelques touches mélancoliques. Le 3ᵉ mouvement « Tempo de Menuetto » est rapide, joyeux, festif. Avec les cordes frappées des violoncelles et des contrebasses, le rythme devient envoûtant, invitant à la danse, comme dans une danse hongroise, une Czardas.
Métamorphoses est un long adagio. L’orchestre n’y est composé que d’instruments à cordes, 23 au total. Les violoncelles débutent seuls un chant lugubre, bientôt relayés par les altos et les violons. Cette longue complainte est aussi une prière désespérée. La musique prend ensuite de l’ampleur, animée d’un puissant souffle romantique. Il se déclenche une tempête intérieure, les émotions sont violentes, chaotiques. L’auditeur pourrait imaginer un bateau ivre malmené par des vagues déchaînées. Puis apparaît le thème de la Marche Funèbre de la symphonie Héroïque de Beethoven. Il est d’abord porté par les violoncelles puis revient déformé, comme brisé par un destin implacable. Après de nouveaux accents tragiques, le calme et le recueillement sont de nouveau là. La musique s’éteint peu à peu, comme dans un adieu « au monde d’hier ». L’orchestre s’immobilise dans un long silence. Le monde d’hier s’en est allé…
L’orchestre de Chambre de Lausanne, par son interprétation, a mis en valeur l’expressivité, le caractère tragique de l’œuvre de Strauss. L’auditeur est saisi par la beauté de la musique, la douleur du compositeur, la violence du souffle de l’histoire.
La 1ʳᵉ symphonie de Beethoven a été créée le 2 avril 1800 au Burg- Theater de Vienne. Nous sommes à l’apogée du classicisme à Vienne et pourtant l’orchestration est nouvelle, en particulier par l’importance donnée aux cuivres. L’orchestre beethovénien est déjà constitué, il restera la base de l’orchestre symphonique au cours de tout le 19ᵉ siècle.
Le début du 1ᵉʳ mouvement surprend pas ses accords dissonants lors d’un bref adagio. L’allegro se développe puissant, impétueux parfois. Les accents vigoureux sont déjà caractéristiques de la musique symphonique du compositeur. Dans son rôle de chef d’orchestre, Renaud Capuçon apparaît très dynamique, très expressif, communicant au public son énergie joyeuse. Par son expression corporelle, par ses mimiques, il met littéralement en scène la symphonie.
L’adagio cantabile s’inspire de la musique de Mozart, de sa 40ᵉ symphonie en particulier. Douceur, élégance, délicatesse en témoignent comme son lyrisme contenu. Le 3ᵉ mouvement est intitulé Menuetto. Il s’agit en fait d’un scherzo rapide, très rapide. Le rythme est saccadé, audacieux, les accents passionnés. Les bois et les cuivres prennent toute leur place, répondant aux interrogations des cordes. Un scherzo bref, mais spectaculaire. Le final débute de manière étrange, comme par une succession de faux départs, avant que ne se déploie un allegro joyeux, fougueux. Légèreté et puissance alternent avant une accélération finale, quasi frénétique, longuement ovationnée par le public.
La grande salle Pierre Boulez était comble, le public enthousiaste. Ce concert nous a fait découvrir Renaud Capuçon en chef d’orchestre ainsi que les envoûtantes Métamorphoses de Richard Strauss.
Visuel ©: Marco Borggreve