Le 25 juin dernier, l’orchestre symphonique Les Frivolités Parisiennes, dirigé par Quentin Hindley, investissait l’Olympia pour le concert de clôture de l’édition 2024 du Festival de Paris. Une pléiade d’artistes étaient réunis pour l’occasion : Philippe Katerine, Yarol et Melvil Poupaud, Victor Mechanick, François Morel, ainsi que les chanteuses lyriques Pumeza Matshikiza et Floriane Hasler sans oublier la violoncelliste Astrig Siranossian et le ténor Jack Swanson. A l’issue du concert, nous avons rencontré le chef d’orchestre Quentin Hindley.
Mon parcours musical, c’est une suite de rebondissements que je n’avais pas prévus. A 5 ans, je voulais jouer de la clarinette mais j’ai débuté la flûte à bec. Ensuite je voulais jouer du violon mais il n’y avait plus de place au conservatoire donc j’ai choisi l’alto. Pendant les années lycées, je voulais faire de la guitare électrique mais mon frère en faisait déjà donc j’ai commencé la batterie ; et puis le piano, c’est finalement le quatrième instrument que j’ai pratiqué et qui m’a manqué cruellement car quand on fait de la direction, c’est important de faire du piano. Ce qui est amusant c’est que je suis arrivé tard à la direction et finalement c’est le métier que je fais aujourd’hui.
Disons que j’ai changé plusieurs fois d’avis avant de devenir chef d’orchestre. C’est un métier qui me paraissait à l’époque complètement irréalisable parce que j’avais un oncle, Jean-Marc Cochereau, qui l’exerçait. Il lisait et entendait dans sa tête les partitions d’orchestre, ce qui pour moi était inconcevable. Jusqu’au jour où j’ai pris des cours avec lui pendant des stages l’été. On avait l’habitude de lui faire des surprises musicales à la fin des stages. Un jour, il a fallu que j’apprenne un morceau que j’ai dirigé comme j’ai pu et finalement je me suis aperçu que ce n’était pas inaccessible et j’y ai trouvé ma place. A partir du moment où on commence à toucher à la chose, c’est moins impressionnant et puis on y prend goût. On découvre comment ça fonctionne, on s’approprie les codes, ça ouvre des horizons et ça m’a donné envie de continuer.
Quand j’étais petit, mon rêve n’a jamais été de diriger. Ça me paraissait irréalisable. C’est après mes années d’études au CNSM en alto que j’ai vu certains le faire et là je me suis dit : pourquoi pas moi. De fil en aiguille, on progresse aussi musicalement. On acquiert de l’expérience, on a des goûts musicaux qui se développent et des envies aussi d’entendre des musiques qu’on a jouées mais de manière différente. Ça m’a beaucoup motivé à diriger. Au conservatoire, on a vraiment appris à étudier les partitions, les compositeurs et à être dans le respect du texte, sans inventer des choses en plus, qui n’existent pas.
Oui, c’était justement avec mon oncle. On lui avait préparé en secret un extrait de « La Guerre des Etoiles » (John Williams) pour lui donner envie de le programmer. Il a tellement aimé qu’il nous a demandé de le jouer le lendemain pour le bis d’un concert à l’église d’Amboise. C’était une expérience incroyable.
Une émotion, quelle qu’elle soit. Ça dépend des styles de musique aussi évidemment. Qu’est-ce qui fait qu’on peut qualifier une musique de belle ? C’est intéressant comme question. Un peu comme une émotion devant un tableau. Je me souviens d’une citation de Wronski qu’Edgard Varèse s’est appropriée concernant la définition de la musique : « c’est la corporification de l’intelligence qui est dans les sons ». Physiquement, ça se traduit par une réaction du corps, comme les poils qui se dressent, à l’intelligence qu’il y a dans les sons, c’est-à-dire que les sons sont agencés de manière réfléchie pour créer des émotions. Après j’aime bien jouer aussi avec l’attention du public. Souvent, je peux, en fonction d’un élément mélodique dans l’orchestre, mettre en valeur un pupitre ou jouer avec la temporalité, ralentir sur une note, faire durer un silence, tirer quelque chose pour captiver l’auditoire.
Ce qui est fabuleux, c’est qu’il y en avait pour tout le monde. Il y a un public qui est venu pour Philippe Katerine, un autre pour le groupe de rock, d’autres encore pour les airs d’opéra et ce qui est intéressant, c’est de faire découvrir par exemple le chant lyrique au public qui n’était pas venu pour ça initialement. C’est le concept de ces concerts, voulu par Michèle Reiser, la directrice du Festival de Paris, de mélanger les univers. Passer de Philippe Katerine à Massenet, c’est un grand écart. Après c’est un vrai défi pour les artistes et pour moi car on passe vraiment du coq à l’âne dans des styles, des atmosphères, des ambiances et des messages complètement différents. Ce sont des extraits qui durent 4-5 minutes et après il faut se mettre dans une autre ambiance…
Ce qui est génial avec Les Frivolités Parisiennes, c’est qu’ils sont hyper souples et très cultivés. C’est un orchestre qui swingue, qui sait accompagner l’opéra, faire du jazz, ils font plein de choses et ils sont bons dans tout donc ça fonctionne très bien avec eux.
Et puis moi, j’ai toujours aimé l’éclectisme. Le fait d’avoir fait plein de styles de musique avant, ça me permet d’être plus à l’aise. J’ai fait de la batterie, du rock, du hard rock et puis j’ai joué de l’alto à l’opéra de Paris. Tout m’intéresse.
En sortant du concert, on a échangé avec Pumeza Matshikiza et on s’est dit qu’on avait envie de faire un projet d’opéra ensemble. Dans un autre registre, pendant la balance avec les rockers Yarol et Melvil Poupaud, je n’avais qu’une envie, c’était de jouer de la batterie avec eux pour pouvoir dire « j’ai joué avec eux à l’Olympia » (rires).
Visuel : (c) GE
L’Olympia Symphonique
Direction musicale : Quentin Hindley
Le 25 juin 2024