Le festival baroque de Pontoise propose, le 13 novembre 2025, à la préfecture de Cergy « une Battle baroque » avec l’ensemble Pulcinella sous la direction d’Ophélie Gaillard. Le concert est répliqué le 14 novembre à Haravilliers, un village du Vexin français.
Pour sa 40ᵉ édition, le festival baroque de Pontoise se déploie dans seize lieux différents du Val-d’Oise, du 27 09 2025 au 16 06 2026. Pour ses 22 concerts ou spectacles, le festival invite 180 artistes et attend 5000 festivaliers. La saison a été dénommée « Les Philanthropes ». Elle rend hommage en particulier à la Reine Christine de Suède, née il y a 400 ans, qui fut une grande mécène. Le festival fait lui aussi, preuve de philanthropie, en accueillant en résidence des ensembles baroques débutants dont, pendant trois ans, l’ensemble Pulcinella. Le festival cherche à toucher des publics divers, parfois éloignés de la musique classique, par sa politique tarifaire et en programmant des concerts dans des lieux atypiques.
Le baroque en musique recouvre le 17ᵉ et la première moitié du 18ᵉ siècle. Mais « baroque » peut aussi signifier irrégulier, imparfait, étrange… ce qui autorise le festival à toutes les audaces. Il mise sur le mélange des cultures, des styles, des époques et sur l’interdisciplinarité. L’inventivité et la conquête d’un nouveau public caractérisent parfaitement « la Battle baroque » de ce soir.
Nous sommes dans le Hall de la préfecture du Val-d’Oise. Dans ce lieu de concert improbable, va se dérouler « une joute baroque ». Revenons en arrière, au 18ᵉ siècle, lors de la régence et du début du règne de Louis XV. La rivalité bat son plein entre la musique italienne plutôt dans l’émotion, la séduction et la musique française peut être plus brillante, plus intellectuelle. À la même époque, le violon et le violoncelle supplantent progressivement la viole de gambe d’abord en Italie puis, quelques décennies plus tard, en France. Le spectacle de ce soir raconte cette querelle artistique, par la musique, la danse, la parole du récitant Charles Gonzales. Il lit des textes provenant du traité, paru en 1740, d’Hubert Leblanc pour la « Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle ». Le concert nous propose dix sept courts extraits du répertoire baroque français et italien.
Certaines pièces sont très célèbres : un bref passage des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau inaugure la soirée. Nous entendons la musique majestueuse, solennelle de Jean Batiste Lully avec un extrait du Bourgeois- Gentilhomme. Dans l’Été des Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi, le violon de Tami Troman chante les splendeurs de l’été. Le contraste est grand avec les grondements du violoncelle et des percussions annonçant l’orage. L’interprétation de l’ensemble Pulcinella a été colorée, séduisante.
Mais nous découvrons aussi des compositeurs peu connus comme Arcangelo Corelli ( 1653-1713), l’inventeur de la sonate, le pendant de Lully pour la musique italienne. Nous entendons la Sarabande de Jean- Marie Leclair (1697-1764), violoniste, maître de ballet à la cour de Turin puis compositeur à la cour du roi de France. Jean-Baptiste Barrière (1707-1747) a étudié la viole avant de devenir un violoncelliste renommé. Dans ses sonates, il nous surprend lors d’une gigue, véritable danse endiablée ou lors de son très paisible trio avec viole, violoncelle et théorbe qui nous fait rêver.
Ce concert permet au public de découvrir des instruments anciens. Ophélie Gaillard joue sur un violoncelle « basse vénitienne » Goffriller datant de 1737. Elle joue en solo une sonate de Vivaldi , son violoncelle « bondit d’allégresse » dans l’allegro et nous émeut par la tendresse et la douceur de son chant lors de l’adagio. Un solo permet aussi de mieux connaître le théorbe. Daniel De Morais lui donne un son d’une grande douceur. On retrouve le théorbe dans un duo avec la viole de gambe de Michèle Claude qui interprète la Rêveuse de Marin Marais, un moment émouvant où le temps paraît suspendu. Et n’oublions pas les percussions, tambour, tambourin, castagnettes qui rythment les danses baroques. Avec ses castagnettes, Michèle Claude s’installe au centre de la scène dans la Scaramuccia (le bagarreur en italien) de Nicolas Matteis. Une musique tourbillonnante, enivrante au point d’entraîner tous les musiciens dans la danse.
La danse est présente pendant tout le spectacle qui débute par une danse joyeuse et dynamique des enfants, parties prenantes et fidèles supporters du concert. Mathilde Maire est une danseuse classique. Elle accompagne la mélodie avec des figures élégantes, enveloppantes, apaisantes. François Lamargot vient de la danse urbaine. Ces gestes sont plus brusques, plus imprévisibles, plus rythmés aussi. Leurs duos sont convaincants, lorsqu’ils se font face dans une contre-verse acharnée ou lorsqu’ils nous font imaginer, par leur noblesse, leur élégance, un couple de danseurs à la cour du roi de France. Mais le duo peut se transformer en parade amoureuse ou en duo d’amour lorsque leurs danses s’entrelacent.
L’ensemble Pulcinella et le festival nous ont offert un spectacle séduisant par ses danses, sa musique, sa mise en scène. Il est surtout pédagogique et ludique, donnant une très bonne vision d’ensemble de la musique baroque à un public parfois éloigné de la musique classique. Un public qui est venu nombreux au point que beaucoup de spectateurs ont dû assister au concert debout. Mais il était ravi, par la qualité du jeu de l’ensemble Pulcinella et par le plaisir de la découverte. La danse du calumet de la paix des Indes Galantes termine le concert dans la joie, une joie perceptible chez les musiciens et dans la salle. La « Battle baroque » était une bonne idée, la bataille a été une réussite.
Le Festival baroque de Pontoise a lieu jusqu’au 16 juin 2026
Visuel © : JMC