L’artiste de Syracuse est revenu à Paris pour la deuxième fois de sa carrière, mais la démesure de La Défense Arena a eu raison de ses ambitions. Malgré un déploiement scénographique important, Post Malone n’est pas parvenu à combler l’immensité de l’enceinte française.
Austin Richard Post peut se targuer d’un parcours exemplaire. En moins d’une décennie, il s’est imposé parmi les figures incontournables de la scène musicale américaine. Le phénomène « White Iverson », son deuxième single, cumule 20 millions d’écoutes sur Spotify et pose les bases d’un succès qui ne se démentira plus. L’album inaugural « Stoney », paru en 2016, confirme cette popularité naissante en fusionnant habilement hip-hop, rap et country moderne.
Les collaborations prestigieuses avec Beyoncé (sur l’album « Cowboy Carter ») et Taylor Swift achèvent de propulser l’artiste au firmament de la musique populaire américaine. Les institutions country lui ouvrent leurs portes : en 2024, il foule les planches de l’Academy of Country Music Awards et du mythique Grand Ole Opry de Nashville, sanctuaires de la tradition country.
« F-1 Trillion », sorti la même année, marque l’aboutissement de cette conversion stylistique. Cet opus ne laisse aucune ambiguïté sur les intentions de son auteur, tant par ses compositions que par sa production. L’ensemble évoque l’univers de Brad Paisley, Zach Bryan ou Miranda Lambert, teinté d’une modernité assumée qui n’est pas sans rappeler une Lainey Wilson.
Cette renaissance du genre s’inscrit dans un mouvement plus large. Lana Del Rey, Bruce Springsteen, Gwen Stefani et bien d’autres emboîtent le pas à Beyoncé dans cette démarche de retour aux sources. L’influence de Taylor Swift résonne encore : celle qui a opéré le chemin inverse en délaissant ses racines country (héritées de Dolly Parton) pour conquérir les charts pop avec « 1989 » a ouvert la voie à ces allers-retours stylistiques.
Cette curiosité artistique justifiait amplement l’investissement financier consenti par les spectateurs pour assister au concert de ce phénomène.
Premier constat san appel : l’Arena n’affiche pas complet. La fosse, remplie aux deux tiers seulement, et les gradins clairsemés trahissent une ambition démesurée. L’objectif des 40 000 spectateurs s’avère irréaliste, et les conséquences se font immédiatement sentir. Dès les premières mesures de « Texas Tea », un écho persistant parasite l’ensemble. Les ingénieurs du son peinent manifestement à corriger cette défaillance tout au long de la représentation.
La scénographie, inspirée du Far West version Disney, s’étend sur une passerelle interminable que l’artiste arpente inlassablement, sans doute pour pallier l’éloignement des spectateurs les plus reculés, contraints de suivre le spectacle sur de petits écrans latéraux. Une débauche d’effets pyrotechniques (jets de flammes, feux d’artifice …) ponctue mécaniquement chaque titre.
Le contraste saisissant entre l’image et le propos frappe d’emblée : la démarche chaloupée du cow-boy, les tatouages style gang qui ornent son visage, la gestuelle et la voix viriles contrastent avec une musique étonnamment lissée.
Post Malone puise logiquement dans « F-1 Trillion » : « Wrong Ones », « Losers » en duo avec Jelly Roll (qui assurait la première partie), « What Don’t Belong to Me » et « California Sober », rehaussé par l’apparition surprise de Chris Stapleton. Malheureusement, ces morceaux perdent leur authenticité « roots » dans cette configuration. La rythmique pesante, conjuguée à l’écho de la salle, génère une bouillie sonore peu engageante.
L’investissement de l’artiste ne saurait être remis en cause : 26 chansons, incluant tous ses tubes, déployées sur deux heures avec une voix puissante et généreuse. Mais il semble littéralement happé par les dimensions de l’Arena. Tout paraît surdimensionné et « too much », jusqu’au final qui se veut grandiose de « Congratulations », où l’artiste s’élève sur une installation entièrement illuminée.
Dans les années 90, Garth Brooks révolutionna les codes du spectacle country en s’inspirant des productions musicales pharaoniques de Queen ou des Rolling Stones. Son concert de Central Park en 1998 rassembla près d’un million de spectateurs. Au-delà de son grand talent de compositeur, son professionnalisme scénique en fit une légende vivante outre-Atlantique.
Face au spectacle proposé par Post Malone, force est de constater que le chemin vers cette excellence reste encore long à parcourir.
Photo: Yves Braka