Réunir en mai 2024 des musiciens iraniens, israéliens et français dans une salle de concert et nous faire chanter et danser ? Laurence Haziza et le Sacré Sound Festival l’ont fait pour une inauguration belle, émouvante et festive.
Les portes de la Bellevilloise ont ouvert à peu près une heure avant le concert, permettant aux festivaliers de se faire maquiller par Sisipaillette ou d’avoir un moment de beauté avec Selune, tandis que le stress de la journée et de l’actualité retombait doucement dans la pénombre anticipée du lieu. Et dans l’ambiance résolument et merveilleusement « hippie », au sens le plus pur du terme !
La mezzo-soprano franco-ranienne Ariana Vafadari est montée sur scène dans un flamboyant sari bleu, accompagnée par le kurde Rusan Filiztek au saz ou à l’oud et par le percussionniste formé par son père aux musiques savantes persanes, Keyvan Chemirani. En 2020, Ariana Vafadari a sorti un album mystique dédiée à la divinité iranienne des eaux, « Anahita », dans une quête et une légende qui renouaient avec le zoroastrisme. C’est à une quête parallèle, fluide, puissante et élégante, que son trio nous a conviés. Une légende qui s’est ouverte à d’autre voix, puisque elle a chanté en duo une chanson iranienne issue du mélodrame « cult » de 1968 Soltane Ghalbha (« Roi de cœur »). Et que Philippe Cohen-Solal est monté sur scène s’installer aux claviers pour un hommage commun au rappeur iranien Toomaj, emprisonné et condamné à mort pour avoir défendu une Iranienne d’origine kurde accusée de ne pas avoir respecté les codes vestimentaires.
Nous l’avions découverte grâce à la série Téhéran et à Jazz’n Klezmer en 2021, Liraz est une chanteuse israélienne qui renoue avec ses origines quand elle chante… en persan. Véritable diva pop et funk, elle parle beaucoup à son public, explose d’énergie et de bonne humeur impérieuse. Elle entre en scène sous un voile, comme une apparition, pour très vite laisser voir son nombril et une micro-brassière rouge sang. Le public connaît déjà les chansons de son album Zan par cœur. Quant aux titres de son dernier album, Roya, aux rythmes souvent effrénés, mâtinés et de sons rétro-persans, ils sont interprétés et enregistrés de manière clandestine avec des chanteuses iraniennes.
Paradoxalement, entre deux ordres de la chanteuse qui demande beaucoup de son public, en bonne « jewish iranian princess », c’est le même sentiment de clandestinité et de sororité qui nous touche jusqu’à l’âme en une bien sombre période. Comme l’explique Laurence Haziza dans son bref intermède joyeux, plein de mercis et direct, la musique permet de réunir des artistes iranienn.e.s, israélienn.e.s, kurdes et français.e.s sur la même scène, un endroit est maintenu où cela est possible. Et démultiplié quand Sharouh passe aux platines pour nous faire danser jusqu’aux étoiles…
Le Sacré sound festival se poursuit jusqu’au 18 mai. Nous serons le 7 mai au concert de Walid Ben Selim à la synagogue de Copernic.
Et vous pouvez retrouver notre interview de Laurence Haziza, ici.
photo : YH