Jeudi 22 août. Rock en Seine. Deuxième jour de festival. Après une première journée complètement pop et glam – où nous avons pu voir Pomme, Rori ou encore Lana Del Rey – c’est au tour du rock de rentrer en scène, dans toutes ses nuances grâce aux 17 concerts de la journée.
C’est Last Dinner Party qui fait l’ouverture du festival sur la Grande Scène à 16h35. La voix angélique et maîtrisée d’Abigail Morris contraste avec une batterie et une guitare électrique déchirantes, moins séraphique que saphique. « It’s our only gig in France so we have a special treat for you : a new song that hasn’t been released : Second Best ! ». Avec des airs de sorcières queer, c’est cinq musiciennes hors pairs qui se produisent sur scène. Est joué leur dernier album Prelude to Ecstasy ainsi que le single « Nothing Matter ». Mais malgré une fosse enthousiaste, le public reste timide… Faire l’ouverture d’un festival est toujours une place ingrate et le groupe a su garder prestance et énergie pour finalement nous servir une reprise renversante de « Call me ». La soirée commence bien !
Le concert a, à peine commencé que la foule est déjà conquise. Se mêle au pied de Dead Poet Society une foule hétéroclite. Il y a la fanbase fidèle, ceux qui se laissent simplement emporter par l’intensité de la musique et séduire par le vocaliste mais aussi les oreilles attentives qui jugent avec expertise la qualité du son, avec une moue appréciative et un regard qui veut tout dire. L’esthétique est simple, pas de surjeu, car la musique suffit. L’association de la voix presque d’opéra et parfois androgyne de Jack comme sur .intoodeep. ou .CoDa, les solos de batterie de Will Goodroad et les riffs et l’énergie du bassiste Dylan Brenner font vibrer le public qui répond en hurlant quand on lui demande « Do you want some more ? ». La fosse tournoie en farandole sur « Running in Circle » et en pogo formidable. Bref, la petite société de rock en scène était loin d’être morte face au poète Underkofler.
Si longtemps comparé à Oasis, Kasabian s’en est bien éloigné. Sergio Pizzorno débarque sur scène avec un ensemble street et une gestuelle complètement héritée au rap. Devenu leader du groupe après le départ de Tom Meighan – condamné pour violences conjugales -, il semble décidé à donner le change. L’homme s’aime, se la joue et alpague le public avec l’attitude de celui qui a l’habitude « I want to see tout le monde jump ! ». Un téléphone sonne et « Call » commence. Les sonorités synthé et le côté chaleureux de la musique s’ancrent à la perfection dans l’ambiance festival. Le public est là pour ça alors c’est la symbiose. N’en déplaise, bien sûr, aux vieux de la veille qui s’arrachent les cheveux de voir que le monument a bien changé depuis les années 2000…
Tu arrives au milieu du concert de Destroy Boys et Vi, la guitariste, te demande gentiment « Do you want some rage ? » avant de se métamorphoser en chanteuse métal. Malgré le jeune âge des membres, le groupe a déjà presque une dizaine d’années et ça se ressent. Le show est là, l’aplomb aussi. La reprise de « Should I stay or should I go » des Clash finit par enchanter le public. Anti-patriarcat et messages politiques, remerciements aux équipes qui travaillent sur Rock en Seine, le tour est joué. C’est moins alternatif que Julie (vu à Rock en Seine 2023) mais la musique est bonne et l’ambiance aussi. Ils ne sont pas fans des labels mais se revendiquent enfants du punk – même si ça joue à Coachella.
« Are you ready ? » Sempiternelle question. The Hives sont là, gentlemans suédois à la sixties, dans leur costume rappelant les Beatles ou Animals. Pourtant, c’est bien du rock garage qui sort de leurs guitares et qui enflamme la Grande Scène avec des musiques comme « Come On ». La magie de The Hives opère avec facilité face à une foule réceptive et joueuse. Pogo, guitariste légendaire et leader aguicheur : bref, un concert de rock comme on les aime.
Gossip qui nous fait du Gossip. Superbe chevelure rousse, body étincelant et l’assurance de celleux qui n’ont plus rien à prouver. Fameux meltingpot de sa voix majestueuse, des instruments rock, des sonorités électro et le côté groovy, Beth Ditto est à son prime. Elle donne au public ce qu’il veut, du glamour, de l’humour et du grandiose. Petite spécificité qui en dit long : des interprètes qui retranscrivent en direct le concert. Eux aussi en paillettes, bien sûr.
Parfois, il faut savoir reconnaître la grandeur d’un groupe. Maneskin s’est hissé au rang d’icône en quelques années, notamment grâce à l’Eurovision en 2021. Malgré leur côté mainstream indéniable, le groupe italien a su garder, ou recréer, des inflexions hétéroclites et pointues – du moins hier soir. Une redécouverte totale des musiciens dont de Thomas Raggi, véritable virtuose. On ne peut qu’admirer la qualité et le niveau du guitariste qui a su nous honorer de nombreux solos abrasifs. Bien sûr, on ne présente plus Damiano David, incarnation parfaite du leader rock charismatique, dont la voix si spécifique sert de marque de fabrique. Le groupe a su réaliser l’équilibre difficile entre ce qu’attendait le grand public et l’exigence glam et alternative. En bref, Maneskin fait partie de ces figures qui entrent en résonance avec la culture rock du grandiose, de ces groupes emblématiques qui, à coup de basse et de batterie, font vibrer à l’unisson une foule en demande.
Ça y est, la soirée est finie. On repart, retourné et reconnaissant, déjà un peu nostalgique. Mais Rock en Seine n’est pas fini : rendez-vous pour encore trois jours pour finir sur LCD Soudsystem.
Visuels : © DR Cal McIntyre Ebru Yildiz Francis Delacroix