Rencontre avec Folk Bitch Trio : L’harmonie née de l’amitié

Notre jugement est souvent façonné par l’influence des médias, l’omniprésence des réseaux sociaux ou notre cercle social, nous amenant progressivement à valider la qualité supposée d’un artiste ou d’un opus. Parfois, la plume avisée d’un critique musical oriente notre perception. Néanmoins, ces découvertes orchestrées ne résistent généralement pas à l’épreuve du temps.

Et puis survient l’instant magique : sans aucun intermédiaire, par le simple effleurement de votre écran ou la délicate rencontre entre le diamant et le sillon d’un vinyle, vous vous immobilisez, absorbé par l’écoute. La réalisation vous frappe alors : « cette création possède une essence unique qui me touche profondément ». Cette résonance émotionnelle peut émerger de votre parcours musical personnel ou simplement témoigner d’un talent hors normes. Vous vous surprenez à répéter l’écoute, à identifier vos passages préférés, à décortiquer les subtilités de la production… C’est ce qu’on pourrait appeler un coup de foudre musical. Et ces instants hors du temps marquent votre mémoire à jamais.

Cette expérience précisément décrit la sensation ressentie à l’écoute de « Now Would Be A Good Time », premier album de Folk Bitch Trio, jeunes artistes australiennes nourries par la tradition folk, mais dont l’univers s’étend bien au-delà.

Si la musique constitue l’essence de notre propos, comprendre la genèse d’un tel phénomène s’avère tout aussi fascinant. Nous avons donc saisi l’opportunité du bref passage parisien de Heide Peverelle (they/them), Jeanie Pilkington (she/her) et Gracie Sinclair (she/her) pour tenter de percer le secret de leur remarquable création.

YB : Bonjour. Jeanie, je sais que vous avez baigné dans un univers familial musical. Qu’en est-il pour Heide et Gracie ? Quel a été votre déclic ?

Gracie : En réalité, il n’y a pas eu de moment précis. Dès notre plus jeune âge, la musique s’est imposée comme une évidence pour chacune d’entre nous. Nous nous sommes rencontrées au lycée il y a plus de dix ans, mais c’est seulement cinq ans plus tard que notre collaboration a véritablement pris forme, lorsqu’Heide nous a présenté l’une de ses compositions. La chimie créative entre nous était palpable dès les premières notes, et depuis, nous ne nous sommes plus quittées. Cette passion partagée, nourrie par l’amour profond qui nous unit, est le véritable moteur de notre parcours artistique.

YB : À l’écoute de votre album, « Now Would Be A Good Time » j’ai été frappé par certaines similitudes avec The Staves, un autre trio vocal féminin remarquable.

Jeanie : Oh, elles sont bien au-dessus de nous ! Ce sont véritablement nos héroïnes. D’ailleurs, elles nous ont suivies sur Instagram récemment – nous étions à l’hôtel quand nous l’avons découvert, et j’ai vécu un véritable moment d’émotion. J’admire profondément leur travail. Ces sœurs anglaises sont tout simplement extraordinaires. Il est amusant de constater que beaucoup nous prennent aussi pour des sœurs en raison de notre façon si naturelle d’harmoniser nos voix.

YB : Dans votre magnifique album, deux morceaux consécutifs m’ont particulièrement transporté dans l’univers de David Crosby : « I’ll Find A Way (To Carry It All) », interprété a cappella, et « Cathode Ray ».

Heide : C’est un compliment extraordinaire. Nous avons reçu des comparaisons très flatteuses récemment – non seulement avec Neil Young, époque « Harvest », ce qui est assez évident, mais aussi avec Crosby, Stills, Nash & Young, et même Buffalo Springfield. C’est vraiment touchant, alors merci infiniment.

YB : J’ajouterais que le son de votre guitare électrique me rappelle beaucoup celui de Stephen Stills.

Heide : Je suis très touchée, merci.

YB : il s’agit de votre premier album et il a été enregistré à Auckland avec Tom Healy (connu pour ses collaborations avec Tiny Ruins et Marlon Williams) durant l’hiver 2024. Il en dégage une authenticité qui évoque une session live…

Gracie : C’était exactement notre intention. Nous souhaitions créer quelque chose qui reflète fidèlement notre identité en tant que groupe, qui pose les fondations de notre univers sonore et qui révèle qui nous sommes, tant individuellement que collectivement. J’ai le sentiment que nous avons pleinement réussi.

YB : L’enregistrement est donc quasiment réalisé en direct ?

Heide : Absolument. En analogique, capturé sur bande – la méthode traditionnelle.

YB : Pour conclure, je tiens à souligner que vous avez signé avec Jagjaguwar, un label reconnu pour accueillir des artistes singuliers comme Bon Iver, Angel Olsen, Sharon Van Etten ou UMO. Votre album sera disponible dans toutes les bonnes enseignes dès le 25 juillet, et nous l’attendons avec une réelle impatience.

Folk Bitch Trio : Merci beaucoup.

L’harmonie sur scène

A la suite à notre entretien, nous avons eu le privilège d’assister à la performance de Folk Bitch Trio le 19 mai sur les planches de la Mécanique Ondulatoire.

En dépit d’une sonorisation approximative et d’un jeu de lumières frôlant l’intolérable, le trio nous a offert une démonstration éclatante de son talent. Leurs harmonies vocales, d’une pureté saisissante, ont sublimé une présence scénique captivante. La connexion qu’elles ont su tisser avec l’audience témoigne d’une maturité artistique déjà bien établie. Gracie s’est particulièrement distinguée, son allure évoquant un mélange entre Katy Perry et Dakota Fanning, magnétisant naturellement les regards et envoûtant le public qui ne demandait qu’à succomber davantage.

Le groupe a interprété l’intégralité de son prochain album « Now Would Be A Good Time« , fidèle à ses racines folk tout en explorant des sonorités rock plus affirmées, laissant entrevoir l’orientation prometteuse de leur deuxième opus.

Ayant déclaré que Paris était leur ville de prédilection, nous attendrons leur retour avec ferveur… dans un cadre technique plus à la hauteur de leur talent.