Natalie Bergman emplit de bonheur La Maroquinerie le 30 septembre (+ interview)

La prêtresse Natalie est venue parmi nous

La petite salle de La Maroquinerie s’est révélée bien trop étriquée pour contenir à la fois Natalie et ses quatre complices, et la foule venue en masse. Certains la suivaient depuis « Wild Belle », le duo qu’elle formait avec son frère Elliot Bergman. D’autres venaient tout juste de la découvrir sur les plateformes de streaming via son dernier album, souvent estampillé « album de la semaine ».

Elle a surgi sur scène drapée dans un costume mexicain noir qui exaltait sa blondeur, entourée de Elisa Hunt aux chœurs, Mark Noseworthy à la guitare et aux chœurs, Erik Hall à la batterie et aux chœurs, et John Kibler à la basse. Sans préambule, elle a attaqué les premières notes immédiatement reconnaissables de « Lonely Road », l’ouverture de son album.

D’emblée, son professionnalisme et la cohésion de son groupe ont électrisé le public qui n’a pas attendu pour ovationner.

Une voix précise, parfaitement placée, avec ce grain Motown si caractéristique. Une formation où chaque musicien occupe exactement la place qui lui revient, au service de compositions aux mélodies simples et puissantes. Tous les ingrédients étaient réunis pour un concert d’exception. Et ce fut le cas, sans le moindre temps mort.

Le tube « Gunslinger » a suivi, déclenchant un pas de deux avec Elisa qui a mis la salle en transe.

Elle a déroulé quasiment l’intégralité de « My Home Is Not in This World ». Et le constat s’imposait : aucune tricherie en studio, car la prestation scénique surpassait encore l’enregistrement. La voix sonnait plus affirmée, plus rock, et son groupe la portait avec une précision chirurgicale. Elisa Hunt déploie une voix somptueuse qui s’entrelace magistralement avec celle de Natalie, insufflant une énergie redoutable à l’ensemble vocal. Mention spéciale à John Kibler pour son jeu de basse inventif et aérien. Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé, multipliant les salves d’applaudissements.

Lors d’une courte pause, elle a chaleureusement remercié son frère présent dans la salle avec quelques amis, et son coiffeur.

Elle a complété son set en piochant dans son premier album, notamment « Shine Your Light on Me », une ode à Jésus qui nous a propulsés en pleine ère hippie. Cela collait parfaitement à l’atmosphère « Flower Power » qui baignait la salle, tous les spectateurs arborant un sourire contemplatif. Partageaient-ils le mysticisme de Natalie ou se laissaient-ils simplement porter par la musique ? Sans doute un peu des deux. Comme un bonheur qu’elle diffusait dans la salle et qui faisait un bien fou.

Ce sourire n’a quitté aucun visage jusqu’à la sortie, sans qu’il y ait la moindre odeur bizarre.

Avec ce concert, Natalie Bergman s’impose comme une nouvelle étoile de la scène indie. Elle nous prouve, si besoin était, qu’on peut créer de l’excellente musique qui séduit le public sans recourir à l’électronique, juste avec un sacré professionnalisme. Elle parvient à fusionner des sonorités R&B, country et folk qui évoquent les plus grandes.

Une interview à bâton rompu

La rencontre s’est déroulé dans l’appartement de son agent français et le formalisme de l’interview disparut immédiatement pour céder la place à une discussion amicale et franche.

Natalie, où se trouve votre « home » ?

(Rire) C’est drôle, je me suis posé exactement la même question hier soir ! Je me suis dit : pourquoi est-ce que je chante toujours sur le fait de rentrer chez soi ?

Toute ma vie, j’ai lutté avec cette idée d’appartenance. J’ai grandi dans une famille incroyable, avec deux parents formidables qui étaient très curieux des arts, de la musique, de la culture. Ils aimaient les arbres, la religion, la politique. Tout les intéressait. Ils nous poussaient à faire de l’art, ce qui est très rare. J’avais donc un foyer très solide. Mais j’ai aussi grandi dans une église, en écoutant beaucoup de gospel, et cette idée revient souvent dans ma musique : « Mon foyer n’est pas de ce monde ». C’est très présent dans le gospel, cette question d’un lieu céleste qu’on pourrait appeler « home ».

Quand j’ai perdu ma mère, je me suis demandé : comment trouver ma communauté ? On avait une relation magnifique. C’est là que l’idée de monter un groupe de rock and roll avec mon frère est devenue très attirante.

Est-ce parce que ni l’un ni l’autre ne vous sentiez à votre place quelque part ?

Exactement. Toute ma vie, je n’ai jamais vraiment eu ma place à l’école, je n’ai jamais trouvé ma communauté. Une fois qu’on a monté ce groupe avec mon frère, c’était enfin comme si on avait une place sur cette terre. C’est pour ça que tous les artistes montent des groupes : parce qu’ils ne savent pas où ils appartiennent. Alors ils trouvent leur tribu, leur gang, ils partent sur la route, et c’est là qu’ils se sentent le plus chez eux.

Vous citez Johnny Cash et Bob Dylan comme influences majeures ?

Oh oui. Johnny Cash était… comment dit-on ?… « The Bee’s Knees » ! (en français « la huitième merveille du monde »). Le plus cool de tous ! Je me souviens du jour où il est mort. J’étais en voiture avec mon père quand on a appris la nouvelle. On s’est arrêtés dans une allée, il faisait nuit. Mon père a éteint le moteur mais a laissé le lecteur CD allumé. Il a mis « Hurt», la reprise de Johnny Cash du morceau de Nine Inch Nails. On l’a écoutée cinq fois de suite, en silence, en pleurant tous les deux. C’était un jour si profond ! Et ce sera aussi brutal quand Bob Dylan mourra aussi.

Vous utilisez beaucoup d’équipement analogique sur votre disque. C’est pour le son ou par nostalgie d’une époque ?

Pour le son. Je ne veux jamais être une artiste rétro qui refait du passé. Je veux faire de la nouvelle musique, quelque chose que les gens entendent pour la première fois, tout en réveillant des sons qui leur sont familiers. Ma palette sonore emprunte à l’histoire et au passé parce que c’est la musique que j’écoute le plus. J’aime la vieille musique, c’est tout. Elle sonne mieux pour moi ;  la fidélité, l’âme, l’esprit. C’est très rare que je trouve quelque chose de nouveau qui m’excite. Il y a beaucoup de bêtises numériques et cela rend mes oreilles folles. C’est problématique pour moi parce que, par ma forte sensibilité auditive, j’entends tout.

Parlons de votre fils, Arthur. Est-ce que devenir mère a changé quelque chose dans votre vie artistique ?

Je pense que ça enrichit ma vie artistique. Il m’apporte une nouvelle perspective parce que je vois les choses à travers ses yeux. C’est comme avoir une nouvelle paire d’yeux, sa curiosité se transfère sur moi. Beaucoup de nos conversations avec les gens tournent autour des problèmes que traverse le monde. Mais il y a encore de la beauté dans ce monde et dans cette vie, et mon fils me ramène à cet endroit vraiment bien.

Dernière question : un livre, un DVD et un disque à emmener sur une île déserte ?

Je viens de lire « Faith, Hope and Carnage » de de Nick Cave et Sean O’Hagan, qui était magnifique. Il est si poétique et émotionnel sur le thème de la perte. Pour le film : « Dancer in the Dark » avec Björk. Ce film me fait pleurer, mais c’est l’un de mes préférés. Et pour le disque… peut-être « Blue » de Joni Mitchell. Bien que « Court and Spark » soit phénoménal aussi. Elle est l’une de mes plus grandes inspirations.

Merci Natalie

(Cette interview à été condensée par souci de clareté)