En 1999, Macy Gray livrait l’un des hymnes les plus déchirants de la soul pop contemporaine. «I Try», ballade entêtante sur l’amour impossible, résonne encore dans les cœurs brisés d’une génération. Retour sur un morceau culte, entre mélancolie, storytelling acidulé et performances habitées.
Il y a 25 ans, «I Try» n’en finissait plus de tourner sur les ondes et de s’installer dans nos vies. Extrait de son premier album On How Life Is, ce titre est devenu emblématique d’une époque et d’un certain rapport à l’amour : celui qu’on tente de quitter mais qui nous hante. Une chanson sur la peine de cœur, les ruptures douloureuses, les adieux qu’on n’arrive pas à prononcer :
J’essaie de dire au revoir, et je m’étrangle
J’essaie de partir, et je trébuche
Même si j’essaie de le cacher, c’est évident
Mon monde s’effondre quand tu n’es pas là
Ce qui donne toute sa puissance à «I Try», c’est bien sûr la voix singulière de Macy Gray : rauque, cassée, presque fragile, comme un sanglot contenu. Une voix qu’on ne peut qu’écouter en fermant les yeux. Macy, quand elle chante le cœur brisé, on la croit. Elle est l’héritière directe des grandes figures de la soul : Tina Turner, Lauryn Hill, et plus tard, ses cadettes Amy Winehouse ou Joss Stone. Dans ses inflexions, il y a du vécu, du blues, et de la sueur.
Mais I Try, c’est aussi un clip mémorable, véritable court-métrage d’une amoureuse éconduite. La mise en scène y joue le contraste : des couleurs pop et acidulées — turquoise, rose fuchsia, orange — qui tranchent avec la mélancolie du propos. On y suit Macy dans sa solitude, un sourire collé aux lèvres, un bouquet de gerberas roses à la main. Elle croise un enfant malicieux dans un bus, joue à cache-cache avec tendresse. La scène est touchante, sincère. Elle semble retrouver son prétendant dans une étreinte filmée à 360°, comme un happy end de comédie romantique.
Mais le plan final, implacable, révèle une toute autre vérité : Macy est seule. Le sourire s’efface. L’illusion aussi.
La vidéo a marqué une génération — plus de 85 millions de vues aujourd’hui sur YouTube — et a élevé l’artiste au rang d’icône. L’album On How Life Is est un carton planétaire, couronné en 2001 par un Grammy Award de la Meilleure performance vocale pop féminine.
Le 21 mai dernier, Macy Gray fêtait sur scène les 25 ans de son album culte, dans la salle des Folies Bergère à Paris. Un concert attendu, nourri de nostalgie et de blues, mais un peu terni par une mise en scène minimaliste et une artiste visiblement marquée par les épreuves de la vie et les séquelles de ses addictions passées. Pourtant, même abîmée, elle reste cette interprète habitée, généreuse, qui nous touche en plein cœur.
Alors que la soul contemporaine cherche parfois sa voie, On How Life Is demeure un jalon essentiel. Une master class de groove et de sincérité. Et I Try, un classique qu’on n’oublie pas — parce qu’il dit tout, en peu de mots, sur l’amour qui fait mal et les illusions qu’on ne veut pas lâcher.
visuel (c) Meody Braka