Il nous a donné rendez-vous dans un café de la Porte de Bagnolet proche de son domicile. Il arrive emmitouflé dans un manteau ajusté, deux tours d’écharpe tartan autour du cou. Nous nous demandons comment nous devons l’appeler, Lescop ? Mathieu ? Mathieu Lescop ? Ce sera Lescop tout court. Pour la musique, on s’adressera à lui uniquement par ce nom énigmatique qui sonne comme une onomatopée.
Son troisième album vient de sortir, mais c’est un peu comme un nouveau premier. Il explique pourquoi sans rien dissimuler des tensions qu’il a pu rencontrer dans sa carrière. Exit l’environnement toxique du précédent, Rêve Parti est un voyage musical personnel. La voix renoue avec la légèreté, comme il l’aime. Les beats sont plus joyeux sans pour autant perdre le côté sombre que leur apporte le bitcrusher, l’effet qui dégrade joliment le son du signal numérique. Les arrangements tendent vers l’épure, laissant parfois place à la surprise d’un pont, d’un accident harmonique, d’une chatouille rythmique.
Déjà, en 2010, leader du groupe Asyl, Lescop convoquait dans ses textes toute la noirceur du « no future » punk. « J’aime les choses qui font désordre » chantait-il à l’époque. Aujourd’hui, il s’affirme autrement, sa vie personnelle est plus ordonnée, ce qui a joué sur sa création. « Effrayé par la nuit, c’est une chanson que je n’aurais pas pu écrire, avant… », ce titre est dédié à son fils. Inutile d’en dire plus, si ce n’est que son auteur, persuadé à 20 ans que sa vie serait courte, a changé son fusil d’épaule. On le comprend.
« J’aime quand une chanson est travaillée, c’est un exercice rigoureux ! » s’exclame-t-il Le single : « Les garçons » le prouve. « Exotica» également, entre autres. «Rêve Parti» c’est aussi l’occasion de belles collaborations, féminines, qui glissent leurs voix en douceur sur trois titres. Izïa, Halo Maud, Laura Cahen. Les mariages vocaux sont subtils et ajoutent une richesse supplémentaire à cet album précieux dans la discographie d’un artiste qui a peu produit pendant sa carrière solo.
Trois albums en douze ans. C’est peu, mais comme celui-ci est une renaissance pour Lescop, gageons qu’il viendra une autre fois nous donner à danser, à rêver, à nous émouvoir, comme il le fait ici si justement. Du moins, on l’espère.