Il y a quelques années, en mode Tryo, Christophe Mali donnait plutôt dans le quatuor lors de concerts joués à guichets fermés. Inutile donc de s’étonner aujourd’hui si son aventure en solo se prolonge à deux quand il présente sur scène son tout nouvel album « Humain ».
Fin mars, au café de la Danse, en préambule à une série de dates en régions, accompagné de Sébastien Collinet, multi-instrumentiste aussi talentueux que discret, Mali se dévoile là où on ne l’attend pas. En effet, l’homme a gagné en maturité depuis ses premiers albums en groupe où il se faisait traiter de « babos » et où sa musique était parfois jugée par des fâcheux « tout juste bonne pour des punks à chiens ». À présent, quand il n’écrit pas ses chansons, Il distille sa précieuse expérience scénique auprès d’artistes plus jeunes et moins expérimentés.
Le partage est une valeur qui lui tient à cœur, valeur qu’il illustre d’abord sobrement derrière un petit piano à queue. Face à lui, son partenaire, le sourire dévoré par une barbe de bucheron, s’accroche tendrement aux cordes d’une guitare acoustique.
Quelques mots s’invitent entre les chansons, l’air de rien. Au début, la timidité pointe dans la voix, puis fait place à une assurance qui, sereinement, s’affirme de plus en plus.
Les petits monologues se transforment en envolées poétiques, lyriques, engagées. Un échange s’instaure entre l’artiste, les spectateurs, naturel, joyeux. Une intimité s’installe.
Le concert pourrait tout aussi bien se dérouler dans un salon. On oublie le lieu, les spots, la scène et Mali semble être là pour chacun. Son truc, c’est d’inventer une discussion imaginaire où il joue tous les intervenants, posant à la fois les questions auxquelles il apporte des réponses. Il ose tout. Il peut même mettre une chanson en pause au beau milieu de son interprétation. Il est chez lui, sous les projecteurs, comme un « foufou chantant ». Rien n’est calculé au millimètre, figé, froid. Ici, l’homme, s’il maîtrise l’art de la scène, s’offre néanmoins toutes les libertés. Le fantôme du grand Jacques, le poète Higelin, plane au-dessus du plateau. On le sent. On l’entend, même, tapi dans le grain de voix de son plus grand fan, celui-là même qui n’avait pas craint quand il était adolescent de frapper à la porte de l’interprète de « Tombé du ciel ».
Pour le plus grand plaisir du public, Christophe Mali, qui a signé un joli nombre de tubes de la chanson française avec son groupe Tryo, s’offre un florilège de ceux-ci, parenthèse nostalgique au milieu de son set. La foule sentimentale l’accompagne, fredonne et entonne avec ferveur « désolé pour hier soir » ou « ce que l’on s’aime ». Le public venu le soutenir a gagné tout comme lui quelques cheveux blancs, mais a conservé l’enthousiasme de ses débuts, celui des années 2000. Lui joue avec cet élan venu du passé qu’il n’hésite pas à briser pour ironiser sur cette même poignée d’accords de guitare qui a servi à composer plusieurs de ces succès.
Tout est tendre, généreux et intime, tant dans le choix des chansons qu’il chante (derniers humains, le boulet) que dans les paroles qu’il prononce tout bas dans son micro quand les lumières tissent sur le sol une toile d’araignée.
Ses petites anecdotes évoquent son attachement à ses familles (de cœur comme de sang) ou expriment ses indignations naïves, authentiques.
Le temps passe vite quand les mélodies sont habiles et que l’émotion est présente. Bientôt, on n’a plus envie que de deux choses : de le voir en trio aux côtés d’un percussionniste se substituant aux samples et autres échantillons rythmiques, et puis de chanter avec lui un peu plus longtemps, de profiter, à l’instar de ceux d’Higelin, d’un concert à rallonge.
C’est un nouveau début, plus de 20 ans après son premier album solo. Sous nos yeux naît un spectacle qui, s’il en est encore à ses balbutiements, célèbre déjà la poésie et l’humanité d’un artiste hors norme, à l’œuvre encore trop injustement sous-estimée, l’auteur compositeur interprète Christophe Mali.
Humain est sorti le 7 mars 2025.
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