« La rivière » est le titre du nouveau disque du nommé ASKEHOUG. Une échappée belle en français dans le texte qui se met au défi de passer outre le suranné, la redite, et le déjà entendu. Jolie tentative que l’on invite à découvrir en live, à partir du 8 septembre, à Paris.
C’est l’heure du chillin’, et ce qui vient aux lèvres, spontanément, sont les noms de Bertrand Belin et d’Alain Bashung, plus loin, ceux de Murat et de Miossec. Alors, en premier lieu il s’agit d’éviter l’imposture et pour cela instiller suffisamment de savoir-vivre dans sa collection de chansons. Miracle, ça marche et c’est souvent joyeux et rythmé. Premier single, « Le chien dans l’espace » a tracé l’idée : rire et danser avant toute chose. Mais c’est plus compliqué. ASKEHOUG a des trucs sérieux à susurrer qu’il va choisir de distiller sans faire traîner sa voix, plutôt en se laissant voguer dans des volutes planant à faible altitude. Les ondes d’un radar masculin qui émet parmi des millions d’autres.
Ces volutes partent donc en fumée, plus ou moins, et joue de ses formes enroulées, en spirale ou en hélice. C’est ainsi que ce garçon chante. Vieux, le garçon ? Peut-être, et d’ailleurs, il s’imagine même « Ne plus chanter », en duo avec la trop rare et françoisehardisienne Maissiat. Le comique de situation inauguré avec « Le chien » se resserre vite dans la demi-confession, les choses à dire. Enfin, pas à « dire », mais à « laisser entendre ». C’est ce fameux effet « chillin’ », les gouttelettes sur les corps nus glissant sur des chansons qui autrement apparaîtraient bien ternes. Comme le disait Murat dans « Le monde intérieur » : « On voudrait … s’apercevoir flou dans le lointain ». Détachement, renoncement, privilège de l’âge. La rivière coule mais l’homme par la force des choses se rétracte. Il faut se tenir à l’écart et « Mec en bois » n’est pas « Bite en bois », même si on sent bien que la frontière est ténue. L’album n’a pas de cohérence spécifique. Mais, il frappe par sa tranquille puissance, la rime apportant la respiration nécessaire à l’accueil de sa pensivité, plutôt pas désagréable.
Je sais, c’est une drôle de formulation, « pas désagréable » … Mais, au bord de la rivière, on est parfois distrait par la chansonnette (« Intérim »). ASKEHOUG paie son tribut à l’époque, décrit les misères de l’intelligence artificielle et de nos vies électroniques. C’est un peu pénible (« Individu »), mais avec un peu de chance on s’en sort bien, comme dans le second single, « Et là … » avec qui les écrans disparaissent devant ce qui fatalement devait arriver : « Là », ici et maintenant, « on fait l’amour ». Finalement un sommet de l’album dans sa posture virile cette fois assumée. « Et là », ce sont ces alluvions d’hormones que son créateur choisit de mettre en pédale douce, si l’on peut se permettre l’expression, en noyant lentement dans l’eau de rivière l’autosatisfaction de sa condition masculine. ASKEHOUG, c’est plutôt l’homme-fable que Lomepal. Et c’est heureux. Franchement, quelqu’un qui dénomme l’une de ses chansons « Les adverbes » ne peut être complètement mauvais.
On ira donc voir en concert l’animal (entre chien et loutre ?), accompagné – quel bon présage-de l’ex Lili and the Wood, Mathias Fisch, et du guitariste Jean-François Prigent. On guettera l’apparition d’Armelle Pioline qui ensoleille de chœurs ce qui pourrait être le troisième titre clé de cette « Rivière », « Bikini » tout simple, conçu pour faire durer un peu plus notre improbable été : « Pendant ce temps…au même instant. N’ont-elles pas froid ces dames en bikini. » Sur « La rivière », c’est aussi le désordre climatique qui frappe les regards amoureux.
Photo @Stéphanie Lacombe.
En concert
l’AUGUSTE THÉ TRE,
6 Impasse Lamier 75011 Paris.
Les vendredi 8 et jeudi 21 septembre, les jeudi 5 et 19 octobre.
Infos & Billetterie