Almée : « L’inspiration a toujours à voir avec le hasard »
par Yaël Hirsch le 14.06.2023
On l’a découverte, fine dame blonde, aux côtés de Léonard Lasry dans une reprise de l’ironique Joyeux Noël de Barbara. Almée a choisi son nom en apprenant l’existence de véritables « geishas des harems » : poétesses, savantes et musiciennes dans l’Égypte des Orientalistes. Son premier EP, La Source Vive est sorti le 12 mai dernier. Elle sera le 21 juin à 13h à Saint Eustache. Rencontre.
Qui est Almée? Quelle est l’histoire de sa famille ?
Almée a emprunté son nom aux musiciennes et poétesses d’Égypte qui venaient divertir les femmes dans les harems. Pourtant, Almée est avant tout parisienne, même si ses pas l’ont menée jusqu’à Odessa, sur la trace de la famille de son grand-père, juive ashkénaze.
Un grand-père dont Almée met aussi la voix en scène sur son titre « C’est Vrai » réalisé à partir de son témoignage pour la USC Shoah Foundation.
Quelle est la part du hasard et de la chance dans vos textes et vos clips ?
« Il me semble que l’inspiration a toujours à voir avec le hasard et la chance puisque c’est la capacité à se laisser traverser par un souffle créateur, qui se transforme en idée, puis s’incarne en texte, en musique ou en images.
Pour autant, je suis convaincue que ce hasard et cette chance peuvent se cultiver, se provoquer. Cela passe par la pratique régulière, idéalement quotidienne, de son art, mais aussi par le choix de ce qu’on lit, ce qu’on écoute, ce qu’on regarde, toutes ces créations qui viennent fertiliser notre esprit. C’est une sorte d’agriculture émotionnelle, où l’on retourne la terre chaque jour en espérant qu’il y pousse un fruit, une fleur, une œuvre. »
La poésie est-elle forcément musicale ?
« La poésie que l’on trouve écrite dans un recueil de poèmes l’est très certainement. Je suis toujours attirée par la musicalité du mot en soi, le plaisir de dire ou de lire sa sonorité, même sans musique.
Il y a aussi bien sûr la poésie visuelle, essentielle, celle des images, et puis la poésie du quotidien, le surgissement de l’inattendu. Je pense que celle-là naît aussi d’une certaine manière d’une musique.
Une musique intérieure. La poésie d’un échange entre deux personnes par exemple ne peut exister que si chacun joue sa note, dans sa justesse et son authenticité. »
Que faut-il faire de nos idoles ?
« Les brûler ! Je plaisante. J’aime bien pouvoir faire la part des choses entre l’admiration sans bornes qui n’est pas très constructive et les modèles ou les sources d’inspiration qui, elles, nous aident à vivre.
Celles-ci, je pense qu’on peut les remercier, les emporter partout avec nous. »
À part au piano, à quelle activité dédieriez-vous un marathon de 36h ?
« Certainement pas à la course à pied ! Je les dédierais à faire ce que je préfère (en dehors de la musique) : lire, écrire ou regarder des films. Et pourquoi pas les trois à la fois ? Du coup on part plutôt sur un triathlon qu’un marathon. Côté programmation, j’hésite parce qu’il y a toujours tellement de choses que j’ai envie de voir, de lire, de découvrir, mais aussi de revoir, de relire, c’est assez frénétique. Disons que je commencerais par une intégrale de Bertolucci, avec un de mes films préférés, Beauté Volée, j’en profiterais aussi pour voir « Shoah » de Claude Lanzmann que je n’ai pas encore pris le temps de regarder en entier. Après ça, pour changer d’ambiance, je verrais A Bigger Splash de Luca Guadagnino (j’ai vraiment aimé Call Me by Your Name que je viens juste de regarder). J’écrirais ce qui me passe par la tête, sans but ou contrainte de formes, comme de l’écriture automatique. Je lirais aussi les pièces d’Angélica Liddell, comme La Maison de la Force (j’avais vu Tout le ciel au-dessus de la Terre (le syndrome de Wendy) au théâtre il y a des années et cela m’avait complètement bluffée.) Bon, je vais m’arrêter là parce que je pourrais aussi passer 36 heures à faire des listes de tout ce que j’ai envie de faire ! »
Le mercredi 21 juin à 13h à Saint-Eustache dans le cadre des 36 heures de Saint-Eustache