Le tribute band français a vu les choses en grand et, pour pallier la moindre défaillance et donner de l’ampleur au show, a doublé pratiquement tous les postes de commande avec Gabriel Locane au chant, Jean-Philippe Hann à la voix et à la guitare rythmique, Alain Pérez en guitar hero, Brice Mirrione aux claviers, Fabrice Di Maggio aux synthétiseurs, Yassine Zaïdi à la percussion, Diego Alfonsi à la batterie, Jean Philippe Scali aux saxophones alto et ténor, un seul bassiste, Frédéric Wursten mais, en contrepartie, trois choristes de blanc vêtues, Nicole Lise, Amandine Griffol et Karine Arenas levant les bras telles des danseuses serpentines, faisant voleter les voiles fixés à leurs poignets pour souligner les temps forts.
Dans ce « son et lumière », les baffles surpuissants soufflant de tangibles vibrations en direction des 5.000 spectateurs du Dôme (nouveau nom à connotation religieuse du palais où s’étaient produits Noureev, Johnny-l’idole des jeunes, le Ballet du XXe siècle de l’auteur de Messe pour le temps présent…) et les batteries de leds caméléonesques commandés à distance ont été utilisés avec maestria par Laurent Begnis et Sébastien Huan deux heures durant. En première partie, l’excellent trio Jühne nous a offert six ballades. Bien qu’ait été cité en passant Syd Barrett, chanteur, guitariste, auteur, compositeur des premiers albums-concepts du groupe fondé par Roger Waters, Nick Mason et Rick Wright « Pink Floyd » (en référence aux prénoms des chanteurs de blues Pink Anderson et Floyd Council), c’est moins le côté expérimental des Floyd des sixties (les sons psychédéliques sous influence LSD, le planant Zen, le contemplatif baba cool) que la structure et la forme de la tournée Pulse de 1994 qui ont servi de modèle au show de So Floyd.
À l’underground du premier album de Pink Floyd, The Piper at the Gates of Dawn, avec ses effets bruitistes (futuristes), son savant dosage d’électrique et d’électronique (c.à.d. de guitare et de claviers), ses notes prolongées comme des basses continues, ses longues improvisations dépassant largement les 2’35 » de rigueur (de bonheur), a été préférée la période triomphale du groupe britannique, une fois écarté le Barrett schizo et quelque peu gênant. Ce succès n’est arrivé que tardivement, bien que le groupe ait commencé à être connu non seulement par ses disques mais aussi par ses B.O. de films dits « cultes » comme More (1969) de Barbet Schroeder qui traitait, entre autres, de la question de la drogue dans Ibiza hippie et Zabriskie Point (1970), avec sa séquence de danse dionysiaque dans le désert interprétée par l’Open Theater de Joe Chaikin et, dans le rôle de la jeune protagoniste, Daria, la fille de la chorégraphe d’avant-garde Anna Halprin…
Concrètement, le show de So Floyd enchaîne une playlist de 18 titres provenant des albums The Dark Side of the Moon (1973), Wish You Were Here (1975), The Wall (1979) et The Division Bell (1994), allant de « Sorrow » à « Comfortably Numb » en passant par « High Hopes », « Time », « The Great Gig in the Sky », « Us and Them », « Money », « Brain Damage », « Shine On You Crazy Diamond », « Have a Cigar », « In the Flesh », « Hey You », « Young Lust », « Another Brick in the Wall », « Run like hell », « Wish You Were here« . La plupart des morceaux restent lents (le tempo est larghetto), les plus vifs (allegro ou allegri) sont « Time » et « Money » – avec, pour ce dernier, un rythme à sept temps. La mise en scène nous a paru tradi (le chanteur évoquant théâtralement le voyageur avec sa valise, le malade mental en camisole de force ou le dictateur chaplinesque). La scénographie reprenait l’écran circulaire de 12 mètres de diamètre des concerts de 94 où s’incrustent images-souvenirs rappelant les soirées-diapos et gros plans des musiciens en direct, le demi-cercle dessiné par les sous-perches des projecteurs et la gigantesque boule à facettes de 2,40 m de diamètre qui s’ouvre au final comme un œuf de Pâques.
Pour lire également, le show de célébration des 50 ans de l’album Dark Side of the Moon au Planetarium , c’est ici
Visuel : So Floyd au Dôme © Nicolas Villodre