Joli programme que celui proposé par l’Orchestre national d’Île-de-France, ce 3 décembre, à la Philharmonie de Paris : Fauré, Britten, Mendelssohn, l’ensemble sous la direction d’une jeune cheffe franco-britannique Stephanie Childress qui allie élégance, souplesse et musicalité, tandis que Kaëlig Boché nous offre une incarnation forte des « Illuminations ».
Sous le joli titre de « Masques et Bergamasques », Gabriel Fauré a composé une suite orchestrale de quatre tableaux, extraite d’une musique de scène évoquant les personnages de la célèbre commedia dell’arte. Opus charmant, contrasté et ciselé, l’œuvre est souvent jouée et introduit fort bien un concert au programme varié et original. L’Ondif sous la battue régulière et peut-être un peu trop sage parfois, de la jeune cheffe, auréolée du prestige d’un deuxième prix au concours La Maestra en 2020, déploie les différents mouvements de l’ouverture Allegro, jouée avec entrain à la dernière et mélancolique Pastorale en passant par des deux « danses » intermédiaires.
Puis viennent les étonnantes et percutantes « Illuminations », ces dix poèmes d’Arthur Rimbaud que Benjamin Britten a mis en musique en 1939. Pour l’essentiel de ses compositions sur textes poétiques, Britten a choisi la langue anglaise, mais s’était essayé à la poésie française avec Victor Hugo et Verlaine dès 1920.
Sa découverte de l’écriture et du personnage de Rimbaud a été l’objet d’une grande passion qui se traduit par cette mise en musique d’une grande force émotionnelle et expressive.
L’on sait qu’alors, Benjamin Britten dans son exil américain, s’était identifié à ce poète vagabond, sensuel, précoce et éternellement jeune. Ces « Illuminations » sont composées de neuf parties, deux poèmes, Phrase et Antique, étant regroupées par Benjamin Britten, pour une voix de soprano ou de ténor, et un orchestre de chambre.
Petite formation musicale exclusivement composée de cordes pour cet accompagnement, l’Ondif forme un écrin confortable pour la très belle voix de Kaëlig Boché qui nous offre une véritable interprétation de caractère à la diction irréprochable.
Le jeune ténor d’origine bretonne, de plus en plus remarqué ces derniers temps dans ses compositions scéniques – et très récemment en Laerte dans Hamlet à l’Opéra de Massy -, démontre qu’il sait captiver son public en quelques phrases musicales, en quelques mesures pour des morceaux très variés et parfois très courts. Le chant se pare de mille nuances et couleurs, douceur ou colère selon le thème, tandis que la voix se projette parfaitement dans le grand espace de la Philharmonie de Paris.
L’Ondif retrouve ses cuivres, bois et percussions pour l’exécution très soignée de la Symphonie n° 3, dite « Écossaise », en la mineur de Felix Mendelssohn. Nommée ainsi parce qu’elle a été inspirée par le voyage du compositeur sur les terres de Walter Scott, les paysages nouveaux qu’il découvrait alors (et croquait dans un carnet) mais aussi les grandes épopées historiques qui marquent profondément cette terre et ses légendes.
Dans l’interprétation de Stephanie Childress, on a beaucoup apprécié la belle harmonie des cuivres et des cordes, le dépouillement du style sans affectation inutile, redonnant en quelque sorte la peinture initiale de l’œuvre, tout en regrettant un « adagio » un peu lourd, heureusement suivi d’un superbe Allegro vivacissimo puis maestoso assai, enlevé et de toute beauté pour une très belle fin de concert fort ovationné.
Philharmonie de Paris, grande salle Pierre Boulez, concert du 3 décembre
Visuels
Kaëlig Boché : ©Karl Pouillot/Generation opera