Le 19 octobre dernier, le pianiste virtuose franco-américain Paul Ji, 20 ans, se produisait sur la scène du somptueux Théâtre des Champs-Élysées devant une salle comble pour son premier récital consacré à Chopin. Un concert événement.
« Les mots me manquent lorsque j’essaie d’expliquer ce que je ressens dans la musique de Chopin. (…) Sa musique est raffinée mais déborde de passion ; elle murmure la consolation mais enflamme l’esprit d’une félicité idyllique. Elle porte une sophistication noble, mais est aussi pleine de simplicité rustique. Quelles que soient les émotions, comme le disait Arthur Rubinstein, « la musique de Chopin me donne l’impression de rentrer chez moi ». » Paul Ji
La salle comble retient son souffle quand Paul Ji, smoking et nœud-papillon, se présente sur scène. Un majestueux piano à queue noir trône au centre. En arrière plan, une magistrale porte métallique dorée confère à la soirée une aura de grandeur et de mystère. L’arrivée de l’artiste est un événement. À tout juste 20 ans, Paul Ji s’apprête à donner son premier récital de musique classique et il a choisi un florilège de Chopin, convoquant émotions, lyrisme, et profondeur.
Né à Chicago le 14 janvier 2004, Paul Ji débute le piano à quatre ans. Installé à Fontainebleau depuis l’âge de 5 ans, il étudie à 12 ans à l’Ecole Normale de musique de Paris. À 8 ans, il se produit au Carnegie Hall à New York puis participe au Festival de Musique Classique d’Annecy en 2016 et 2017. Il remporte 7 fois le Concours International Steinway à Paris et gagne à l’âge de 15 ans la 6è édition du concours Prodiges (France 2) en interprétant notamment des œuvres de Chopin et de Tchaïkovski. Lang Lang himself lui remettra son prix. À 16 ans, il sort son premier album Piano (Warner Classics) et est nommé « jeune artiste Steinway ».
En ouverture du concert, Paul Ji nous offre son interprétation de la Ballade No. 2 en Fa majeur Op. 38 de Chopin. Quand le pianiste s’installe devant son instrument, il marque un léger temps d’arrêt. Sa concentration est maximale. Ô temps ! suspend ton vol. Le public ose à peine respirer. Paul Ji lève alors ses mains au ralenti, très délicatement. Ses avant-bras se détachent du corps, semblent flotter carrément et amorcent un élan vers le clavier. Puis, avec une grâce inouïe, dans un mouvement fluide, naturel, aérien, il laisse retomber ses doigts sur les touches. Le temps s’arrête et la magie opère.
Dès les premières notes, Paul Ji plonge irrémédiablement l’audience dans un climat de beauté et de stupéfaction. Le pianiste impose son tempo avec maestria. Dans une atmosphère douce, sereine et mélancolique d’abord, l’exécution sotto voce nous enrobe de délicatesse et d’élégance. Puis d’un coup, la rythmique s’accélère, les émotions se déchainent et le piano vrombit. Presto con fuoco. Paul Ji semble jouer avec 10 doigts à chaque main. Il balaie le clavier dans son intégralité, impulse une fougue impressionnante et fait résonner la musique de mille éclats.
C’est virtuose, expressif, éblouissant. De fortissimo, on passe à piano. Retour au calme, à l’apaisement. Le rythme décélère. Le public s’enroule dans du velours. Piano piano. C’est exquis. Mais voilà que ça repart de plus belle ! Les notes sont martelées avec une puissance féroce, redoutable ! Le pianiste semble déchainé. C’est une avalanche de notes, une rafale violente, une déferlante qui assaille le public avec une intensité fulgurante ! Une explosion musicale nous submerge dans un tourbillon d’émotions. Les modulations s’enchainent. Crescendo. Decrescendo. Crescendo. Decrescendo. Après l’orage éclatant, le calme revient enfin. Époustouflant.
Avec une maîtrise hallucinante, les mains du pianiste glissent sur le clavier et s’emparent de l’instrument. Précision, technique, fluidité, mais aussi sensibilité et nuances : tout y est. On assiste à quelque chose de fou, de grandiose !
Pendant près de 2h, Paul Ji nous interprétera avec une éloquence rare le Nocturne Op. 27 n° 2, puis la Sonate n° 3 avant d’attaquer 4 études puis 24 Préludes Op. 28. Pas de partition. Tout est dans la tête. Bien entendu. Vous reprendrez bien un peu de Chopin ? Andante Spianato ? Con piacere ! Et enfin la Grande Polonaise Brillante Op. 22. Mais quel programme ! 3 rappels et 5 bouquets de fleurs plus tard, l’artiste saluera avec élégance et retenue un public conquis.
Son prochain grand concert est annoncé à la Philharmonie de Berlin le 26 décembre 2024, où il jouera le Concerto n° 2 de Chopin.