Le 10 juin 2024, à la Seine Musicale, la soprano Patricia Petibon et l’ensemble Amarillis, dirigé par Héloïse Gaillard, se consacrent à la musique baroque française.
Marc-Antoine Charpentier, Marin Marais, Jean-Baptiste Lully, Jean-Philippe Rameau mais aussi des compositeurs moins connus comme Jean-Féry Rebel, Henri Desmarest et Jean-Marie Leclair La musique française est à l’honneur ce soir, nous allons entendre de nombreux extraits d’opéras baroques. Malgré la diversité des œuvres et des auteurs, le concert garde une belle unité, les pièces musicales s’enchaînent naturellement. Un équilibre est trouvé entre les moments purement orchestraux et ceux dédiés au chant lyrique.
L’amour passion est célébré ce soir à travers la mythologie grecque et les deux sœurs Médée et Circé. Nous entendrons ainsi de larges extraits du Médée de Marc-Antoine Charpentier et de Scylla et Glaucus de Jean-Marie Leclair. La sensibilité et la poésie de la musique de Jean-Philippe Rameau seront aussi au service de l’amour.
Le concert de ce soir laisse une large place à l’Ensemble Amarillis. Cet orchestre de chambre a été cofondé en 1994 par la flûtiste et hautboïste Héloïse Gaillard qui en assure la direction artistique. Amarillis aborde l’ensemble du répertoire baroque avec la volonté, comme ce soir, d’explorer des œuvres méconnues, voire inédites. Le Chaos de Jean-Féry Rebel inaugure la soirée avec une orchestration audacieuse, étonnante. Accords dissonants, rugissement des cordes, rythmes fébriles, l’heure est à l’orage malgré la légèreté du piccolo et le chant de la flûte. Héloïse Gaillard joue tour à tour du piccolo, de la flûte, du hautbois avec un talent enchanteur.
L’orchestre nous invite à danser dans des fêtes galantes comme dans le Rondeau et la joyeuse gigue de Jean-Philippe Rameau. Comme surtout dans la réjouissante Chaconne de Marin Marais qui nous transporte à la cour. Le rythme est vraiment entraînant grâce aux castagnettes et aux tambourins. Tout au long du concert, l’auditeur remarquera de très beaux, très émouvants duos entre la flûte et les violons, les violoncelles ou le basson. Amarillis accompagne le chant de Patricia Petibon. Alors que la cantatrice exprime les tourments de l’amour, l’accompagnement orchestral apporte un peu de calme, de sérénité, d’harmonie.
Chevelure rousse, robe rose, la soprano Patricia Petibon arrive fièrement sur scène pour chanter Médée. Dans Noires filles du Styx de Marc-Antoine Charpentier, sa voix, son visage, ses gestes prennent une tonalité dramatique. Malgré les difficultés techniques, malgré les grands intervalles de notes, elle révèle son aisance, la facilité, la fluidité de son chant. Dans le deuxième air des démons de Jean-Marie Leclair, elle incarne une Circé tourmentée, affligée par le poids de son destin. Mais elle reste une séductrice dans sa gestuelle, son regard, ses vocalises ou lorsqu’elle amorce une danse. Patricia Petibon est très émouvante dans Tristes apprêts de Jean-Philippe Rameau. Toute son expressivité traduit la douleur, la tristesse, la dignité. Les notes tombent comme des larmes sur un parterre de fleurs. Un moment bouleversant pour l’auditeur.
Le concert se termine par l’Air de la Folie, extrait de Platée de Jean-Philippe Rameau. Et là, surprise, nous sommes dans la parodie de l’opéra comme cela arrivait souvent à l’époque baroque. Patricia Petibon arrive avec des lunettes noires, mime une conductrice automobile énervée, en appelle à Thomas Pesquet, puis met un casque de moto. Les vocalises redoublent de virtuosité, entrecoupés de ricanement ou de fous rires. Elle est vraiment très comique !
À la fin de ce réjouissant concert, plutôt qu’un bis, Patricia Petibon préfère prendre la parole. Pour dire son bonheur d’être là, à la Seine Musicale, pour se réjouir de la présence de nombreux collégiens dans la tribune. Et de conclure par cette belle conviction « la beauté et l’art sont les ciments d’une société »…
Visuel(c): JMC