L’ensemble des titres créés à l’occasion de la cérémonie commémorative des victimes des attentats du 13 novembre 2015, réunis par le label Decca Records pour Universal Music France.
Sous la houlette de Victor le Masne, partenaire de Thomas Jolly lors des Jeux olympiques de Paris, cette compilation bénéficie notamment de la participation de Jarvis Cocker, Yarol Poupaud et Eddy de Pretto. Elle a été présentée pour la première fois à l’occasion de la cérémonie commémorative diffusée, ce jeudi 13 novembre, en direct sur TF1 et France 2 à 18 heures. Des titres qui n’ont pas d’intérêt particulier et qui ont d’ailleurs provoqué quelques réactions polémiques, à suivre … Ou pas. L’essentiel, en effet, tient peut-être moins au contenu de ce disque proprement dit, mais de sa diffusion lors de l’évènement dans le magnifique jardin conçu par l’agence de paysage Wagon Landscaping. Celui-ci forme un maillon supplémentaire au dispositif mémoriel que l’on voit aujourd’hui se constituer, dix ans après les attentats qui ont ensanglanté le pays.
Tout au long de ces dernières semaines, on a vu se multiplier les prises de parole, les reportages, les points de vue qui ont permis de faire apparaître publiquement un élément majeur pour la suite, celui du stress post-traumatique et des fractures que celui-ci inscrit dans le futur des personnes qui de près ou de loin ont été touchées, corporellement ou autrement : les victimes directes bien sûr, mais également leurs proches, les policiers, les équipes de la BRI, les journalistes et personnels de santé, le voisinage du théâtre des opérations, ceux qui ont vécu les évènements en direct, parce qu’ils ont rencontré un rescapé, un autre qui fuyait ou encore un proche de celui qui fuyait… Une chaîne de ressenti individuel qui finit par faire collectif, aujourd’hui et montre combien cet instantané tragique, rattaché au passé l’est toujours pour le futur. Ce qui émerge, en effet, des analyses, confessions et témoignages concernant les stress post-traumatiques, nous le savions déjà. C’est que rien ne sera jamais plus comme avant pour ses vies peut-être moins « fracassées » que marquées au fer rouge de la texture de l’évènement. Que « plus ne sera jamais comme avant », qu’un feu d’artifice, un mouvement de foule peut à tout moment réactiver en live l’effroi et le drame. On le sait bien, on y pense et puis bien souvent on oublie ce lien fondamental entre ce qu’il s’est passé et ce qu’il se passe dans la tête d’une victime, en quoi ce qui a été est toujours réel et ne demande qu’à se réveiller.
Ainsi, il s’agit moins de se dire que le bateau, battu par les flots, ne sombre pas (fluctuat nec mergitur), mais que nous avons carrément changé de bateau (nova navis est). Les victimes du 13 novembre, envisagées largement, sont les dénominateurs communs de toutes les victimes de stress post-traumatique, victimes de violence familiale, de viol en particulier, qui se débattent avec les mêmes démons. Bien sûr, on les entend elles aussi, souvent, mais peut-être ne prend-on pas la pleine mesure de la brisure du temps qu’elles incarnent, dans leur esprit et dans leur chair. Peut-être ne prend-on pas la mesure de cette coloration psychique qui agit sur les comportements, les affects et qui touche une partie significative de la population ? Ainsi, faire entrer le 13 novembre dans le paysage mémoriel français, au même titre ou presque que les cérémonies du 11 novembre (fin de la première guerre mondiale de 1914) ou du 14 juillet (prise de la Bastille de 1789), c’est sans doute prendre acte en quoi le traumatisme national ne va pas sans post-traumatisme et que celui-ci fait partie intégrante de la future santé mentale de la nation. En ce sens, le célébrer, le faire savoir et « prendre soin » de cette réalité, c’est peut-être déjà, essayer de mieux nous connaître et de réfléchir en quoi cette vulnérabilité particulière peut aussi être un atout, une fierté pour la suite de l’histoire.