Le Festival des Cultures juives installe les itinérances au coeur de la vie culturelle parisienne du 15 au 29 juin. Programmée le 19 juin au Théâtre des Abbesses, avec Soul of Yiddish, Noëmi Waysfeld nous parle en interview de racines, de métissage et de voyages musicaux…
Alors qu’elle vient de sortir Le Temps de rêver, un disque de musique française avec le quatuor Dutilleux chez Sony, Noëmi Waysfeld poursuit ses itinérances à travers les différents répertoires qu’elle nous a transmis. Et notamment Soul of Yiddish paru en 2021 chez AWZ records et qui se présente comme un voyage. C’est ce répertoire qu’elle partage avec nous le 19 juin au Théâtre des abbesses, dans le cadre du Festival des Cultures Juives.
Mes parents sont nés en 1945. C’est une génération d’écart avec l’âge des parents de mes amis. J’ai grandi dans une famille ashkénaze qui s’est assimilée très fortement dans laquelle ce qui compte, c’est de ne pas trop se faire remarquer avec, également, l’exigence de la culture et de la littérature et l’honneur d’être français et de parler français. Nous célébrions les principales fêtes et ce que je préférais à la synagogue – nous allions à la Victoire, – c’étaient les chants, pas la religion. En même temps, je me sentais tellement pleine de mémoires : à 20 ans, j’étais plus grave qu’aujourd’hui. J’ai choisi le russe en 3e langue et étudié le yiddish à l’université. Découvrir ces langues d’Europe de l’Est et leur musique a été une libération et une terre de résonance. J’ai pu les raccrocher à mon histoire. J’ai monté le groupe Noëmi Waysfeld & Blik et sorti un premier disque en 2012 autour des chants de prisonniers sibériens. Je prépare mon septième album actuellement, et je peux dire aujourd’hui que ce j’ai construit dans ma vie, mes découvertes musicales, ce sur quoi j’ai travaillé cohabite avec mes racines, ma quête identitaire, mon héritage.
Je me sens dans l’alliance, complètement juive d’appartenance, en revanche je ne suis pas d’accord avec le fait que l’on m’identifie comme “chanteuse yiddish” (ce qui ne veut pas dire grand-chose) parce que je chante dans cette langue… Quand je chante en russe, je ne deviens pas l’ambassadrice du chant russe ! Je circule entre les langues. Et je ne peux pas vivre sans Schubert surtout… Alors que je suis profondément habitée par mon histoire familiale, par des fantômes immenses et un sentiment de déracinement, ce qui m’importe le plus c’est de travailler ma voix et de progresser constamment. Et de me frotter à des domaines nouveaux sans cesse.
Je dois avouer que cela ne me coûte pas du tout. J’ai vraiment l’habitude de jongler entre plusieurs répertoires, et de garder à la scène tant que cela a du sens plusieurs de mes projets. À chaque fois que j’en chante un, je fais le vœu de le rechanter encore et encore. Je travaille tellement mes répertoires qu’avec quelques répétitions seule et avec les musiciens, en réécoutant plusieurs fois le répertoire, cela revient vite. Juste de l’organisation et de la rigueur !
Soul of yiddish rassemble des chants que je connais depuis l’enfance, mais qui tous portent une nouvelle empreinte. Il est à chaque fois question d’envol, de transformation possible, d’espoir. Par mes rencontres, mes collaborations, mon expérience, c’est un yiddish lumineux, solaire. Je dirai même sensuel. Aborder cette langue surtout par le prisme de la fantaisie de sa poésie, par les images multiples qu’elle comporte, par la vie qu’elle raconte. Comme si j’avais un peu posé les bagages de l’exil.
Pour Le temps de rêver, nous nous sommes rencontrés sous l’impulsion du chef d’orchestre Pierre Bleuse. Deux des membres du quatuor Dutilleux (Thomas Duran et David Gaillard) ont réalisé de superbes arrangements, nous permettant de passer de la mélodie française à la chanson sans ruptures.
Pour Soul of yiddish j’ai confié la réalisation de l’album au guitariste Kevin Seddiki.
Même si oui il y a des racines ashkénazes qui se promènent, qui nous donnent un sentiment familier, d’évidences communes, nous ne sommes pas tous juifs, et c’est très bien ! Je crois que ce qui nous unit c’est une ouverture sur le monde, une curiosité de l’autre, et un amour infini pour La Musique que nous aimons, classique, jazz, world. Chacun apporte son histoire, son excellence.