Du 13 au 16 Juin 2024, le Lille Piano(s) Festival se consacrait à Mozart. Un festival en «format marathon», année olympique oblige. Ainsi nous ont été proposés quinze concertos, l’intégrale des sonates pour piano, et une transcription pour voix et piano du Requiem de Mozart.
Pour Jean-Claude Casadesus, «le piano est une irremplaçable galaxie d’émotions, une incomparable palette harmonique aux infinies possibilités». Un amour du piano qui n’étonnera pas de la part du chef historique de l’Orchestre National de Lille et du fondateur du festival dont nous célébrons la vingtième édition.
Malgré leur apparente simplicité, les sonates de Mozart nécessitent de l’interprète, élégance et perfection. Le pianiste allemand Herbert Schuch a voulu les jouer en intégralité lors du festival. Dix huit sonates, un travail de titan, une performance olympique!
Nous l’entendons dans la salle richement décorée du Conservatoire de Musique de Lille fondé en 1803. Son interprétation des sonates de Mozart paraît particulièrement juste, équilibrée, alliant élégance, sobriété et sensibilité. Sa virtuosité, la légèreté de son jeu apparaissent dans l’Allegro initial de la sonate N°3, une œuvre de jeunesse écrite à l’âge de 18 ans. L’expressivité d’Herbert Schuch se dévoile dans l’Andante de la sonate N°9. Il s’agit d’une magnifique romance, pleine de tendresse. La mélodie est très émouvante, les pianissimos remarquables. Composée en 1789, la 17ème sonate est plus tardive. Une œuvre lumineuse, limpide, d’une grande pureté musicale. Le pianiste parvient à nous faire ressentir ce savant équilibre entre légèreté et gravité. L’adagio est une rêverie presque douloureuse qui annonce le romantisme alors que dans l’allegro final nous retrouvons la légèreté, la joie malicieuse si séduisantes chez Mozart.
Ce soir, au Nouveau Siècle, à Lille, dans la salle de concert qui porte son nom, Jean-Claude Casadesus dirige l’Orchestre National de Lille. Un orchestre qu’il a fondé en 1976 et dont il reste le chef historique. Malgré ses 88 ans, il conduit l’orchestre avec énergie, dynamisme, vigueur dans les trois derniers concertos de Mozart.
Le pianiste franco-libanais Abdel Rahman El Bacha interprète les 25ème et 26ème concertos. Dès l’allegro en do majeur du 25ème concerto, l’élégance, la sobriété la délicatesse du jeu du pianiste sont évidentes. Chaque note paraît détachée, cristalline. Il reste impassible pendant que les accents de l’orchestre, ses accords répétés annoncent la musique symphonique de Beethoven. La douceur et la tendresse dominent l’Andante. La beauté de cette mélodie est valorisée par la sensibilité d’Abdel Rahman El Bacha. L’auditeur sera séduit par les duos de la flûte et du piano.
Le 26ème concerto dit du couronnement, dédié au couronnement de l’Empereur Léopold II n’y sera pas joué, au grand désespoir d’un Mozart alors en désamour. C’est une musique joyeuse, festive. Le rythme soutenu, la vélocité, les vagues de notes qui entraînent l’auditeur dans cette fête, soulignent la virtuosité du soliste. Alors que sa sensibilité, sa délicatesse nous émeuvent dans le larghetto. Nous sommes bercés par cette belle mélodie qui se répète pour notre plus grand plaisir.
Puis l’Orchestre National de Lille et le jeune pianiste français Adam Laloum interprète le 27ème, l’ultime concerto de Mozart, composée l’année de sa disparition. Un chef d’œuvre «baigné de lumière tamisée, alliant sérénité, tendresse et mélancolie». Changement de piano, changement de soliste, changement d’ambiance aussi. Le jeu d’Adam Laloum paraît très fluide très fondu, très expressif aussi donnant à l’œuvre une atmosphère pré- romantique. La douceur, la suavité de son toucher apparaissent dans les pianissimos. Après une longue introduction orchestrale le soliste, dans le premier mouvement nous entraîne vers une balade printanière presqu’ insouciante. La simplicité et la beauté de la mélodie du Larghetto sont très émouvantes. Comme l’écrivait Olivier Messiaen, «il est éclairé par la lumière du soleil couchant derrière laquelle on devine la naissance d’une autre lumière». Dans l’allegro final, dans cet ultime mouvement, Mozart semble saisi par la grâce, par une certaine joie, par l’espoir certainement. Par l’apaisement aussi, malgré ses immenses difficultés.
Treize concerts sont répartis dans la ville, au Nouveau Siècle, au Conservatoire, à la Gare Saint Sauveur, à la Cathédrale Notre- Dame de la Treille. Lille Piano(s) festival est un événement culturel majeur qui a accueilli 13000 festivaliers. Il rend hommage au si riche répertoire pour piano de Mozart ainsi qu’à son grand chef fondateur Jean-Claude Casadesus.
Visuel(c): JMC