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« Martha » de Flotow à Francfort : comment rajeunir avec succès une œuvre un peu surannée

par Helene Adam
14.11.2023

L’opéra de Francfort reprend sa mise en scène joyeuse et plaisante de Martha, l’œuvre lyrique légère de Friedrich Von Flotow, pour quelques séances à l’approche des fêtes. C’est la garantie d’une bonne soirée de détente.

Un romantisme joyeux façon opérette, très daté

Martha, oder Der Markt zu Richmond (Martha, ou Le Marché à Richmond) est un « opéra comique romantique » en quatre actes de Friedrich von Flotow. Le livret en allemand est de Friedrich Wilhelm Riese. L’intrigue est assez mince et surtout prétexte à déployer des thèmes romantiques un peu mièvres, avec force de danses, de chœurs à l’unisson, de duos d’amour et d’arias langoureuses.

À l’origine, Flotow avait composé un ballet avant que ce dernier ne se transforme en opéra. L’œuvre de Flotow, créée en 1847 à Vienne, connut un grand succès, reçut même les éloges de Wagner et sa notoriété dépassa le vieux continent lorsqu’en 1906, Enrico Caruso immortalisa les airs du héros Lyonel, en les chantant en italien, au Metropolitan opera de New York. Dès lors la célèbre aria « Martha, ach, so from » que les grands ténors germanophones ont encore aujourd’hui à leur programme de récital, devenait « M’appari tutto amor », l’un des plus célèbres enregistrements de la première vraie superstar de l’opéra. Mais il faut bien le dire, l’œuvre avait quand même été très relativisée par la suite, voire été tombée dans un relatif oubli.

Une mise en scène drôle et rafraichissante

Martha, gentille bluette au dénouement très convenu, reste un agréable moment de détente quand l’œuvre est mise en scène de façon ludique, avec une direction d’acteurs dynamique, quelques trouvailles astucieuses et beaucoup d’humour.

C’est au cours de la saison 2016-2017 que l’Opéra de Francfort créée cette nouvelle production, réalisée par Katharina Thoma avec les décors de Etienne Pluss et les costumes de Irina Bartels. Il s’agissait clairement pour la maison de réhabiliter cette « Martha », qui appartient incontestablement au patrimoine germanique de l’opéra.

Saluée par la critique, cette réalisation est toujours d’actualité et remplit régulièrement la salle depuis lors. En choisissant de moderniser un thème très dépassé – voire politiquement assez incorrect désormais – par le truchement d’un humour très débridé, humour qui rend l’histoire aussi peu vraisemblable que ces vieux contes éternels que sont Cendrillon ou Blanche-Neige, Katarina Thoma permet que l’on adhère, pour s’amuser, à cette histoire de jeunes filles nobles allant s’encanailler au marché de Richmond où les filles peuvent se vendre comme servantes auprès des paysans locaux. Nos deux oies blanches se déguisent, changent de noms, s’amusent et sont bientôt prises au piège de l’amour auquel elles résistent avant de succomber, le mariage du roturier Lyonel avec la dame d’honneur de la reine, Lady Harriet, n’étant rendu possible que par la découverte fortuite de la vérité concernant la naissance de Lyonel.

Décors et costumes très réussis

Ces « aventures » sont le prétexte d’un très beau déploiement de costumes folkloriques, des « dirndl » de toutes sortes et de toutes couleurs, y compris dans un tissu écossais qui évoque le véritable lieu de l’action : Richmond en Grande-Bretagne. Ce sera aussi le cas du costume du grand dadais de Sir Tristan Mickleford, le cousin de Lady Harriet. Ce mélange des genres et des styles, fleure bon la comédie, parti pris clair du spectacle, qui multiplie les clins d’œil comiques tout en soignant les nombreuses scènes de foule, très élégamment chorégraphiés (par Michael Schmieder) et elles aussi, prétexte à un déploiement des costumes très réussis.

Le rose de l’ingénuité des demoiselles domine, les paysans portent de grosses bottes de caoutchouc, le compagnon de Lyonel, Plumkett arborant même un improbable pull tricoté main représentant un paysage, les décors et accessoires glissent sur le plateau régulièrement modifiant la scénographie et le décor, le tout dans la même grande salle aux murs lambrissés. La hauteur des lambris surmontés d’une tapisserie bourgeoise est démesurée par rapport aux différentes petites scènes qui vont s’intégrer au fur et à mesure du récit, salon d’essayage de Lady, bar à bière du Richmond, voiture puis caravane façon années 60, qui représente la demeure de nos paysans que les filles doivent nettoyer, et qui sert de prétexte là aussi à quelques gags. Sans oublier la balançoire des enfants ou la représentation de la reine descendant des cintres, revêtue d’un long manteau d’hermine. Comme si le décor était une gigantesque maison de poupées, propice à raconter un conte de fées. Et cette « distance » fait mouche.

On s’amuse beaucoup, le public rit souvent et personne ne se prend très au sérieux même si l’émotion distillée par la peine du ténor éconduit, trompé et si amoureux, nous touche le temps de ses belles lamentations.

Musicalement très enlevé

L’orchestre de l’opéra de Francfort, sous la direction énergique du jeune Victorien Vanoosten, épouse sans problème le caractère ludique donné par la mise en scène, parvenant même à alléger une Ouverture parfois un peu trop solennelle et qui se termine curieusement en mode mineur alors que l’opéra se termine très bien par le double mariage attendu. Chœurs et orchestre rivalisent pour donner une tonalité proche de l’opérette, retenant l’attention du public à tout instant, offrant un son de cordes soyeuses à la manière viennoise lors des scènes de danse, accompagnant avec brio les nombreux arias des solistes, leurs duos, trios, quatuor virtuoses tout comme les ensembles réussis et entraînants qui voient tous les protagonistes, chœurs compris, reprendre les nombreux thèmes. L’air de la « dernière rose », tiré des « Irish melodies » de Thomas More, que Flotow a intégré comme l’un des thèmes de son œuvre, est ainsi particulièrement bien valorisé.

La belle équipe

On retiendra surtout les excellentes performances scéniques des chanteurs solistes qui se démènent littéralement tout au long de la représentation pour faire vivre de manière presque débridée, cette aventure rocambolesque.

Le rôle-titre tenu par Monika Buczkowska, charmant et très charismatique sur scène, n’est pas totalement satisfaisant sur le plan vocal du fait de difficultés récurrentes dans les aigus, trop « lancés », parfois stridents, et pas toujours tout à fait justes. C’est dommage, car l’artiste a beaucoup de présence et l’ensemble de sa prestation est plutôt bien menée, mais la partition a ses exigences qui ne sont pas tout à fait remplies.

La mezzo-soprano Anna-Katharina Tanauer qui remplaçait Katharina Magiera, souffrante, en Nancy, est, quant à elle, tout à fait à la hauteur de son rôle, déployant un très beau timbre solide dans le medium, avec beaucoup de nuances et de couleurs.

Quelques menues réserves concerneront aussi le ténor américain AJ Glueckert, dont la voix met un peu de temps à se chauffer et à s’affirmer dans les aigus, parfois pincés, et qui, ensuite, fait preuve d’une vaillance admirable notamment dans le long plaidoyer en forme de prière « Mag der Himmel Euch vergeben », et se sort très honorablement de son air le plus célèbre « Ach so from ». Il n’a cependant pas le timbre idéal pour incarner le héros romantique qu’est Lyonel.

Le baryton Erik van Heyningen, est un très bon Plumkett, très « nature », exactement comme on l’imagine, un peu bourru, très réaliste et bon enfant. La voix est belle et ductile, l’artiste à l’aise sur toute sa tessiture. Il vient de l’opéra de Vienne et a intégré récemment la troupe de Francfort. Membre de la troupe lui aussi, le baryton Sebastian Geyer incarne un très bon Lord Tristan Mickleford, comique et bien chantant. Quant au vétéran de la maison, le baryton Franz Mayer, qui chante le juge, il est tout particulièrement salué à juste titre, comme la mémoire de la maison qu’il a intégrée en… 1977 !

La représentation a été très chaleureusement et immédiatement applaudie dès les derniers accords de cette happy end. La belle exécution de la musique de Flotow alliée à une intelligente mise en scène permettant de voir une histoire très surannée comme un simple divertissement « pour de rire », ont eu raison des réticences qui avaient conduit l’œuvre au placard. L’opéra de Francfort a su lui donner un lustre moderne qui plait.

Martha de Friedrich Von Flotow 1812–1883 – Reprise à l’Opéra de Francfort du 11 novembre au 22 décembre 2023

Visuels : © Barbara Aumüller