Aux côtés de l’Orchestre national de Lyon, sous la direction de Dirk Brossé, Rone a offert à la Philharmonie une sublimation grandiose de son répertoire. Acteur phare de la scène électronique française, l’artiste continue de repousser l’horizon de ses créations, illuminant les passerelles entre le cinéma, la danse, la littérature, les compositions classiques et les musiques synthétiques.
Compositeur de génie, musicien autodidacte, chevalier des Arts et des Lettres, détenteur du César de la meilleure musique originale 2021… Depuis la sortie de son premier EP Bora en 2008 et de l’album Spanish Breakfast l’année suivante, Rone n’a cessé d’enrichir son univers, séduisant à juste titre un public de plus en plus dense comme en témoigne la salle comble de la Philharmonie de Paris, deux soirs de suite. Mais au-delà du nombre, la prouesse réside ici dans l’union d’auditeurs hétéroclites permise par le dialogue entre les instruments classiques et les machines analogiques. Aussi, la création électro-symphonique L(oo)ping porte en elle l’unité des arts et une philosophie de la rencontre, mais surtout des variations merveilleuses et des émotions démesurées.
– Rone
Création électro-symphonique : Rone tend une nouvelle corde à l’arc des arts
Six albums studio en à peine plus de dix ans et plusieurs tours du monde sur les plus grandes scènes, la carrière de Rone n’est pas néanmoins une ascension linéaire le long d’abscisses purement électro. Elle est un tourbillon irrésistible, une succession d’acrobaties aériennes, de tours et de détours à la croisée de plusieurs sentiers artistiques. Si sa musique est faite de boucles répétitives, il en varie constamment le diamètre pour épouser les courbes du cinéma de Jacques Audiard (Les Olympiades) et de Frédéric Farrucci (La Nuit venue) ; les corps des danseurs du Ballet national de Marseille (Room With A View) ; et les variations d’autres musiciens, tels qu’Odezenne, Yael Naim, Dominique A, Jehnny Beth, Jean-Michel Jarre, …
Une première occasion – précipitée plutôt que manquée – de s’aventurer en terres symphoniques s’était offerte à Rone en 2017. La Philharmonie de Paris lui proposait alors de se produire avec un orchestre. Musicien et compositeur autodidacte qui confesse « n’avoir jamais su lire une partition », Rone préfère remanier le projet en un concert évènement avec le trio Vacarme et des invités parmi lesquels François Marry, John Stanier et Alain Damasio. Avec L(oo)ping, Rone finit par tenter cette « acrobatie vertigineuse dans un monde qui [lui est] étranger », « ce « looping » en apesanteur où [ses] machines feraient corps avec l’Orchestre national de Lyon ». Avec l’aide du compositeur et orchestrateur Romain Allender et de l’artiste électro Cubenx, Rone a alors imaginé un dialogue entre son univers musical et l’orchestre symphonique…
Farandole grandiose où les muses dansent main dans la main
Présentée pour la première fois en juin 2021, à l’Auditorium de Lyon, cette collaboration avait gagné les oreilles et les ovations du public. Avec l’Orchestre national de Lyon, dirigé par Dirk Brossé et accompagné par la pianiste Vanessa Wagner, Rone en propose une version affinée en décembre 2022, en annonçant plusieurs autres dates. Aussi, trois jours après la sortie de l’album L(oo)ping, la Philharmonie a accueilli ce dialogue grandiose entre acoustique et électronique. Une création à la hauteur de la grande salle Pierre Boulez. À moins que ce ne soit l’inverse… Quoi qu’il en soit, cette salle, première étincelle du projet, en a récolté l’aboutissement étincelant.
Suivant la baguette de Dirk Brossé, l’Orchestre transfigure les morceaux phares de Rone dans un échange équilibré où les différences deviennent complémentarités. Si, a priori, ces deux univers peuvent être jugés parallèles, leur collision harmonieuse donne ici naissance à une dimension infinie. Cette expérience fascinante a été, entre autres, permise par le talent d’interprète de Romain Allende, qui a retranscrit les compositions électroniques en partitions, donnant un langage commun à ces deux étrangers. Il démontre ainsi qu’il y aura toujours des ponts et des miroirs entre les arts, que la musique se (re)compose, se (re)tisse et se (re)construit incessamment.
« Il était une soif, l’eau est le nouvel or »
Les morceaux des albums Creatures, Mirapolis et Room With A View se succèdent dans une danse élégante entre la rêverie solitaire et l’expression unanime. Dans ce voyage, cette « narration avec ses passages sombres et d’autres plus lumineux, des envolées grandioses et des moments d’intimité », le public est transporté dans une quête collective, semblable à celle des personnages du roman La Horde du Contrevent (2004). La voix de son auteur, Alain Damasio, habitait le morceau « Bora Vocal » de l’EP éponyme de Rone. Et ce soir, quel honneur d’en entendre la puissance brute, l’expression directe, sans concession, de voir l’écrivain sur la scène de la Philharmonie. Romain Allender et Rone n’ont pu oublier ce morceau fétiche, mettant en musique un extrait du journal intime de l’auteur, qu’il tenait sur un dictaphone lors de l’écriture de son second livre, devenu une référence du roman d’anticipation.
Après trois rappels et avoir souhaité l’anniversaire de Rone, Alain Damasio clôture cette soirée exceptionnelle avec un texte de soutien aux Soulèvements de la Terre intitulé « Le vivant qui se défend ». Texte aussi émouvant que nécessaire, à l’heure où le gouvernement a acté la dissolution de ce mouvement citoyen qui s’élève contre l’accaparement des biens communs et l’artificialisation des terres. Devant cette décision politique, un appel se murmure et se fédère depuis hier : « Ce qui repousse partout ne peut être dissous »… Si L(oo)ping témoignait de la symbiose entre les machines électroniques et les instruments classiques, les Soulèvement de la Terre expriment celle, essentielle et fondamentale, qui lie à jamais les Hommes et la Terre, rappelant à ceux qui l’oublient que les devenirs de l’un et de l’autre sont inextricablement liés.
Vous êtes, nous sommes, les Soulèvements de la Terre.
L’album L(oo)ping, à écouter ici !
Le concert sera disponible sur Arte ce 23 juin à 20h : à voir ici !
La prochaine date à l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège : à vivre ici !
Distribution