« Life is a movie » : Laurent de Wilde fait son cinéma au Sunside

Un nouvel opus flamboyant

Chemise à motifs de rigueur, sourire aux lèvres et joie communicative, Laurent de Wilde nous apparaît en grande forme sur la scène du Sunside avec ses musiciens Jérôme Regard et Donald Kontomanou. Si ces derniers ont préféré l’élégance discrète d’une tenue sobre, arborant chemises noires et pantalons assortis, c’est dans leur jeu qu’ils ont choisi d’exprimer toutes les couleurs musicales du jazz.   

Déjà dix ans que le trio joue ensemble et les voici donc de retour avec un nouvel opus flamboyant intitulé Life is a movie. Neuf titres inspirés, neuf pépites déjà incontournables, qui nous réchauffent le cœur et enchantent nos oreilles. 

L’océan en musique ?

Le concert démarre avec « La vague », une composition du pianiste, dont les doigts ondulent sur le clavier et créent instantanément un mouvement. Les riffs se font progressivement plus intenses. Les graves s’installent et étoffent la matière. Cadence hypnotique. La contrebasse fait résonner les notes dans une nouvelle dimension. Les percussions impulsent une rythmique envoûtante. C’est vrai que l’on croirait entendre la mer avec ses flux et ses reflux, dans un crescendo majestueux. La bémol, mi bémol, ré bémol en boucle. L’effet est saisissant et embarque d’emblée le public. Comme un chuchotement à l’oreille, le toucher se fait alors plus doux et l’on devine le clapotis de l’eau avec ces itérations de notes dans les aigus. 

Conversation musicale entre Adam et Eve 

Par le truchement d’un système D à la patafix collée sur les cordes du piano, Laurent de Wilde nous fait ensuite voyager dans le temps et imagine un dialogue ouaté kora/balafon entre Adam et Eve. « S’ils étaient musiciens, ils devaient produire ce genre de musique », nous dit-il. Les sons étouffés du piano créent un climat intime, velouté, oriental. Les sonorités sont réinventées et transforment le piano en un instrument mystérieux et évocateur. La contrebasse surenchérit avec des pizzicati feutrés ajoutant une texture particulière à la musique. La rythmique résonne, métallique et brillante, et les balais brossent les cymbales, tout en nuances sacrées. 

« Back on the beat »

Puis, nous basculons dans une rythmique exaltante. Ça swingue, ça groove, ça pulse, ça balance. « Back on the beat » provoque irrémédiablement le mouvement des corps. Les pieds frappent la cadence au sol, les épaules frétillent, les têtes dodelinent en rythme. Accélération du tempo, impulsion vitale dans les touches du clavier, accords savoureux. Joie de vivre à l’état brut. Le pianiste nous parle carrément d’« élation », de cet état d’excitation euphorique intense, vécu après s’être remis debout suite à un accident de moto l’ayant privé de ses jambes pendant des mois. 

Un final en beauté avec Monk

Le deuxième set nous offrira à tour de rôle des solos magistraux de batterie, de contrebasse, de piano. Nous aurons la chance d’écouter en live « Easy come easy go », « Get up and danse » ou encore « Inner roads » mais surtout les musiciens nous feront l’immense cadeau de jouer une version phénoménale de « Round Midnight » avec cette rythmique géniale qui continuera longtemps de résonner dans nos têtes.

Comme Monk, Laurent de Wilde réinvente le temps dans sa musique, diffuse une pulsation personnelle identifiable, joue avec les silences et crée un climat unique où l’on se sent bien. 

Un concert dont on se souviendra longtemps.