Le 17 juillet 2024, au Corum, Opéra Berlioz de Montpellier, l’Orchestre National Montpellier Occitanie interprète le Stabat Mater de Gioachino Rossini sous la direction de Clelia Cafiero, dans le cadre du Festival Radio-France Occitanie Montpellier.
Stabat Mater dolorosa: initialement il s’agissait d’un poème attribué au moine et poète du 13ème siècle Jacopone da Toti. Il exprime la douleur de la Vierge Marie lors de la mort du Christ. Très populaire au moyen âge, le texte va être intégré à la liturgie catholique et inspirer de nombreux musiciens.
Le Stabat mater de Rossini a sa propre histoire. Échec de son dernier opéra, séparation avec son épouse, en 1830 Rossini âgé de 38 ans arrête de composer. Surtout qu’il n’est plus le musicien de roi depuis la destitution de Charles X. En 1831, un ecclésiastique espagnol lui commande un Stabat Mater. La composition est interrompue par la maladie et l’œuvre ne sera achevée qu’en 1842. Cela sera un triomphe à Paris puis à Bologne. Rossini a mis à profit son expérience de l’opéra pour réaliser ce chef d’œuvre à la fois religieux et lyrique. Il sera ce soir interprété par l’Orchestre National de Montpellier Occitanie sous la direction de la jeune cheffe napolitaine Clelia Cafiero. Philosophe, pianiste à la Scala de Milan de 2013 à 2019, elle entame alors une carrière de cheffe d’orchestre. Menue, vive, elle dirige avec dynamisme et énergie. Elle communique son bel enthousiasme à l’orchestre et au public.
Deux chœurs sont réunis ce soir sur scène: le chœur de l’Opéra National de Montpellier et le chœur de l’Opéra National du Capitole de Toulouse. Les chœurs alternent puissance et douceur. Comme dans le premier tableau Stabat Mater Dolorosa: les hommes puis les femmes chantent une douce consolation. Lors du 5ème tableau Eia, mater, fons amoris le chœur d’hommes chante à capela dialoguant avec la profonde voix de basse de Michele Pertusi. A la colère de la basse répond la douceur, le réconfort du chœur. Un moment musical très pur, très émouvant.
Les solos nous font découvrir les quatre solistes. Le ténor allemand Magnus Dietrich nous offre un chant très lyrique, sa voix est suave, sa tessiture étendue. L’auditeur sera séduit par la voix de basse de Michele Pertusi: ample, grave, profonde, elle donne à son chant une dimension sacrée. La mezzo-soprano française Gaëlle Arquez est née à Saintes en 1983. Très expressive, sa voix est presque celle d’une soprano. Elle est douce, chaleureuse et nous fait rêver en particulier quand elle chante à capela. La soprano Pretty Yende est née en 1985 dans un Township sud-africain. Elle remporte à 16 ans un concours de chant qui lui permet d’accéder à une formation musicale à l’université du Cap. Elle débute une carrière internationale en 2009. Ce soir elle brille par la puissance, l’aisance de sa voix enchanteresse. Et puis ils chantent ensemble tous les quatre, leurs voix sont en parfaite symbiose. Le Quando corpus morietur est un moment de pure émotion. Les quatre solistes sont à capela, de leur chant émanent une grande tendresse, une sérénité retrouvée
Cette grande œuvre vocale, est aussi une authentique symphonie. La musique de Rossini est colorée, chatoyante, séduisante. L’orchestration est très riche, pleine de surprises, de ruptures. La puissance de l’orchestre symphonique s’y déploie pleinement. On pourra admirer le solo de basson initial, très pur. Un orchestre qui nous procure des émotions contradictoires, la sensualité comme la violence, l’effroi comme la consolation. La joie domine mais le tragique n’est jamais loin. Le roulement des timbales, l’éclat des cymbales sont stupéfiants faisant penser à la déchirure d’une mère mais aussi à celle du voile du temple lors du vendredi saint.
La fin du Stabat mater, In sempiterna saecula est spectaculaire. Ensembles les chœurs et l’orchestre sont grandioses. L’auditeur sera gagné par l’enthousiasme de l’orchestre et de sa cheffe dans cette marche glorieuse, triomphale, symbole de la résurrection et de la victoire du christianisme. On entend à nouveau le chant du basson, des «Amens» sont posés avec douceur avant l’apothéose finale.
Ce fut un grand succès. Un concert spectaculaire au service d’une œuvre somptueuse. Un bis nous a permis d’entendre à nouveau le si beau Quando corpus Morietur.
Visuel(c): JMC