« Le Roi qui n’aimait pas la musique mais qui tombait amoureux », deux récits en images pour un premier dimanche en Famille

par Helene Adam
06.10.2025

En famille et dans la bonne humeur, le Théâtre des Champs-Élysées inaugurait une série de spectacles de qualité destinés aux petits (et à leurs parents), avec deux contes de Lainé et Beffa, destinés à valoriser le rôle de la musique tout en rendant hommage à Joséphine Baker qui fit ses débuts dans cette salle il y a cent ans. Belle réussite !

Deux contes délicieux

Karol Beffa est tout à la fois pianiste et improvisateur, compositeur, auteur de musique de cinéma ou d’accompagnement en particulier, mais aussi grand musicologue du temps présent.

Il a écrit cette musique ludique et remplie de fraîcheur qui se fait inquiétante ou menaçante selon les épisodes pour illustrer, à l’aide d’une petite formation de chambre, ces belles histoires imaginées par Mathieu Laine et destiné aux petits. Quelques traits classiques avoisinent avec un ensemble plutôt moderne, qui devient très jazzy dans la deuxième partie, avec un swing qui incite le public à remuer en cadence. Notons également deux extraits d’airs célèbres d’opéra (Carmen et la Barcarolle des Contes d’Hoffmann), clins d’œil très amusants.

Louis Thomas a, quant à lui, croqué de quelques traits de couleur, les personnages, fort bien caractérisés par sa plume, pour les deux livres complets (avec CD) édité par Gallimard et qui servent de support à ce spectacle, le premier des « dimanche en Famille » du Théâtre des Champs-Élysées.

Les deux contes se suivent et mettent en scène une petite communauté imaginaire vivant dans une oasis en plein désert et occupée à faire de la musique toute la journée. Le seul qui ne joue d’aucun instrument, c’est le roi, d’ailleurs c’est pour cela qu’on l’a nommé roi pour lui trouver une occupation. Un voyageur arrive d’on ne sait où, se passionne pour le petit orchestre et devient le public fidèle de ses exploits. Mais, on le sait, nous les grands, l’occasion fait le larron et notre Roi, jaloux et assoiffé de pouvoir (comme tous les rois) devient soudain autoritaire et interdit la musique à ses sujets. Consternation…rien ne va plus.

Heureusement une femme lumineuse venue à dos de dromadaire, va apporter un instrument pour le Roi, un petit tambour (cela va bien à un roi) et pour le voyageur, une petite flûte pour charmer le roi. Et tout rentre dans l’ordre. En deuxième partie, la petite troupe par en exploration et arrive à New York après un périple épique (et fort amusant) pour rencontre les clubs de jazz, de swing et notamment la grande Joséphine (Baker). Mélange des musique, histoire d’amour, harmonie, tout est bien qui finit bien.

Petit orchestre et images

La qualité du spectacle au regard du livre que, sans doute, beaucoup d’enfants ont déjà lu et/ou écouté, repose sur la présence sur scène du petit orchestre de chambre avec chacun des instrumentistes, Karol Beffa lui-même au piano, Geneviève Laurenceau au violon, Antoine Pierlot au violoncelle, Paul Meyer à la clarinette.

Il faut juste, pour les enfants, prendre la distance nécessaire entre la représentation du personnage (le violoncelliste de l’histoire est « gros » par exemple) et la réalité de celui qui joue. Mais les dessins projetés sur grand écran au-dessus des musiciens, permet de s’y retrouver sans mal. Et c’est Aline Afanoukoé qui raconte, fort bien, l’histoire au fur et à mesure pour que chacun puisse suivre les péripéties de nos amis.

Deux fois trente minutes est un format adéquat pour l’attention des petits et l’on est impressionné par leurs mines captivées face à la découverte d’un monde à la fois étrange et sympathique auquel ils adhèrent sans réserve.

L’ovation finale fait un peu regretter le fait que les enfants n’aient pas été davantage sollicités au cours même du spectacle car il est évident que le jeune public aime s’exprimer collectivement.

Et les remarques faites en chuchotant par les tout-petits sont souvent pleines de bon sens : va-t-on voir des dromadaires sur la scène ? Pourquoi les musiciens jouent encore alors que le Roi a interdit la musique ? Et j’en oublie…

Deux livres en images et audio chez Gallimard

Pour compléter la joyeuse après-midi on pouvait se faire dédicacer les deux ouvrages sortis l’an dernier où les histoires sont racontées respectivement par Patrick Bruel et Guillaume Gallienne, tandis que la partie instrumentale réunit Karol Beffa, Renaud Capuçon, Paul Meyer et Edgar Moreau. Ne serait-ce que pour les dessins malicieux où les personnage sont si joliment croqués, il faut se les procurer ! C’est un deuxième plaisir pour ceux qui ont aimé le spectacle et cela permet d’approfondir les choix littéraires et musicaux de cette belle réalisation.

Favoriser l’accès du jeune public à la musique

Le Théâtre des Champs-Élysées a développé depuis plusieurs années maintenant l’opéra pour les enfants, adaptant des grands classiques pour permettre à un très jeune public de se familiariser avec l’art lyrique. La « Flûte enchantée » de Mozart puis l’ « Elixir d’amour » de Donizetti, ont ainsi fait l’objet d’astucieuses transformations. L’œuvre est raccourcie, certaines scènes sont supprimées et le tout est donné en français, mais le fil dramatique et les grands airs sont conservés. Et surtout, les enfants sont préparés, soit dans leur famille, soit à l’école, à chanter avec les solistes et/ou les Chœurs, une demi-douzaine de morceaux qu’ils apprennent très facilement d’ailleurs et qu’ils peuvent répéter lors de séances spéciales du dimanche matin avant les représentations.

La prochaine saison verra l’adaptation du Roméo et Juliette de Gounod selon le même format.

Mais d’autres spectacles sont prévus pour les enfants au cours de la saison : « L’Apprenti sorcier », présenté comme « Un concert hanté et pimenté à la sauce Halloween » pour deux séances le 2 novembre, « Babar et le Père Noël », d’après l’album écrit et dessiné par Jean de Brunhoff le 14 décembre, « Pierre et le Loup » le 18 janvier, le « Carnaval des Animaux » le 22 mars.

Le succès de ces initiatives de qualité à prix raisonnable, prouve qu’il existe une soif de musique que rien ne saurait interdire ! Espérons-le !

Le Roi qui n’aimait pas la musique
Le Roi qui tombait amoureux de Joséphine

de Karol Beffa

Visuels : © Louis Thomas, Gallimard Jeunesse et photos du spectacle : ©Hélène Adam