Le festival honore la jeunesse

Trois sonates très romantiques

Le 16 Juillet à l’Opéra Comédie de Montpellier, Alexandre Kantorow et Daniel Lozakovich interprètent trois sonates pour piano et violon: la 3ème de Grieg, la 1ère de Schumann et celle de César Franck. Daniel Lozakovich joue sur un violon Stradivarius 1713. Dès l’allegro initial de la sonate de Grieg, le violon chante merveilleusement. La fluidité du jeu du pianiste permet aux notes de s’écouler magnifiquement, comme dans une rivière limpide. Le 2ème mouvement est une romance qui débute au piano seul conduisant à un grand développement pianistique qui pourrait évoquer Rachmaninov, alors que le violon se fait plus malicieux, plus léger. Le final est rapide, enlevé, rappelant des danses folkloriques.
La sonate pour piano et violon de César Franck est célèbre, elle aurait inspiré Marcel Proust pour sa sonate de Vinteuil. Daniel Lozakovich décline avec délicatesse «la petite phrase», une bien belle mélodie. La symbiose entre les deux instruments est remarquable. La virtuosité des solistes est mise à l’épreuve dans le deuxième mouvement, un allegro tumultueux pendant lequel le piano gronde, avant une avalanche de notes. Le Recitativo-Fantasia est encore plus romantique. Après des accords tragiques, la musique est empreinte d’une grande douceur, les notes sont pures, comme suspendues dans le temps. Piano et violon nous offrent un chant d’amour. Nous sommes enchantés par la beauté de la sonate et la qualité de son interprétation.

Un monument de la musique classique

Le lendemain, 17 Juillet Daniel Lozakovich rentre seul sur scène, salle Pasteur au Corum. Il s’apprête à gravir une montagne: la sonate pour violon N°1 et les Partitas N°3 et N°2 composées par J. S. Bach à Köthen en 1720. Le talent du soliste se révèle déjà dans la sonate. L’adagio initial est très émouvant. C’est un chant un peu douloureux, interprété avec beaucoup de sensibilité. La fugue est une musique d’une grande plénitude, d’une grande force qui remplit la salle et suscite, par sa perfection, notre admiration. Tout en mettant à l’épreuve la virtuosité du violoniste! Puis arrive la Partita N°2. L’auditeur appréciera la mélancolie, la pureté de la Sarabande qui est une plainte, une prière. Tout comme il aimera l’élégance de la Gigue, une danse vive, plaisante. Mais avec la célèbre Chaconne Daniel Lozakovich atteint l’«Himalaya du violon». Il s’agit d’une série de variations, d’une redoutable difficulté technique. Bach a fait du violon un instrument polyphonique! Aux reprises vigoureuses, aux crescendos impressionnants succèdent des moments de recueillement. Le soliste y met toute sa technique mais aussi beaucoup d’émotions dans une interprétation très réussie.

L’accordéon, un instrument magique

«On peut tout jouer à l’accordéon» disait Yvette Horner. Julien Beautemps a retenu la leçon. Au Corum, le 17 Juillet 2024, dans un concert au programme très varié, il nous révèle toutes les possibilités de l’accordéon, « ce piano du pauvre». Il commence par la Passacaille et fugue en ut mineur de J.S. Bach. Il s’agit d’une œuvre pour orgue que Julien Beautemps a transcrit pour son instrument. Le début est très grave, l’ambiance religieuse, le rapprochement avec l’orgue évident. Mais il y a aussi des aigus qui pourraient rappeler la flûte, et surtout beaucoup de nuances, de douceur, de sensibilité dans l’interprétation.
Puis l’auditeur est transporté jusque dans la musique contemporaine avec De Profundis, une œuvre écrite en 1978 par la compositrice russe Sofia Goubaïdoulino. Une musique inspirée par le psaume 130, composée pour le bayan, l’homologue russe de notre accordéon. «Un accordéon qui devient machine» selon les propos de Julien Beautemps. Le début est atonal, marqué par un tremblement, une vibration. Les accords sont intenses, les glissando agressifs mais de ce chaos émerge une mélodie. Une mélodie venant des profondeurs qui devient une prière. On entend littéralement le souffle de l’accordéon et les sifflements d’oiseaux de Julien Beautemps, célébrant le triomphe de la vie.
Il nous interprète ensuite des extraits de Mechanics sa première composition. Après une toccata au rythme obstiné, il propose un Dies Irae laissant éclater la colère divine mais où la supplique et la consolation ont toute leur place. Il jouera également des extraits de la 2ème symphonie d’Erwin Schulhoff un compositeur tchèque persécuté par les Nazis. La partition était perdue mais Julien Beautemps a pu la reconstituer à l’oreille à partir de vieux enregistrements puis la transcrire pour l’accordéon. Une musique tour à tour inspirée par le folklore tchèque, le romantisme et le jazz.
Ce concert a été une révélation, sur les possibilités multiples de l’accordéon, sur les talents d’interprète et de compositeur de Julien Beautemps. En plus il est très drôle, très simple, partageant avec le public ses convictions philosophiques et artistiques. Oui, nous avons découvert un jeune talent prometteur, innovateur.